Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a entendu Mme Dominique Versini, défenseure des enfants, et M. Hugues Feltesse, délégué général, sur le rapport d'activité pour 2007.
a présenté les trois missions principales qui lui incombent. Sa première fonction est de recevoir directement les réclamations des mineurs eux-mêmes. On en dénombre 2 600 par an et l'objectif est d'augmenter ce chiffre à l'avenir. Les réclamations se font soit par courrier écrit, soit par courriel. Le défenseur est ensuite chargé d'identifier les dysfonctionnements collectifs qui peuvent faire obstacle à la bonne application des droits des enfants : il convient de faire évoluer les pratiques professionnelles ou les textes, par exemple en proposant, comme l'an dernier, la mise en place d'un statut de tiers pour les personnes qui partagent la vie des enfants. Cette proposition devrait déboucher sur un projet de loi relatif au statut des beaux-parents, qui est en préparation au ministère chargé de la famille. La dernière mission consiste enfin à promouvoir les droits de l'enfant, mission la moins développée jusqu'à présent, mais qui sera davantage soutenue dans les prochaines années, à budget constant, notamment par la création d'une mission de promotion des droits de l'enfant.
Dans l'ensemble, les droits de l'enfant sont bien respectés en France. Cependant, les droits des enfants étrangers ne sont pas toujours bien appliqués et suscitent 16 % des réclamations adressées cette année au défenseur. Ces réclamations se rapportent à trois types de situations : des difficultés liées aux regroupements familiaux, celles résultant de l'état d'isolement de mineurs étrangers et celles auxquelles sont confrontées les familles en situation irrégulière. Ces familles sont parfois retenues, avant d'être expulsées, dans des centres de rétention administrative, où elles peuvent se trouver avec leurs enfants. Le cas de figure est particulièrement cornélien, car on ne sait quelle solution est la moins mauvaise : l'intérêt de l'enfant commande-t-il de le laisser auprès de ses parents dans le centre fermé ou de le placer dans un lieu mieux adapté à sa condition, mais éloigné de ses parents ? La meilleure solution serait sans doute de pouvoir assigner les familles expulsables, avec leurs enfants, à leur domicile ou à l'hôtel.
a ensuite présenté une récente opération permettant à des jeunes gens de réaliser leur service civil volontaire en tant qu'ambassadeurs du défenseur des enfants. Trente-deux ambassadeurs interviennent ainsi dans des classes de 5e de collèges volontaires de douze départements, et y sensibilisent les enfants et la communauté éducative à la convention internationale des droits de l'enfant. Ils présentent également les institutions et les personnes chargées d'aider et de protéger les enfants : défenseur des enfants, juges aux affaires familiales, assistantes sociales.
La défense des enfants passe également par une meilleure formation des juges aux affaires familiales. La séparation des parents constitue en effet le problème principal auquel sont aujourd'hui confrontés les enfants, ce que prouvent les nombreuses demandes adressées à la défenseure des enfants à ce sujet (37 % des demandes). Il est ainsi regrettable que la formation à l'école nationale de la magistrature ne comprenne plus de stage extrajudiciaire, ce qui permettait de sensibiliser les futurs magistrats à ces situations particulières, et que le financement des espaces neutres de rencontre, qui offrent aux parents séparés un lieu indépendant susceptible de les aider à améliorer leurs relations, soit insuffisant.
Enfin, Mme Dominique Versini a détaillé son dernier rapport relatif aux adolescents en souffrance. Quatre évolutions sont particulièrement inquiétantes. Les adolescents sont d'abord concernés par la souffrance psychique à un âge plus précoce, soit au début du collège, ce qui se traduit par un nombre qui reste élevé de tentatives de suicide. On compte en moyenne 40 000 passages à l'acte, chaque année, chez les adolescents, et plus fortement encore pour les jeunes homosexuels. Les suicides d'adolescents interpellent particulièrement le défenseur, car ils révèlent parfois les failles du système de prise en charge publique. Récemment, un adolescent très difficile, qui côtoyait régulièrement la délinquance, a été placé, après être passé d'une famille d'accueil à l'autre, dans un centre éducatif renforcé. Le jour de ses dix-huit ans, il a été, comme l'exige la loi, prié de quitter le centre. N'ayant aucun lieu où dormir, il a appelé le centre toute la journée pour demander à y passer la nuit. Devant le refus légal du centre, il s'est donné la mort le soir même, après écrit au creux de sa main « Demandez-moi pardon ». Ce drame doit évidemment conduire les pouvoirs publics à imaginer un dispositif qui assurerait la prise en charge continue des jeunes adultes en souffrance, indépendamment de leur âge et donc de leur statut juridique.
Le deuxième phénomène préoccupant est le développement de la poly-addiction : en vingt ans, le nombre d'adolescents dépendants de l'alcool, du tabac ou du cannabis a doublé, passant de 17 % à 34 % d'une génération. Les comas éthyliques des adolescents ne sont plus exceptionnels. Cette tendance est aggravée par la politique commerciale de grands lobbys qui proposent par exemple aux adolescents des boissons « premix » très concentrées en alcool, sous un aspect anodin, et qui ont pour effet de les accoutumer à l'alcool. Beaucoup de pédopsychiatres expérimentés affirment qu'ils sont aujourd'hui confrontés à un genre nouveau d'adolescents brisés très jeunes par l'alcool.
La troisième évolution inquiétante est la confrontation d'adolescents, de plus en plus jeunes, à la pornographie : aujourd'hui, la quasi-totalité des enfants a vu des images pornographiques avant quatorze ans. Cette banalisation d'images dépréciant la représentation du corps, notamment féminin, n'est pas sans lien avec la montée des crimes et délits sexuels, qui représentent 70 % des motifs d'inculpation des mineurs emprisonnés.
Enfin, les adolescents développent, plus que par le passé, des phobies scolaires que les médecins ne parviennent pas toujours à soigner et qui se traduisent par des phénomènes de déscolarisation dramatiques. L'absentéisme scolaire est par ailleurs aggravé par le développement des blogs personnels qu'on chiffre aujourd'hui à environ 10 millions. Cette évolution est d'autant plus préoccupante que 2 % à 3 % des propos tenus sur les blogs d'adolescents sont alarmants et évoquent des scarifications ou des envies suicidaires. La radio Skyrock qui héberge la grande majorité de ces blogs a donc noué un partenariat avec le « fil santé jeune » et a embauché un psychanalyste et un psychologue pour aider ces adolescents et leur indiquer les lieux où ils peuvent être écoutés et soutenus. Cette initiative est excellente, car elle permet de pallier en partie le dramatique manque d'information des jeunes sur les services qui leur sont destinés. Les adolescents se parlent et s'écoutent, mais ils osent rarement se confier à leurs parents. Il est donc essentiel de les informer sur les lieux et les numéros d'accès à des personnes compétentes, capables d'entendre leurs souffrances et de les soigner.
Les moyens qui devraient permettre de faire face à cette situation sont aujourd'hui insuffisants. On dénombre seulement dix-huit maisons des adolescents, 6 800 infirmiers scolaires et 2 000 médecins scolaires pour l'ensemble du territoire. Face à cette pénurie, deux solutions sont à privilégier. D'une part, il faut développer la coordination entre l'ensemble des acteurs de l'enfance : enseignants, médecins et infirmières scolaires, assistantes sociales, professionnels de santé et juges aux affaires familiales. La fédération française de psychiatrie a mis en place un référentiel à l'usage des médecins scolaires pour les aider à identifier les signes de la souffrance psychique des enfants. On pourrait aller encore plus loin en contraignant les médecins généralistes à suivre une formation continue afin de mieux écouter et repérer les adolescents difficiles. D'autre part, les soins mobiles doivent être encouragés, car ils permettent d'améliorer fortement la prise en charge des adolescents. Dans la région Bretagne par exemple, qui connaît le plus fort taux d'addiction des adolescents à l'alcool, un service de consultation mobile basé à Rennes a ainsi été créé et a permis de réduire considérablement la proportion des adolescents alcooliques.