Intervention de Pierre Bernard-Reymond

Commission des affaires sociales — Réunion du 30 avril 2008 : 1ère réunion
Travail — Modernisation du marché du travail - examen du rapport

Photo de Pierre Bernard-ReymondPierre Bernard-Reymond, rapporteur :

a rappelé que le projet de loi vise à transposer les dispositions de nature législative contenues dans l'accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier dernier, qui met en oeuvre une véritable flexisécurité à la française. Cet accord a été approuvé par les trois organisations patronales (Medef, CGPME et UPA) et par quatre des cinq organisations syndicales représentatives (CFDT, FO, CFTC et CGC), seule la CGT ayant refusé de signer. Certaines stipulations de l'ANI sont d'application directe ou seront déclinées lors de négociations ultérieures, notamment dans la convention d'assurance chômage. Le Gouvernement prépare également quatre décrets qui complèteront la transposition.

Le projet de loi comporte une dizaine d'articles qui abordent des sujets variés, mais est bâti autour de trois mesures essentielles : la rupture conventionnelle du contrat de travail, la période d'essai et le contrat à durée déterminée (CDD) à objet défini. Deux autres mesures méritent une attention particulière : la suppression du contrat « nouvelles embauches » (CNE) et la légalisation du portage salarial.

La rupture conventionnelle est la pierre angulaire du texte, puisqu'elle traduit la volonté des partenaires sociaux de privilégier désormais la recherche de solutions négociées, plutôt que de s'inscrire dans une logique de conflit conduisant trop fréquemment à des actions en justice. Le dispositif proposé prévoit une procédure en trois temps : la convention de rupture est d'abord négociée lors d'un ou plusieurs entretiens au cours desquels l'employeur et le salarié peuvent se faire assister ; les parties disposent ensuite d'un délai de rétractation de quinze jours ; enfin, la convention est adressée, pour homologation, à la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP). L'homologation n'interdit pas une éventuelle action en justice, tous les litiges étant portés devant le conseil de prud'hommes. Comme le stipule l'ANI, le salarié a droit à une indemnisation par l'assurance chômage.

Les partenaires sociaux ont ensuite souhaité qu'en matière de période d'essai, tous les salariés soient désormais couverts par des règles communes, définies au niveau interprofessionnel. Ils ont fixé, dans ce but, une durée maximale de la période d'essai, variable selon les catégories professionnelles, et un délai de prévenance, c'est-à-dire un délai minimum entre le moment où une des parties décide de rompre la période d'essai et le moment où cette rupture devient effective. Les accords collectifs existants qui prévoient une période d'essai plus longue que les nouveaux plafonds légaux continueront à s'appliquer, tandis que ceux qui prévoient des durées plus courtes cesseront de s'appliquer après le 30 juin 2009. L'intention des partenaires sociaux est clairement d'accroître la durée moyenne de la période d'essai, afin de dissuader certains employeurs d'utiliser le CDD ou l'intérim comme des outils de pré-recrutement et de favoriser l'embauche directe en CDI.

La troisième disposition significative porte sur la création du CDD à objet défini. Il s'agit d'un nouveau type de CDD, qui a pour caractéristique d'arriver à échéance lorsque l'objet pour lequel il a été conclu est réalisé. Subordonné à la conclusion d'un accord de branche ou d'entreprise et signé pour une durée comprise entre dix-huit et trente-six mois, il est réservé aux cadres et ingénieurs. Il peut être rompu à la date anniversaire de sa conclusion, par l'une ou l'autre des parties, pour un motif réel et sérieux. Ce nouveau contrat fera l'objet d'une évaluation au bout de cinq ans.

a ensuite présenté les deux autres mesures marquantes du projet de loi.

La première est la suppression du contrat « nouvelles embauches » (CNE) et la requalification en CDI de droit commun des CNE en cours au moment de la promulgation de la loi. Le CNE a pour caractéristique principale de pouvoir être rompu, pendant les deux premières années, sans que l'employeur ait à fournir de motif. Les cours d'appel de Bordeaux et de Paris puis le Bureau international du travail ont cependant conclu à la non-conformité du CNE à la convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail. Il paraît difficile dans ces conditions de satisfaire à la demande de la CGPME qui souhaite que les CNE en cours soient maintenus.

La deuxième mesure est la légalisation du portage salarial, qui est une forme d'organisation du travail tentant de concilier les avantages du travail indépendant avec ceux du salariat. Grâce au portage salarial, un professionnel autonome qui a trouvé une mission auprès d'une entreprise cliente peut bénéficier du statut de salarié en signant un contrat de travail avec une société de portage qui se charge des formalités administratives, du paiement des cotisations sociales et lui permet de s'affilier à l'assurance chômage.

La pratique actuelle du portage salarial pose cependant de sérieux problèmes juridiques : la qualité de salarié est parfois refusée à la personne portée et l'affiliation à l'assurance chômage est alors frauduleuse ; si la qualité de salarié lui est reconnue, la société de portage risque alors d'être sanctionnée pour prêt de main-d'oeuvre illicite.

Le projet de loi « sécurise » sur le plan juridique le portage salarial, notamment en introduisant une dérogation à l'interdiction du prêt de main-d'oeuvre illicite au profit de ces entreprises. Il propose également de confier l'organisation du portage à la branche de l'intérim, ce qui suscite les critiques compréhensibles des trois fédérations qui regroupent actuellement des entreprises de portage, en particulier celles du syndicat national des entreprises de portage salarial (Sneps) qui a déjà conclu un accord avec plusieurs syndicats représentatifs. Le syndicat des entreprises de travail temporaire, Prisme, s'est cependant engagé à associer ces trois fédérations à la négociation qu'il va conduire avec les syndicats de salariés.

Pour conclure, M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur, a souhaité que la discussion parlementaire ne remette pas en cause les grands équilibres du texte, au risque de décourager les efforts entrepris par les organisations syndicales et patronales pour dégager des compromis.

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