a rappelé que, sous la présidence de Vladimir Poutine, la Russie s'était attachée à revaloriser le rôle des instruments militaires au service de sa politique de puissance. Le budget de la défense a été multiplié par quatre entre 2000 et 2007. La reprise, en 2007, des patrouilles de bombardiers stratégiques, après plusieurs années d'interruption, symbolise cette volonté de restaurer le statut de puissance militaire, en réaction notamment à la politique de l'administration Bush. L'élection de Barack Obama n'a cependant pas dissipé la méfiance des autorités russes, comme en a témoigné la menace du président Medvedev d'installer des missiles Iskander à Kaliningrad en cas de maintien du projet d'installation d'éléments du système antimissiles américain en Pologne et en République tchèque. Le président Medvedev poursuit donc le mouvement de valorisation du facteur militaire qu'avait engagé son prédécesseur - comme en témoignent les initiatives militaires récentes prises avec Cuba et le Venezuela, ou encore la décision d'assurer une présence militaire russe dans l'Arctique.
a souligné que les orientations de Moscou en matière de défense ne signifiaient nullement que la Russie est en mesure de menacer sérieusement les pays occidentaux sur le plan militaire, du fait de l'état actuel de ses forces conventionnelles. En outre, elle a estimé que les mesures de renforcement de l'outil militaire n'étaient pas nécessairement à interpréter exclusivement comme étant dirigées contre les pays occidentaux.
a évoqué les faiblesses persistantes qui continuent d'affecter le système de défense russe. Le conflit géorgien d'août 2008 a été révélateur de lacunes sérieuses au sein des forces russes, amenant le gouvernement à lancer une nouvelle étape de la réforme du secteur de la défense. Lors de ce conflit, en effet, l'armée russe a souffert de défaillances du soutien aérien, de déficiences de ses armes de précision et quant à la neutralisation des défenses aériennes adverses, d'un manque de synergie interarmées et d'une insuffisante interopérabilité entre les systèmes de communication des différentes forces.
Les forces nucléaires absorbent environ un quart du budget d'équipement et la place centrale qui leur est accordée dans la doctrine de défense révèle en soi les limites des capacités conventionnelles.
Le réarmement et la modernisation des équipements voient leurs échéances régulièrement repoussées. C'est ce qu'a indiqué en creux le président Medvedev, le 17 mars dernier, avec son annonce sur le début du « réarmement massif » des forces à compter de 2011, alors que ce réarmement a déjà été annoncé comme imminent à plusieurs reprises ces dernières années pour être ensuite reporté. De la même façon, en indiquant que le nouveau projet de réforme des armées porte sur la constitution d'une armée plus mobile et plus rapidement déployable, le gouvernement reconnaît de facto qu'il a jusqu'à présent été incapable de mener à bien ce projet, pourtant poursuivi depuis le début des années 1990.
En dépit de la forte progression du budget de la défense russe au cours de la décennie en cours, les équipements nouveaux n'arrivent qu'à un rythme très lent au sein des forces. L'outil industriel est vieillissant et se trouve à la limite de ses capacités. Il peine à satisfaire aussi bien le ministère russe de la défense que les clients à l'exportation, les incidents étant de plus en plus fréquents dans les programmes d'équipement conduits en coopération avec des partenaires étrangers.
a estimé que les objectifs de modernisation et de renforcement des capacités énoncés par le président Medvedev dans son discours du 17 mars s'adressaient en priorité à l'opinion et aux acteurs internes, beaucoup plus qu'aux pays occidentaux et à l'OTAN. La relance de la politique d'équipement constitue un soutien majeur à l'emploi dans une industrie perçue en outre comme essentielle à la diversification économique du pays et à son redressement technologique. L'industrie d'armement est d'autant plus dépendante de l'Etat qu'elle trouve peu de financements auprès du secteur bancaire, surtout dans l'actuelle période de crise.
a ensuite évoqué l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) à laquelle appartiennent la Russie et six pays de l'espace post-soviétique. Elle a considéré qu'il serait erroné de ne voir dans la promotion par la Russie de cette organisation qu'une volonté de Moscou de créer un bloc militaire « anti-OTAN ». L'OTSC a récemment décidé de se doter d'une force de réaction rapide, mais cette force -elle aussi annoncée de longue date- vise surtout à parer les menaces qui fragilisent le flanc sud de la Russie en Asie centrale, principalement en lien avec la situation en Afghanistan.
Dans le même temps, Mme Isabelle Facon a indiqué que la Russie usait volontiers de manifestations démontrant la reconstitution d'une puissance militaire, ce qu'elle considère comme un levier politique comme un autre dans ses relations avec les pays occidentaux. Elle a toutefois souligné que l'abandon progressif de la conscription montre bien que la Russie écarte l'hypothèse d'un conflit majeur et estimé que le redressement de l'outil militaire constituait un chantier extrêmement lourd, compte tenu du sous-investissement dont cet outil a pâti dans les années 1990.
a considéré qu'en dépit de ces faiblesses, les intentions militaires de la Russie sont à prendre au sérieux sur certains volets.
D'une part, l'outil militaire sert la forte volonté de Moscou d'asseoir son contrôle sur l'espace post-soviétique, que la Russie considère comme une zone d'influence naturelle mais aussi comme une zone de risques (conflits locaux, menaces transnationales). La démonstration d'une capacité de réaction militaire rapide doit permettre à la Russie d'apparaître auprès de ses partenaires régionaux comme un garant crédible de leur stabilité et sécurité. Elle joue également un rôle dissuasif à l'égard des pays qui seraient tentés d'entrer dans l'orbite de l'OTAN. C'est tout le sens du choix russe en faveur d'une réaction militaire musclée en Géorgie, de la constitution de la Force de réaction rapide (FRR) de l'OTSC ou encore de la décision de développer ou d'implanter des bases dans différents pays de la Communauté des Etats indépendants (CEI), ainsi qu'en Abkhazie et en Ossétie du Sud.
La Russie conçoit également le renforcement de son potentiel militaire comme un élément important de la défense de ses intérêts économiques, notamment dans la perspective d'une concurrence mondiale accrue pour les ressources naturelles, d'où, par exemple, ses annonces sur son potentiel militaire dans ses territoires du Grand Nord.
Enfin, Mme Isabelle Facon a évoqué les conséquences possibles de la crise financière sur la politique de défense de la Russie. Elle a souligné l'ampleur des besoins dans d'autres secteurs tels que la santé, l'éducation, la démographie et les infrastructures, et la conscience qu'en a le gouvernement russe. Elle a également indiqué que le rôle joué, dans la dislocation de l'URSS, par le surinvestissement dans la défense restait présent à l'esprit des dirigeants russes, aujourd'hui préoccupés par le risque de troubles sociaux engendrés par la dégradation de la situation économique. Elle a signalé qu'il était désormais envisagé de réduire le budget de la défense initialement prévu pour 2009 (même s'il devrait rester supérieur à celui de 2008) et a estimé que les arbitrages à venir ne seraient pas nécessairement aussi favorables à la défense qu'on pouvait le penser il y a encore quelques mois.
Puis un débat s'est ouvert au sein de la commission.