Le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » retrace principalement, en recettes, les produits de cession des immeubles de l'Etat et, en dépenses, des versements contribuant à financer des opérations immobilières de l'Etat, ou réalisées par ses opérateurs sur des immeubles domaniaux, et une contribution à son désendettement. Vous vous souvenez qu'à mon initiative, le principe de cette contribution au désendettement a été consacré, dans la loi de finances pour 2009, à hauteur de 15 % sauf exceptions.
Cette organisation doit faire l'objet, en 2011, de modifications substantielles.
Tout d''abord, l'article 30 du projet de loi de finances propose deux aménagements du régime de la contribution au désendettement de l'Etat de ses recettes de cessions immobilières.
En premier lieu, il s'agit d'affecter les produits de la vente d'immeubles occupés par la direction générale de l'aviation civile (DGAC) au désendettement du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ». Ce budget annexe connaît en effet un niveau d'endettement préoccupant (plus d'un milliard d'euros fin 2009). Les versements attendus du fait de la mesure (7 millions d'euros par an, en moyenne, sur la période 2011-2013) ne dispenseront pas des nécessaires réformes internes par ailleurs entreprises par la DGAC.
En second lieu, il est prévu d'exonérer de contribution au désendettement les cessions d'immeubles domaniaux dont disposent certains établissements publics, notamment les universités, qui ont demandé la dévolution de ce patrimoine sur le fondement de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités. À ce jour, aucune dévolution n'a encore été effectuée, mais une dizaine d'universités se sont déclarées candidates. Pendant la période transitoire qui s'étend de la demande de ce transfert de propriété à sa réalisation juridique, l'Etat entend ainsi reverser l'intégralité des produits aux établissements cédants. L'impact financier, d'après le Gouvernement, est difficile à évaluer.
La même mesure d'exonération vise les établissements publics d'enseignement supérieur ou de recherche implantés sur le plateau de Saclay, que la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris entend constituer en pôle scientifique et technologique. Il s'agit là de favoriser les projets immobiliers permettant le développement du campus.
Par ailleurs, le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, au début de ce mois, a fait part de son souhait d'intensifier la contribution au désendettement de l'Etat des produits de cessions immobilières. Il a annoncé le dépôt en ce sens d'un amendement du Gouvernement au projet de loi de finances. Notre visibilité, en la matière, devrait être meilleure à l'issue de l'examen de la première partie de ce projet de loi par l'Assemblée nationale.
Pour ma part, j'ai régulièrement souligné la faiblesse de la contribution au désendettement des produits de cessions immobilières de l'Etat. En pratique, entre 2005 et 2009, en moyenne, 14 % seulement de ces recettes ont été affectées à la réduction de la dette, notamment du fait de l'existence de régimes d'exemption. J'estime que le doublement du taux minimum actuel, qui serait ainsi porté à 30 % des produits, dès 2011, serait significatif d'une volonté politique de mieux lier les ventes d'immeubles de l'Etat à la résorption de sa dette.
Surtout, je préconise de planifier la disparition des régimes d'exemption de contribution au désendettement qui, actuellement, bénéficient aux produits des cessions du ministère de la défense et d'immeubles situés à l'étranger. La pérennité de ces régimes risquerait, en effet, d'entretenir les administrations dans un statut de « quasi-propriétaire », à rebours de la volonté affichée par le Gouvernement d'affermir l'unité de l'Etat propriétaire.
Ainsi, en ce qui concerne les cessions du ministère de la défense, je recommande de ne pas renouveler la dispense de contribution au désendettement au-delà du 31 décembre 2014, échéance actuellement prévue par la loi, ou, au plus tard, au-delà de la fin d'exécution de la loi de programmation militaire en vigueur, si celle-ci devait être prorogée. En ce qui concerne les biens situés à l'étranger, il me paraît nécessaire de borner la dispense dans le temps, ce qui n'est pas fait en l'état du droit, à la même date que pour les biens militaires, dans un souci d'égalité entre ministères. Je me réserve de prendre l'attache de notre collègue Philippe Marini, rapporteur général, pour traduire ces préconisations sous la forme d'amendements.
J'en viens aux crédits prévus par le projet de loi de finances.
La prévision de cessions immobilières de l'Etat, pour 2011, s'élève à 400 millions d'euros de produits, soit 0,7 % de la valeur du parc immobilier inscrite, au 31 décembre 2009, dans le bilan de l'Etat (60,4 milliards d'euros). Cet objectif est le moins élevé depuis qu'une telle prévision se trouve inscrite dans la loi de finances, c'est-à-dire 2005. En particulier, il s'avère nettement plus modeste que celui des deux précédents exercices (1,4 milliard d'euros pour 2009, 900 millions pour 2010), car la prévision a été adaptée aux nouvelles modalités de cession des implantations parisiennes du ministère de la défense (d'abord escomptées à hauteur d'un milliard d'euros en 2009, puis de 700 millions en 2010).
Je vous rappelle que ces ventes sont liées à la perspective du regroupement des services centraux du ministère, à la fin de 2014, sur le site « Balard », dans le XVe arrondissement de la capitale. J'entends d'ailleurs suivre de très près l'évolution de cette opération, dont je tiens à souligner qu'elle a fait l'objet de fortes critiques de la Cour des comptes : elle ne s'est pas inscrite dans la continuité des premiers efforts de planification immobilière entrepris par le ministère au cours des années précédentes, et elle ne semble pas avoir été précédée d'une recherche de solutions alternatives...
En tout état de cause, la prévision du projet de loi de finances apparaît comme plus sincère que celle des deux dernières lois de finances initiales, vu les réalisations récentes de cessions (375 millions d'euros de recettes en 2008, 475 millions en 2009), et compte tenu du rétablissement du marché immobilier. L'exécution en cours le confirme : la prévision de recettes afférente, pour 2010, aux cessions des ministères autres que celui de la défense (soit 200 millions d'euros), devrait être dépassée, et de ce fait plus de 400 millions d'euros de produits sont attendus à la fin de l'année. Les ventes seront d'ailleurs fondées sur le plan pluriannuel de cessions, visant quelque 17 000 biens immobiliers, rendu public en juin dernier par le ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.
Cependant, l'objectif de céder pour 400 millions d'euros d'immeubles de l'Etat conserve un caractère ambitieux, si l'on considère la raréfaction des biens de prestige disponibles à la vente. Certes, au début de cette année, la cession de l'ancien immeuble de Météo-France a donné lieu à une recette de 73 millions d'euros montant qui n'a d'ailleurs été porté que très tardivement à ma connaissance, alors que la presse s'est faite l'écho de conditions de vente qui paraissent discutables... Mais la conclusion de prix semblables se trouve appelée à devenir de plus en plus exceptionnelle. L'atteinte de l'objectif de cessions pour 2011 est donc conditionnée à des réalisations nombreuses.
La contribution des produits au désendettement de l'Etat est fixée par le projet de loi de finances à 60 millions d'euros, soit 15 % du total. Ce montant, toutefois, demeure quelque peu incertain, eu égard aux projets de réforme que j'ai indiqués. Du moins, l'orientation est bien à l'intensification de cette contribution, puisque c'est 15 % de l'ensemble des recettes des cessions immobilières de l'année qu'il est ainsi prévu d'affecter à la réduction de la dette, nonobstant les régimes d'exemption précités. Du reste, l'ampleur des cessions du ministère de la défense et d'immeubles situés à l'étranger attendues pour 2011 n'est pas précisée par la documentation budgétaire, et je compte donc interroger le Gouvernement, sur ce point, en séance.
Le solde de 340 millions d'euros sera affecté à des dépenses immobilières, pour des opérations qui devront satisfaire à l'exigence d'une gestion performante. L'emploi concret de ces ressources reste toutefois à justifier, faute de précision suffisante, là encore, des éléments fournis par la documentation budgétaire.
À présent, comme les années précédentes, je voudrais élargir mon propos aux avancées récentes et perspectives à court terme de la politique immobilière de l'Etat, laquelle, de mon point de vue, ne saurait se limiter aux cessions. Le but véritable, en la matière, est en effet de rationaliser les coûts et les implantations. Il faut souligner le caractère essentiel que revêt ici la volonté politique, et sa réitération, tant peuvent se révéler prégnantes les réticences au changement...
Tout d'abord, la « refondation » de cette politique doit encore être menée à bien.
En premier lieu, l'amélioration de l'inventaire et de la valorisation du patrimoine immobilier constitue toujours une tâche importante pour assurer la sincérité du bilan de l'Etat. Je rappelle que la Cour de comptes, dans son rapport de certification pour 2009, a maintenu la réserve substantielle qu'elle avait formulée, à cet égard, pour les exercices précédents.
En deuxième lieu, la substitution des nouvelles conventions d'utilisation au régime de l'affectation des immeubles domaniaux connaît une mise en application difficile. France Domaine est tenu d'avoir conclu l'ensemble des conventions d'ici la fin 2013, et le nombre d'immeubles soumis à convention est estimé à 60 000. Or, au 30 juin dernier, seules 225 conventions d'occupation avaient été signées, sur 1 201 projets envoyés aux administrations occupantes. La « révolution culturelle » s'avère lente à se concrétiser !
En dernier lieu, la mutualisation interministérielle du produit des cessions immobilières est à généraliser. En effet, dans le régime actuel, et pour s'en tenir au droit commun, cette mutualisation est limitée à 20 % des produits, tandis que 65 % reviennent au ministère cédant, 15 % étant affectés au désendettement comme je l'ai indiqué. Ce régime, aménagé par le Gouvernement au titre de l'intéressement des ministères aux cessions, ne se justifiait, à mes yeux, que dans les premiers temps de la rationalisation du parc immobilier. Désormais, la consécration de l'Etat propriétaire passe par la mutualisation complète des recettes patrimoniales.
Cette mesure permettrait à France Domaine de piloter les opérations immobilières de ministères qui, aujourd'hui, au-delà des contrôles de conformité aux critères de performance auxquels ils sont assujettis, se révèlent pratiquement souverains sur des budgets d'investissement établis à partir des produits de « leurs » cessions. Le cas échéant, l'intéressement des ministères à la rationalisation doit changer de niveau : elle ne doit plus s'opérer sur le plan des cessions, mais sur celui des conditions de leur occupation immobilière, par des mesures incitatives à une gestion optimale.
Par ailleurs, l'extension du champ d'application de la politique immobilière de l'Etat est à poursuivre.
C'est vrai, d'abord, sur un plan institutionnel.
Je fais là référence, d'abord, aux services déconcentrés, désormais réorganisés dans le cadre de la réforme territoriale de l'Etat (RéATE). Tous sont redevables, aujourd'hui, d'un loyer budgétaire pour leur occupation d'immeubles domaniaux, et tous seront dotés, d'ici la fin de cette année, d'un schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI).
Je fais également référence aux 643 opérateurs de l'Etat, qui commencent seulement à être intégrés à sa stratégie immobilière. L'inventaire et l'évaluation de leur parc immobilier reste en cours ; chacun d'entre eux doit se doter d'un SPSI entre 2010 et 2011. D'ailleurs, je rends hommage au précédent ministre chargé du budget d'avoir fait preuve, pour obtenir ces résultats, de la fermeté nécessaire.
Sur un plan opérationnel, l'entretien des bâtiments de l'Etat et la gestion des baux qu'il supporte constituent deux domaines encore seulement à l'orée d'un meilleur suivi.
À ce propos, je rappelle que mon contrôle sur pièces et sur place, l'année dernière, a établi la méconnaissance par l'Etat de son parc locatif et le caractère coûteux de celui-ci (près de 190 millions d'euros par an en Ile-de-France). D'évidence, il fallait mettre en place une gestion active en la matière ; mon rapport tendait à appuyer, dans cet effort, le ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat. De fait, dès l'année dernière, le Gouvernement a fait valoir deux séries d'initiatives.
D'une part, des mesures ponctuelles de réorganisation des conditions d'implantation de certains services ont été prises. Par exemple, le bail du secrétariat d'Etat aux sports et celui des services du Médiateur de la République ont été renégociés. De même, je signale à l'attention particulière du Président Arthuis, attentif au sujet, qu'une lettre du ministre chargé du budget a été adressée au président de la Cour de justice de la République, en vue de trouver une solution au coût excessif du bail de cette institution. Toutefois, cette recommandation, à ce jour, semble être restée sans suite.