Intervention de Jacques Attali

Commission des affaires économiques — Réunion du 24 janvier 2008 : 1ère réunion
Economie française — Audition M. Jacques Attali président de la commission pour la libération de la croissance française

Jacques Attali, président de la commission pour la libération de la croissance française :

Le secteur de l'économie numérique représente un point de produit intérieur brut (PIB) de croissance potentielle, a déclaré M. Jacques Attali, mais il est paralysé du fait des 83 organes de gestion et de contrôle intervenant dans son champ. Il souffre d'un important retard dans la mise en place d'infrastructures de qualité, indispensables, y compris dans les lieux les plus reculés. La commission s'est déclarée hostile à l'une des propositions du rapport de M. Denis Olivennes, relative à des mécanismes de contrôle des usages individuels, considérant comme contraire aux libertés et à tout le moins improductive cette intrusion dans la sphère privée des internautes.

Soulignant que le secteur de la santé est un vecteur de croissance et non une charge, il s'est félicité de l'augmentation des dépenses y afférentes et a fait valoir que la France, qui occupe une des toutes premières places du secteur de l'industrie pharmaceutique, devait en profiter. En outre, Paris a les moyens de devenir une très grande place financière internationale, à condition qu'une série de réformes soit réalisée, dont un meilleur accueil des étrangers. Pointant le gros retard des ports français, en dépit d'atouts géographiques majeurs, il a estimé que Roissy devait devenir l'une des premières plate-formes aéroportuaires mondiales. Appelant à développer substantiellement le secteur des services à la personne, il a souligné le vaste potentiel de croissance que recèle l'industrie de l'environnement et du développement durable. Contrairement à l'Allemagne ou l'Autriche, la France est peu présente en ce domaine et devra y investir massivement, en repensant le contenu du principe de précaution, incompréhensible et inapplicable dans sa version actuelle.

La mobilité sociale, a poursuivi M. Jacques Attali, doit augmenter, mais en s'accompagnant de davantage de sécurité. En panne depuis une trentaine d'années, elle doit être stimulée par un accompagnement des quartiers et familles défavorisés, ainsi qu'en obligeant les entreprises à décliner par sexe, âge et origine les conditions d'accès aux emplois qu'elles proposent, notamment pour encourager l'emploi des jeunes.

La mobilité géographique doit également être encouragée et l'offre de logements améliorée à travers une mobilisation du foncier constructible, une réforme du coefficient d'occupation des sols (COS) et une révision du fonctionnement des offices HLM.

La mobilité concurrentielle doit être étendue et réformée. Les lois sur la distribution n'ont pas protégé le petit commerce, mais créé des rentes de situation profitant aux grands groupes, dont la valeur repose désormais plus sur le patrimoine immobilier que sur l'activité commerciale. Les produits distribués l'ont été à des prix de connivence entre producteurs et distributeurs, au détriment des consommateurs. Il est impératif de mettre en place une autorité de la concurrence veillant à éviter la création de nouveaux cartels de grande distribution.

Il faut encourager la mobilité internationale, qui concerne déjà 50.000 jeunes diplômés français quittant chaque année le pays, tandis que deux millions de nos concitoyens résident à l'étranger. En outre, l'immigration d'une main d'oeuvre étrangère est une chance dès lors qu'elle se fait selon des critères tenant, non à l'origine ou à la profession, mais au niveau de compétence. La France doit accueillir un maximum d'étudiants étrangers et leur faire payer leur formation.

Puis M. Jacques Attali a fait valoir que l'Etat, les collectivités territoriales et le système de sécurité sociale devaient prendre leur part dans les réformes et donner l'exemple. L'Etat dispose de moyens humains d'une remarquable qualité, mais ne lutte pas suffisamment contre les gaspillages. Le rapport propose dix programmes d'administration électronique permettant de dégager une économie de 15 milliards d'euros. Les départs à la retraite des agents publics ne doivent pas être intégralement remplacés et les activités étatiques doivent être confiées à des agences qui, sous tutelle de l'Etat, recourraient à des contrats de droit public ou privé pour leur personnel, tout en assurant des missions de service public. Le recrutement dans les grands corps de l'Etat et les hautes juridictions administratives, financières et judiciaires doit avoir lieu par concours après cinq années minimum d'activité, une fois que les agents ont acquis une réelle expérience de terrain. Certaines professions réglementées devraient voir leur cadre statutaire révisé : fusion des professions de notaires, d'avoués et d'avocats ; ouverture du capital des pharmacies et des sociétés d'avocat à des financeurs extérieurs ; suppression du numerus clausus des médecins ...

La structuration des collectivités territoriales doit être revue. L'excès de niveaux d'administration et le manque de clarté dans la répartition des compétences doit conduire à les repenser globalement dans un objectif général d'économie. La région et l'agglomération étant amenées à jouer un rôle croissant, le département serait voué à terme à disparaître. Le territoire français est appelé à se structurer progressivement autour d'agglomérations, certaines aussi importantes que des départements, qui assureraient les services de proximité.

Des secteurs ou instances aujourd'hui problématiques dans leur gestion, tels que les organismes paritaires collecteurs agréés (FAF) finançant la formation permanente, les chambres de commerce et de métiers, les tribunaux de commerce, les offices HLM gérant le 1 % logement ... devraient être regroupés, rendus plus transparents et soumis à évaluation en vue de réaliser des économies.

Soulignant pour conclure que le rapport appelait une application rapide entre les mois d'avril 2008 et juin 2009, avant qu'une nouvelle période électorale ne débute, M. Jacques Attali a indiqué avoir proposé à cet effet une procédure de mise en oeuvre très concrète, ajoutant que le rôle des membres de la commission s'arrêtait désormais là où celui des décideurs commençait.

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