Intervention de René Garrec

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 19 décembre 2007 : 1ère réunion
Administrations publiques — Archives et archives du conseil constitutionnel - examen du rapport

Photo de René GarrecRené Garrec, rapporteur :

Après avoir rappelé que dans son rapport de 1995 consacré au thème de la transparence et du secret dans la vie publique, le Conseil d'Etat avait constaté la revendication par les citoyens d'un « droit de savoir » sur les modalités d'exercice de l'action publique, M. René Garrec, rapporteur, a souligné que la France cherchait de longue date à améliorer la transparence de son action sans nuire pour autant à son efficacité. En particulier, le législateur est intervenu à plusieurs reprises, entre 1978 et 1979, afin de faciliter l'accès des usagers aux documents administratifs et aux archives publiques.

Il a indiqué que, confortant cette démarche d'ouverture, le précédent gouvernement avait déposé sur le Bureau du Sénat en 2006 deux projets de loi relatifs aux archives : l'un, ordinaire, à caractère général, l'autre, organique, consacré au Conseil constitutionnel. S'appuyant sur différentes réflexions, notamment sur le rapport Braibant, paru en 1996 sur Les archives en France, ces textes visent, d'une part, à améliorer la protection des archives, d'autre part, à en faciliter l'accès afin de répondre aux besoins exprimés par les citoyens, soucieux de consulter plus rapidement les sources de leur histoire collective.

En premier lieu, il a mis en avant la nécessité de protéger efficacement les archives, non seulement parce qu'elles constituent, pour leurs propriétaires, la mémoire de leur activité et assurent la sauvegarde de l'histoire collective, mais encore parce qu'elles permettent de justifier les droits des personnes.

S'il appartient à toute personne de veiller à la conservation de ses propres archives privées, il incombe en revanche à l'Etat, a-t-il précisé, de conférer un statut particulièrement protecteur à deux catégories d'archives qui présentent un intérêt administratif ou historique essentiel : d'une part, les archives publiques, c'est-à-dire les archives produites par une personne publique ou une personne privée investie d'une mission de service public, d'autre part, les archives privées classées, c'est-à-dire les archives appartenant à des personnes privées qui ont fait l'objet d'une procédure de classement, eu égard à leur « intérêt public ».

En second lieu, M. René Garrec, rapporteur, a expliqué que les projets de loi facilitaient l'accès aux archives publiques, saluant l'affirmation du principe de libre communicabilité de ces dernières, assorti de délais spéciaux de vingt-cinq, cinquante ou cent ans en fonction de la nature des documents protégés. Ces délais, a-t-il indiqué, sont raccourcis par les projets de loi, citant l'exemple des documents portant atteinte au secret des délibérations du gouvernement, désormais communicables à l'expiration d'un délai de vingt-cinq ans, au lieu de trente ans, ou des documents susceptibles de mettre à mal le secret de la défense nationale, dont le délai de communication passe de soixante à cinquante ans. Présentant le projet de loi organique relatif aux archives du Conseil constitutionnel, il a expliqué que son principal objectif était d'abaisser le délai de communication de soixante à vingt-cinq ans.

Il s'est également félicité de ce que les projets de loi consacrent le principe de gratuité de l'accès aux archives publiques, y compris des archives du Conseil constitutionnel. En revanche, il lui est apparu légitime de facturer, au même titre que pour les documents administratifs, les reproductions d'archives, dont le coût peut être très élevé pour les deniers publics.

a souligné la consécration juridique, par le projet de loi, de l'existence de protocoles d'archives conclus avec des autorités politiques. Ces protocoles, a-t-il rappelé, sont nés dès le début des années 1980 pour contourner les difficultés de la loi de 1979 sur les archives qui soumettait au droit commun du code du patrimoine les archives des plus hautes autorités de l'Etat, à savoir un délai de communicabilité de trente ans (sauf exceptions), la perte par les autorités politiques de l'accès à leurs archives et la délivrance des autorisations de consultation anticipée par le titulaire de la fonction au moment de la présentation de la demande. Face au risque que cette situation n'entraîne des fuites ou des destructions d'archives au moment des alternances, des « protocoles de remises » ont vu le jour au début des années 1980, puis se sont généralisés. Ce succès repose en grande partie sur les avantages que ces « protocoles de remise » consentent à la personnalité versante qui dispose de la maîtrise totale de l'accès aux documents pendant un délai allant de trente ans pour les ministres à soixante ans pour le Président de la République et le Premier ministre. Elle peut y accéder elle-même sans aucune restriction et toute autre communication, y compris à son successeur, est soumise à son autorisation écrite. Il a souligné que le projet de loi ordinaire proposait opportunément de conférer une base légale à ces protocoles.

a ensuite proposé de compléter le projet de loi par deux mesures destinées à conforter l'effort d'accessibilité des documents relatifs à la vie publique :

- permettre une diffusion générale des archives publiques, par exemple par une mise en ligne sur Internet, dès l'expiration des délais de communication ;

- ouvrir plus largement les archives judiciaires audiovisuelles.

En revanche, après avoir rappelé l'importance du droit au respect de la vie privée face à l'allongement de l'espérance de vie, il a jugé trop court le délai de cinquante ans proposé par le texte pour les documents dont la communication est susceptible de porter atteinte à la vie privée, tels que les affaires portées devant les juridictions et les actes authentiques établis par les notaires. Il a proposé, en conséquence, de porter ce délai à soixante-quinze ans.

Par ailleurs, il a souhaité aligner le régime de communication des actes d'état civil sur celui des documents portant atteinte à la protection de la vie privée.

Il a également souhaité réaffirmer le principe d'autonomie des assemblées parlementaires. Relevant que le projet de loi prévoyait, d'une part, d'obliger les assemblées à verser leurs archives définitives aux Archives nationales, d'autre part de soumettre les assemblées au contrôle scientifique et technique de l'administration des archives, il a jugé ces mesures étonnantes eu égard au maintien de l'autonomie des ministères des Affaires étrangères et de la Défense en matière d'archivage et, en tout état de cause, contraires au principe constitutionnel d'autonomie des assemblées, en vertu duquel ces dernières définissent elles-mêmes les règles qui leur sont applicables, et ce afin de protéger les parlementaires de pressions de l'exécutif susceptibles de mettre à mal la séparation des pouvoirs. En conséquence, il a proposé d'insérer, dans l'ordonnance du 17 novembre 1958 sur le fonctionnement des assemblées parlementaires, un article de principe consacrant explicitement la compétence des assemblées dans la définition des modalités de collecte, classement, conservation et communication de leurs archives respectives.

Il a également plaidé pour la définition d'un statut pour les archives conservées par les intercommunalités, compte tenu de leur essor.

Expliquant que tout document administratif devient, dès sa création, une archive publique, même s'il est conservé dans le service producteur, il a mis en exergue la nécessité de rapprocher les régimes de 1978 sur les documents administratifs et de 1979 sur les archives, relevant que les difficultés actuelles d'articulation entre les deux régimes se traduisent, au mieux, par des redondances, au pire, par des contradictions. En conséquence, il a souhaité que s'engage dans les plus brefs délais une réforme encore plus ambitieuse consistant en la réécriture complète de la loi de 1978 afin de clarifier les régimes d'accès aux documents administratifs et aux archives publiques.

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