La loi n'interdit pas de réfléchir ou même de mettre en place des schémas d'organisation sans attendre le 1er janvier 2015. C'est une première réponse envisageable à ce problème de calendrier. Une autre piste consisterait à s'abstenir de légiférer jusqu'en 2014, et même au-delà, pour laisser aux élus locaux le temps de s'entendre et de s'organiser entre eux. Je pense que la loi le permet : par ses silences, elle offre des ouvertures, avec pour seules limites les dispositions constitutionnelles ou le champ des compétences exclusives. Au final, les élus ont devant eux un large champ de liberté qui les place au premier rang pour l'application de la loi.
De plus, il ne peut évidemment y avoir de modèle unique pour l'ensemble du territoire français, d'une grande diversité, si bien qu'il est sage de s'en remettre aux élus locaux.
Sur le fond, je rejoins la première piste du rapport Lefèvre : « substituer au dispositif des compétences exclusives pures un système de compétences obligatoires partageables ». C'est un point essentiel : si l'on veut avoir une plasticité d'application de la réforme des collectivités territoriales selon les territoires, il faut, bien sûr, que certaines régions aient des compétences exclusives, mais d'autres seront forcément partagées. Au sein d'une région, certains départements pourraient même décider de s'associer à une compétence partagée et d'autres non. Je pense que ce dispositif de compétences obligatoires partageables ne nécessite pas forcément de loi supplémentaire.
Dans nos auditions, nous avons également eu beaucoup de propositions sur les compétences en elles-mêmes, notamment quant au transfert à la région du domaine de la santé. Je suis plutôt réservé sur ce point ; en revanche, d'autres compétences telles que l'éducation ou l'économie ne me posent pas de problème.
Pour citer de nouveau le rapport Lefèvre, la région apparaît comme l'outil de l'avenir et de l'aménagement de son territoire, et le département comme l'outil de proximité et de solidarité. On distingue moins le troisième pilier, pourtant réel : les intercommunalités, dont le rôle est parfois minimisé alors qu'elles partagent aussi certaines compétences avec les départements.
J'ai évoqué avec mes interlocuteurs les différentes pistes du rapport Lefèvre. Je peux dire qu'on les juge sensées et qu'elles ne pas soulèvent pas d'objections particulières. Mais il reste à régler l'aspect financier du problème : une compétence partagée dans le cadre des EPCI ne saurait fonctionner si elle n'a pas fait l'objet d'un transfert total des moyens de la part des départements vers les EPCI.
Un autre aspect soulève des questions plus difficiles : celui de la transparence, de l'association des citoyens à une répartition des compétences qui seraient décidée par les élus des régions et départements. Quand il n'y a pas de problème particulier, ce type de débats est souvent organisé, dans le cadre d'une structure telle que la commission du débat public, parce que la loi le demande, et ils sont de fait conduits par les élus. Notre recherche s'oriente beaucoup plus sur les nouvelles technologies, par exemple l'ouverture par les régions et les départements de blogs et autres systèmes tels que Twiter, Facebook, etc. de manière beaucoup plus quotidienne et active qu'ils ne le font déjà pour certains. L'objectif est que la population elle-même s'approprie le débat posé par la région, le département ou les élus qui envisagent de constituer un schéma d'organisation particulier. Il faut trouver comment intéresser concrètement les habitants aux modifications portant sur les compétences.
Enfin, pour revenir au calendrier de la mission, la lettre de mission prévoit la rédaction des premières conclusions pour le 15 mars. Ce délai sera porté au 31 mars du fait des élections, et le rapport sera rendu le 30 juin. D'une manière générale, je m'emploie pour l'heure à tirer la substantifique moelle et les formules fortes contenues dans toutes les démarches initiées, notamment à travers les rapports du Sénat.