Intervention de Marie-Hélène Des Esgaulx

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 8 juillet 2009 : 1ère réunion
Réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques — Examen du rapport et du texte proposé par la commission

Photo de Marie-Hélène Des EsgaulxMarie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur :

a souhaité replacer dans son contexte cette proposition de loi, présentée par MM. Philippe Marini et Yann Gaillard, tendant à modifier la loi du 10 juillet 2000 portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques. Elle a indiqué que les quarante articles de ce texte avaient pour principal objectif de libéraliser un marché qui, en dépit de l'adoption de la loi de juillet 2000, tend à s'assoupir. Elle a également souligné le fait que cette proposition de loi devait être examinée dans le contexte de l'adoption de la directive « services » du 12 décembre 2006.

a rappelé que la loi du 10 juillet 2000 avait mis fin au monopole des commissaires-priseurs en matière de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques. Soulignant que cette loi avait engagé une première étape dans la libéralisation des ventes aux enchères publiques en France, elle a rappelé la distinction opérée entre, d'une part, les ventes judiciaires prescrites par la loi ou par une décision de justice, lesquelles continuent à relever de la compétence des officiers ministériels habilités à y procéder, et, d'autre part, les ventes volontaires, par lesquelles le propriétaire d'un bien meuble choisit de le vendre en recourant aux enchères publiques. Après avoir rappelé que le monopole détenu par les commissaires-priseurs judiciaires sur les ventes judiciaires découlait de la suppression de la fonction de commissaire-priseur, elle a indiqué que la loi de juillet 2000 avait néanmoins autorisé ces commissaires-priseurs judiciaires à constituer une société de ventes volontaires ou à s'intégrer dans une telle société afin de diriger des ventes volontaires. Elle a souligné que la loi de 2000 avait également permis aux notaires et aux huissiers d'organiser et de réaliser de telles ventes, à titre accessoire, dans les communes ne disposant pas d'office de commissaire-priseur judiciaire.

a par ailleurs relevé que la loi de juillet 2000 avait créé un Conseil des ventes volontaires, autorité chargée d'agréer les sociétés de ventes volontaires et, à titre facultatif, les experts auxquels peuvent avoir recours ces sociétés, de veiller au respect de la réglementation et d'enregistrer les déclarations des ressortissants des Etats-membres de l'Union européenne. Elle a souligné le fait que ce Conseil des ventes volontaires, qui assure également un rôle disciplinaire ainsi qu'une mission de formation professionnelle, était financé par des cotisations professionnelles versées par les sociétés de ventes volontaires et les experts agréés. Elle a noté qu'il ne s'agissait pas d'une autorité administrative indépendante, mais plutôt d'une autorité de régulation dotée d'une compétence disciplinaire.

a par ailleurs marqué que l'activité de ventes volontaires aux enchères entrait dans le champ d'application de la directive « services » du 12 décembre 2006, laquelle doit être transposée avant le 28 décembre 2009. Dans ce contexte, elle a estimé que le régime juridique des ventes volontaires, tel qu'il est actuellement défini par les articles L. 320-1 à L. 321-38 du code du commerce, devait être modifié afin de répondre aux objectifs prescrits par la directive. Après avoir précisé que, conformément à l'article 45 du Traité instituant la communauté européenne, les activités de ventes judiciaires étaient exclues du champ de la directive, puisqu'il s'agit d'activités relevant de l'exercice de l'autorité publique, elle a rappelé que cette directive « services » avait pour objet de faciliter l'exercice de la liberté d'établissement des prestataires ainsi que la libre circulation des services tout en garantissant aux consommateurs et usagers une offre de qualité. Dans ces conditions, elle a estimé que la bonne application de cette directive impliquait de supprimer tout régime d'autorisation ou de contrôle préalable, de simplifier les procédures et formalités applicables ainsi que de renforcer les garanties d'information apportées aux clients par les prestataires de services. A cet égard, elle a considéré que l'obligation de transposition de cette directive avant la date du 28 décembre 2009 devait être regardée comme une opportunité pour libéraliser le marché français des ventes volontaires aux enchères publiques, soulignant notamment le fait que cette directive supprimait toute obligation de formation juridique particulière et encourageait le développement d'activités pluridisciplinaires et l'égalisation des conditions de concurrence, notamment par le biais de l'extension à tous les opérateurs de ventes volontaires des conditions imposées aux sociétés de ventes volontaires en termes de garanties offertes au public.

a enfin souligné que cette proposition de loi s'inscrivait dans un contexte de déclin du marché français des ventes volontaires. Elle a indiqué que ce procédé de vente, qui consiste à soumettre un bien à un appel public à la concurrence que remporte la personne ayant offert le meilleur prix (l'adjudicataire) selon des modalités d'adjudication et de vente définies et connues à l'avance, était pratiqué depuis l'Antiquité. Elle a noté que la France avait réglementé, pour la première fois, les ventes aux enchères en 1254, sous le règne de Saint Louis, que les offices de maîtres-priseurs-vendeurs de biens meubles avaient été créés en 1556 sous Henri II et que l'appellation de commissaire-priseur était apparue en 1773. Elle a également indiqué qu'un lieu unique de ventes publiques de meubles avait été créé à Paris en 1807 et installé à l'hôtel Drouot en 1852.

a attiré l'attention sur le fait que si, aux yeux du grand public, les ventes aux enchères concernent avant tout le marché des objets et des oeuvres d'art, cette activité ne représente que 54 % du montant total des ventes, 36,5 % de ce marché étant constitué par les ventes de véhicules d'occasion, 5 % par celles de chevaux, 3,4 % par celles de biens d'équipement ou de biens industriels et 1 % par celles de vins. Elle a également souligné que la présente proposition de loi ne traitait que des ventes de meubles, les ventes d'immeubles relevant du monopole des notaires et les ventes en gros de celui des courtiers de marchandises assermentés. Elle a indiqué qu'on dénombrait aujourd'hui en France 386 sociétés de ventes volontaires, représentant 1860 emplois directs, ajoutant que 10 % des huissiers et 1 % des notaires réalisaient également des ventes volontaires. Elle a également indiqué qu'entre 2000 et 2006, 86 % des commissaires-priseurs judiciaires avaient créé ou intégré une société de ventes volontaires, exerçant de fait une double activité, et qu'on dénombrait aujourd'hui 319 offices regroupant 415 commissaires-priseurs judiciaires.

a constaté que l'activité des sociétés de ventes volontaires présentait une hétérogénéité croissante en raison d'un mouvement de concentration engagé depuis quelques années en faveur des quelques gros acteurs des ventes (Christie's et Sotheby's se plaçant aujourd'hui en tête du montant des ventes volontaires tous objets confondus et dominant le secteur des ventes d'art, secteur dans lequel la société Artcurial est la seule société de ventes volontaires françaises à atteindre le montant de 100 millions d'euros de ventes par an). Elle a relevé que les sociétés de ventes volontaires se caractérisent par une large dispersion des structures et que certaines d'entre elles ne disposent pas d'une taille critique suffisante pour affronter la concurrence internationale.

A cet égard, elle a indiqué que les ventes effectuées à l'hôtel Drouot représentaient un montant de 500 millions d'euros, mais qu'elles étaient réalisées par 75 sociétés de ventes volontaires indépendantes. Elle a attiré l'attention sur le fait que la plupart des personnes entendues dans le cadre de l'examen de cette proposition de loi avaient fait le constat du déclin du marché français et de la place de Paris, au profit des grandes places que sont aujourd'hui New York, Londres, Hong-Kong, et ce alors même que la France dispose d'un patrimoine artistique riche et d'experts de qualité : ainsi, le montant annuel des ventes volontaires réalisées en France représentait environ le produit d'un mois de ventes aux enchères sur la place de New York. Ce déclin s'explique par l'existence d'une forte TVA à l'importation, qui dissuade de vendre en France, ainsi que par l'existence d'un droit de suite, qui est dû à tout artiste, ou à son héritier s'il est décédé depuis moins de 70 ans.

a noté que le marché des ventes volontaires était également marqué par le développement du recours à Internet, lequel a favorisé l'apparition de nouveaux acteurs ainsi que le développement du courtage en ligne, caractérisé par l'absence d'adjudication et d'intervention d'un tiers dans la conclusion de la vente. Elle a indiqué que la législation relative aux ventes aux enchères ne s'appliquait qu'au courtage aux enchères par voie électronique relatif aux biens culturels. Elle a précisé qu'E-Bay constituait aujourd'hui l'acteur principal du courtage en ligne, recevant 14 millions de visites par mois et proposant en permanence près de 5 millions d'objets à la vente. Elle a indiqué que, dans ce contexte, le Conseil des ventes volontaires avait créé en 2004 un Observatoire des ventes en ligne.

a indiqué que la proposition de loi présentée par MM. Philippe Marini et Yann Gaillard posait le principe de la liberté des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques : en conséquence, ces ventes seraient désormais définies de façon positive et non plus comme des exceptions à une interdiction de recourir aux enchères publiques comme procédé habituel de commerce. Elle a ajouté que la proposition de loi ouvrait également la possibilité de vendre aux enchères publiques des biens neufs autres que ceux issus directement de la production du vendeur, et qu'elle autorisait la vente en gros, jusqu'à présent réservée aux courtiers assermentés de marchandises.

Cette activité serait confiée à des opérateurs ayant le statut de sociétés de forme commerciale, sachant que l'activité des ventes volontaires pourrait également être exercée par des personnes agissant à titre individuel ou dans le cadre de sociétés civiles s'il s'agit d'opérateurs habilités à réaliser des ventes judiciaires. Elle a indiqué que ces opérateurs, tout comme les notaires et les huissiers de justice, seraient soumis aux mêmes conditions de qualification en ce qui concerne l'exercice des ventes volontaires. La proposition de loi substituerait par ailleurs, à l'obligation d'agrément, un régime déclaratif assorti d'un renforcement du contrôle a posteriori.

Les garanties financières exigées des opérateurs de ventes volontaires seraient renforcées, les sociétés de ventes de forme commerciale devant justifier d'un capital social minimum de 50 000 euros. Tous les opérateurs, quelle que soit leur forme, devraient désigner un commissaire aux comptes. Enfin, le régime facultatif d'agrément des experts chargés de la description et de l'estimation des biens serait supprimé, mais un régime de responsabilité serait maintenu.

a également indiqué que la proposition de loi prévoyait de faire du Conseil des ventes une autorité de régulation de plein exercice, qui tiendrait le rôle du « guichet unique » défini par la directive « services » et qui serait désormais dénommée Autorité des ventes aux enchères. Sa composition serait modifiée, de sorte que le garde des Sceaux ne serait plus l'unique autorité de nomination de ses onze membres.

a en outre précisé que la proposition de loi tendait à supprimer les offices de commissaires-priseurs judiciaires et à confier les ventes de meubles aux enchères publiques prescrites par la loi ou par décision de justice à des opérateurs soumis à un agrément et agissant à titre individuel ou dans le cadre de sociétés. Elle a indiqué que le texte prévoyait d'assouplir, en ce qui concerne les sociétés de ventes de forme commerciale, les conditions de vente de gré à gré des biens non adjugés à l'issue des enchères, selon des modalités qui seraient fixées par le mandat de vente.

Elle a précisé que le registre des biens détenus en vue de la vente pourrait être dématérialisé et que la remise en vente d'un bien ayant fait l'objet d'une « folle » enchère ne devrait plus nécessairement intervenir dans le mois suivant l'adjudication, mais dans les conditions définies lors de l'établissement du mandat de vente. Elle a indiqué que la proposition de loi prévoyait par ailleurs de modifier le régime de prescription de l'action en nullité d'une vente aux enchères publiques. Un régime dérogatoire serait maintenu s'agissant des actions en responsabilité contractuelle ou quasi-délictuelle à l'encontre des opérateurs de ventes volontaires.

a ensuite indiqué qu'elle proposait à la commission soixante-et-un amendements tendant à réécrire largement la proposition de loi initiale, tout en en conservant les principales orientations, les modifications proposées ayant en effet pour but de conforter l'objectif de libéralisation des modalités d'exercice de l'activité des ventes volontaires, d'assurer la conformité de la réforme avec les prescriptions de la directive « services » et de renforcer les garanties apportées au public. En particulier, elle a proposé à la commission de ne pas retenir la suppression de la profession de commissaire-priseur judiciaire, envisagée par les auteurs de la proposition de loi, et de conserver le caractère civil des ventes volontaires, dont la proposition de loi tend à faire des actes de commerce, soulignant le fait que les commissaires-priseurs judiciaires exercent de véritables missions de service public.

a indiqué qu'elle proposerait à la commission de substituer, à la logique d'interdiction des ventes aux enchères assortie d'exceptions qui figure actuellement dans le code du commerce, un principe d'autorisation de ces ventes. Les deux caractéristiques essentielles des ventes aux enchères (l'intervention d'un tiers, mandataire du propriétaire du bien mis en vente, et l'adjudication) seraient maintenues. Elle a par ailleurs affirmé que la libéralisation passait par la suppression de toute obligation de forme juridique pour l'exercice de l'activité de ventes volontaires et qu'il était donc important que les opérateurs de ventes volontaires, qui succèderaient aux sociétés de ventes volontaires, puissent choisir librement leur forme juridique. Elle a estimé que ces ventes devaient demeurer des actes civils relevant, à ce titre, de la compétence des tribunaux civils, à l'exception des ventes de marchandises en gros (qui relèvent des tribunaux de commerce).

Elle a également indiqué qu'elle proposerait à la commission d'ouvrir la possibilité aux opérateurs de ventes volontaires de vendre des biens neufs et de réaliser des ventes en gros, afin de donner aux opérateurs français des possibilités équivalentes à celles dont disposent leurs concurrents étrangers. Elle a par ailleurs souhaité que puisse être ouverte aux opérateurs la possibilité de réaliser des ventes de gré à gré, conformément aux prescriptions de la directive services en matière de pluridisciplinarité. Elle a également proposé que soit supprimé le délai de remise en vente, dans le cadre d'une cession de gré à gré, d'un bien non adjugé (vente « after sale »), soulignant le fait que le délai actuel de quinze jours constituait un obstacle à la réalisation de telles ventes et que le mécanisme de la garantie de prix devait être assoupli.

n'a par ailleurs pas souhaité retenir l'idée, figurant dans la proposition de loi, de faire du Conseil des ventes volontaires une autorité publique indépendante de plein exercice, considérant que cette transformation ne paraissait pas correspondre à la logique de simplification et d'allègement des procédures poursuivie par la directive « services ». Elle a néanmoins proposé de préciser et de compléter les attributions du Conseil des ventes, ainsi que sa composition, et d'indiquer que ce Conseil devrait désigner un commissaire aux comptes et être expressément soumis au contrôle de la Cour des comptes.

a estimé que l'actuel régime d'agrément des opérateurs de ventes volontaires n'était pas compatible avec la directive « services » et qu'il convenait donc de le remplacer par un régime de déclaration, laquelle s'effectuerait auprès d'un guichet unique constitué par les centres de formalités des entreprises. Les personnes habilités à diriger des ventes volontaires prendraient le titre de « directeur de ventes volontaires » et auraient la possibilité de tenir leurs registres sous une forme électronique.

n'a pas jugé opportun de supprimer la profession de commissaire-priseur judiciaire. Par ailleurs, afin de respecter le principe de pluridisciplinarité défini par la directive services, elle a estimé souhaitable de permettre à cette profession de réaliser des ventes de gré à gré sous mandat et d'exercer, dans le cadre des sociétés de ventes, des activités de transport, d'édition et de diffusion en rapport avec les ventes volontaires réalisées. Elle a proposé qu'une sanction pénale soit prévue en cas d'utilisation injustifiée du titre de commissaire-priseur judiciaire tout comme en cas d'utilisation du titre de commissaire-priseur, supprimé en 2000.

a par ailleurs jugé essentiel de définir l'activité accessoire de vente volontaire réalisée par les notaires et les huissiers : elle a proposé d'indiquer dans la loi que cette activité ne pourrait pas excéder 20 % du chiffre d'affaires annuel brut de l'office de ces officiers publics ministériels. Elle a par ailleurs considéré que les notaires et les huissiers de justice réalisant des ventes volontaires devraient satisfaire aux mêmes conditions de qualification que les opérateurs de ventes volontaires. Elle a toutefois précisé que ces propositions de modifications ne s'appliquaient qu'aux ventes volontaires, et non aux ventes judiciaires.

Enfin, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur, a estimé qu'il était essentiel de conforter les garanties apportées au public des ventes aux enchères, notamment en ce qui concerne les opérations de courtage aux enchères par voie électronique : elle a proposé de compléter la proposition de loi afin de prévoir que le prestataire de services se limitant à offrir au vendeur une infrastructure électronique lui permettant de réaliser des opérations de courtage devrait informer clairement le public que le service qu'il propose est distinct de la vente aux enchères. En outre, un prestataire de services délivrant des informations susceptibles d'entraîner dans l'esprit du public une confusion entre son activité et celle de vente aux enchères publiques devrait être soumis aux dispositions du code du commerce relatives aux ventes volontaires. Elle a souhaité que le Conseil des ventes puisse reconnaître le code de déontologie des groupements d'experts lui paraissant offrir des garanties de compétence, d'honorabilité et de probité. Elle a par ailleurs estimé qu'en matière de délais de prescription des actions en responsabilité civile engagés à l'occasion de vente d'objets d'art, les opérations de vente et les expertises devraient relever du régime de droit commun défini par la loi du 17 juin 2008. Enfin, elle a proposé de réformer le statut des courtiers de marchandises assermentés, lesquels n'auraient plus le monopole des ventes volontaires de marchandises en gros et ne seraient plus des officiers publics, mais seraient assermentés auprès d'une cour d'appel pour leurs activités de ventes judiciaires.

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