a rappelé que la politique conduite par les pouvoirs publics en faveur des monuments historiques et du patrimoine architectural avait traversé, ces dernières années, une crise financière importante, qui avait conduit la commission à constituer une mission d'information pour cerner les causes et la portée de cette mauvaise passe financière et pour avancer des propositions pour une politique durable du patrimoine. Il a indiqué que la mission d'information avait procédé à un grand nombre d'auditions et à des déplacements en région, d'abord en Alsace puis en Bretagne, ainsi qu'à l'étranger, en Grande-Bretagne et qu'elle avait déjà présenté un rapport d'étape au début de l'été dans lequel elle avait esquissé une première série de suggestions.
a indiqué que la mission était partie du constat, en soi très positif, que personne ne doutait en France de la nécessité d'assurer par un financement public la conservation et la sauvegarde du patrimoine monumental, dont la valeur historique, architecturale, esthétique et symbolique est un objet légitime de fierté. Il a souhaité, cependant, contribuer à un enrichissement de cette vision en insistant sur un aspect largement méconnu du patrimoine : celui qu'il peut jouer en matière de développement économique et de soutien à l'emploi, qui fait l'objet d'un chapitre particulier dans le rapport écrit.
Passant ensuite à l'analyse de la crise qui a frappé la politique du patrimoine, il en a rapidement décrit le contexte et les étapes. Il a rappelé que le ministère de la culture souffrait à la fin des années 1990 d'une sous-consommation chronique de ses crédits d'investissement, et plus particulièrement de ceux qui étaient destinés au patrimoine, ajoutant que celle-ci s'était brutalement aggravée à partir de 2000 sous l'effet des tempêtes de 1999 et des crédits supplémentaires votés dans l'urgence pour y remédier. Il a précisé que l'incapacité du ministère à engager rapidement ces dépenses avait provoqué une explosion des reports de crédits qui se sont élevés, fin 2001, à 234,6 millions d'euros, dépassant le niveau des crédits inscrits au projet de loi de finances pour 2002 : 233,6 millions d'euros. Confronté aux vives critiques de la Cour des Comptes et des assemblées parlementaires, le Gouvernement s'était attaché à assurer en 2003 un retour à la vérité des comptes, indispensable dans le contexte d'une entrée en vigueur prochaine de la LOLF, qui limite à 3 % les reports de crédits. Pour résorber ces reports de crédits et améliorer les taux de consommation, une ponction de 165 millions d'euros avait été opérée sur les réserves de crédits non consommés, et les crédits d'investissement « Monuments historiques » avaient été réduits de moitié en loi de finances pour 2003. Il a relevé que, si la conjonction de ces moyens était effectivement parvenue à son objectif, elle avait cependant provoqué une crise sans précédent du financement du patrimoine monumental qui a fortement perturbé le déroulement des chantiers. Il a évoqué les premières difficultés intervenues dès 2004, où le ministère n'a pu solder ses engagements que grâce à des redéploiements tardifs de 53 millions d'euros. Il a ajouté que la situation s'était encore aggravée en 2005, provoquant l'interruption ou le report de 200 chantiers et que, malgré des redéploiements de crédits significatifs, l'exercice s'était terminé sur des reports de charges de 38 millions d'euros grevant l'exercice suivant.
Le rapporteur a déploré que l'exercice 2006 ait rapidement pris une tournure plus difficile encore, malgré l'espoir qu'avaient fait naître les crédits des privatisations, qui n'ont été affectés qu'en partie à des actions patrimoniales et d'ailleurs au profit de quelques grands projets. Ceux-ci n'ont pas empêché une généralisation de la crise, qui s'est traduite par l'arrêt de 300 chantiers, dont ceux de la quasi-totalité des cathédrales. Le rapporteur a insisté sur le fait que cette dégradation de la situation avait été particulièrement sensible dans les régions où les dotations notifiées aux directions régionales des affaires culturelles (DRAC) étaient passées d'une moyenne de 240 millions d'euros par an, sur la période 2000-2005, à 195 millions d'euros en 2006, ne permettant de couvrir qu'à peine la moitié des besoins exprimés et confrontant la Conservation des monuments historiques à des arbitrages difficiles.
Il a décrit les conséquences concrètes et dramatiques de cette situation, telles que la mission a pu les constater lors des déplacements en Alsace et en Bretagne. Il en a résumé les principaux aspects :
- une contraction d'environ 30 % des crédits notifiés en début d'année, imposant l'arrêt de nombreux chantiers en cours, avec pour conséquence le gonflement des frais fixes, liés par exemple au maintien en place des échafaudages, et des perturbations dans le plan de charge des entreprises de restauration qui ont été privées, sans préavis, d'activité ;
- les redéploiements de crédits opérés en cours d'année par le ministère entre les différentes régions pour remédier aux besoins les plus urgents, mais qui n'étant notifiés qu'en fin d'année, n'ont pu être consommés que dans l'urgence, décourageant tout effort de planification ;
- une paralysie des projets menés et financés conjointement par l'Etat et les collectivités territoriales du fait de la défaillance de l'Etat ; le report des projets sur les monuments privés, alors même que les propriétaires avaient déjà versé leur participation au fonds de concours ;
- d'une façon générale, la perte de toute vision à moyen terme dans la programmation et la réalisation des travaux, la plus grande partie de l'énergie des services déconcentrés étant absorbée par la recherche d'expédients pour remédier aux situations les plus critiques.
Le rapporteur a défini ensuite les conditions d'un redressement durable de la politique en faveur du patrimoine monumental, dans le prolongement des recommandations déjà formulées en juillet dernier, et en prenant acte des engagements pris par le Premier ministre en faveur du patrimoine.
Il s'est réjoui d'abord de ce que les mesures annoncées à Amiens le 14 septembre par le Premier ministre aient permis d'achever le rattrapage des 165 millions d'euros de crédits du patrimoine monumental, qui avaient été annulés entre 2002 et 2004.
Présentant les recommandations de la mission relatives à l'effort global que l'Etat doit consentir en faveur du patrimoine monumental, il a indiqué qu'elles s'organisaient autour de trois idées.
Il convenait tout d'abord de procéder à une réévaluation des enveloppes financières : celles-ci se situaient actuellement autour de 330 millions d'euros en moyenne annuelle ce qui n'est, à l'évidence, pas suffisant et le ministre de la culture s'était d'ailleurs fixé l'objectif ambitieux pour 2006 d'une dépense globale de 400 millions d'euros. M. Philippe Nachbar, rapporteur, a rappelé que, dans son rapport d'étape, la mission avait estimé que ces crédits ne devraient pas revenir en dessous de 350 millions d'euros, ce qui constitue, à ses yeux, un minimum réaliste.
Il convenait, en outre, de procéder à une stabilisation de la dépense, qui paraît indispensable dans un domaine où les chantiers sont complexes et doivent s'inscrire dans la durée. Enfin, ces dotations réévaluées et stabilisées doivent s'appuyer sur une gestion prévisionnelle des crédits, d'autant plus indispensable aujourd'hui que la LOLF limite à 3 % les reports de crédits et que le ministère ne peut, comme par le passé, se constituer un confortable matelas de crédits non consommés qui permettraient d'amortir le contrecoup des dépenses imprévues ou des fluctuations budgétaires improvisées. Il a estimé que cette gestion prévisionnelle devrait reposer sur un audit préalable du parc des monuments historiques et déboucher sur un calendrier réaliste des travaux.
Il a estimé ensuite que les mesures annoncées par le Gouvernement constituaient un premier pas encourageant, mais qui devrait être confirmé. Il a rappelé que le projet de loi de finances pour 2007 prévoyait de compléter les crédits budgétaires du patrimoine monumental par une recette nouvelle prélevée sur les droits de mutation à titre onéreux, ce qui permettrait en pratique de porter l'enveloppe globale des crédits disponibles à 360 millions d'euros, un niveau conforme aux recommandations de la mission.
Il a précisé que cette nouvelle recette, pour l'instant reversée au ministère sous forme de fonds de concours, devait être à terme affectée au Centre des monuments nationaux pour lui permettre d'exercer, en plus de ses missions actuelles, la maîtrise d'ouvrage sur les monuments qui lui sont affectés, voire sur d'autres monuments appartenant à l'Etat. Il a indiqué, qu'en effet, cette recette devait être affectée à un établissement public, mais qu'il conviendrait de se montrer attentif aux les modalités de cette réforme importante, car le Centre ne dispose pas, pour l'instant, d'administration décentralisée et de services techniques qui lui permettraient d'exercer ses nouvelles missions.
Tout en donnant un assentiment de principe à la création de cette recette affectée, le rapporteur a souhaité l'assortir d'un certain nombre de remarques.
Il a noté que la création de cette recette par le projet de loi de finances pour 2007 ne permettait de garantir ni sa pérennité, ni la stabilité de son montant, dans la mesure où une loi de finances ultérieure aurait toute latitude pour la modifier, le cas échéant. Il a remarqué que l'addition des deux critères permettant de déterminer le montant de la recette, un taux et un plafond, pouvait constituer une fragilité supplémentaire, dans la mesure où un plafond par son caractère nominal et fixe se prête davantage à révision qu'un taux.
Il a estimé ensuite que l'apport de la recette affectée ne pouvait être apprécié indépendamment de l'effort financier global consenti par l'Etat, car celui-ci continue de reposer en majeure partie sur les crédits budgétaires, contrairement à la situation anglaise où ce sont les recettes de la « National Lottery » qui financent la plus grande part des dépenses du patrimoine. Il a noté que le maintien de ce niveau global supposerait d'ailleurs, dès 2008, un relèvement des crédits budgétaires, car le patrimoine ne pourra plus alors bénéficier, comme en 2007, du montant cumulé de deux fois 70 millions d'euros au titre de 2006 et 2007. Il s'est demandé s'il ne conviendrait pas dans ces conditions d'aller plus loin et de prévoir une recette affectée plus abondante et assise sur une ressource plus importante et mieux connue : le produit de la Française des Jeux, à l'image de ce que pratique la Grande-Bretagne.
Enfin, il a relevé que l'utilisation de cette recette affectée ne bénéficierait qu'aux seuls monuments appartenant à l'Etat et a noté avec préoccupation que les crédits d'intervention, qui permettent aux DRAC de subventionner les chantiers conduits par les collectivités territoriales ou les propriétaires privés sur leurs monuments, baissaient de 18,5 % dans le projet de loi de finances pour 2007 : 101 millions d'euros contre 124 en 2006. Il a estimé dans ces conditions, qu'un ensemble de mesures spécifiques aux monuments privés était plus que jamais nécessaire pour permettre aux propriétaires de faire face à l'alourdissement des charges qu'imposent l'entretien et la restauration de ces bâtiments : la mission avait pu le constater, les grands monuments historiques privés voient se creuser leur déficit de gestion, et les difficultés financières croissantes où se débattent les propriétaires font peser une menace sérieuse sur la transmission de ce patrimoine, notamment dans le cadre des successions.
a proposé que le volume des crédits consacrés par le ministère aux monuments privés ne tombe pas en dessous d'un plancher exprimé en pourcentage du montant global des crédits budgétaires du patrimoine monumental. Il a jugé indispensable que l'assistance gratuite à la maîtrise d'ouvrage garantie par l'ordonnance du 9 septembre 2005 aux propriétaires privés et aux collectivités territoriales ne soit pas, en pratique, compromise par la réforme actuellement à l'étude des services déconcentrés. Il a souhaité, ensuite, que l'environnement fiscal soit à la fois affermi et amélioré. Il a rappelé que le projet de loi de finances pour 2006 avait envisagé une remise en question du dispositif Malraux en faveur des secteurs protégés, que le Conseil constitutionnel avait très heureusement censurée. Il a estimé que même si ce projet ne semblait plus aujourd'hui à l'ordre du jour, il convenait cependant de rester vigilant, notant au passage que le ministère des finances était d'ailleurs dans l'incapacité d'évaluer le coût fiscal de ce dispositif.
Il a proposé ensuite que les dispositions relatives au mécénat soient étendues aux sommes versées en faveur de la restauration des monuments privés pour développer un mécénat de proximité.
Enfin, il a rappelé les difficultés pratiques que soulève l'assujettissement des monuments historiques à l'impôt de solidarité sur la fortune, dans la mesure où la détermination de la valeur vénale de ces monuments était rendue difficile par l'absence de véritable marché.
Il a ensuite jugé que les contraintes du droit social, et en particulier celles qui tiennent à l'embauche de guides saisonniers pour la période estivale, devaient être simplifiées. Il a rappelé à ce sujet que le Sénat avait complété la loi du 19 mai 2003 relative à la création d'un « chèque emploi associatif » par une disposition créant un « chèque emploi jeunes été » visant à faciliter les emplois saisonniers des étudiants, dont la mise en oeuvre devait être précisée par décret. Il a regretté que ce décret ne soit toujours pas paru et a invité de façon pressante le Gouvernement à prendre les dispositions réglementaires qui s'imposent, ou à réformer, le cas échéant, dans les meilleurs délais, cette disposition législative pour lui substituer un autre dispositif, qui remplirait la même finalité mais qui paraîtrait techniquement préférable.