Intervention de Dominique Leclerc

Commission des affaires sociales — Réunion du 28 mars 2006 : 1ère réunion
Sécurité sociale — Conseil d'orientation des retraites cor- communication

Photo de Dominique LeclercDominique Leclerc :

Puis la commission a entendu une communication de M. Dominique Leclerc sur les travaux du Conseil d'orientation des retraites (COR).

Après avoir rappelé qu'il siège au Conseil d'orientation des retraites (COR) depuis plusieurs années, M. Dominique Leclerc a indiqué que cet organisme procède actuellement à une actualisation des prospectives à long terme des différents régimes de retraite. Ces travaux ne présentent pas qu'un simple intérêt technique, dans la mesure où, comme cela a été le cas en 2003, ils auront probablement une grande influence sur la préparation de la première clause de rendez-vous de la réforme des retraites, prévue en 2008.

Il a précisé que le projet de rapport sera adopté en séance plénière le 29 mars 2006 et qu'il n'évoquera donc que les éléments d'information déjà rendus publics. S'il a tenu à entretenir la commission de ce projet de rapport, c'est en raison des interrogations sérieuses que sa lecture suscite, qu'il a déjà exprimées lors des réunions plénières du COR des 25 janvier et 14 février 2006 et qu'il a confirmées par écrit, le 6 mars dernier, à la présidente de cet organisme par un courrier, cosigné par M. André Lardeux, également membre du COR, et par le président Nicolas About, qu'il avait tenu informé de ses observations et réserves. Il a regretté que, malgré ces interventions pourtant particulièrement argumentées, la version du rapport soumise à discussion n'en ait pas tenu compte, tout en espérant que la réunion du 29 mars lui permette finalement d'être mieux entendu.

Rappelant que le COR est une instance de concertation et de débats indépendante du Gouvernement, créée en 2000 et rassemblant des techniciens de l'assurance vieillesse, des syndicalistes, des personnalités qualifiés et des parlementaires, il a souligné que cet organisme a vu son rôle institutionnel sans cesse renforcé au cours des dernières années. Ainsi, à l'occasion de la réforme des retraites, les attributions de cet organisme ont été fixées par la loi.

Sans sous-estimer la qualité de l'expertise du COR, M. Dominique Leclerc a déploré que les documents préparatoires ne soient souvent adressés aux membres que dans des délais trop courts pour en prendre sérieusement connaissance. Dans ces conditions, il est à craindre que les réunions du COR ne deviennent de simples chambres d'enregistrement, et non un lieu de débat. Certes, certaines données sont disponibles sur le site internet du COR, mais ces informations brutes n'ont pas la même portée que celle que peut présenter le document qui les exploite et les replace en perspective.

En second lieu, et sur le fond, il s'est déclaré convaincu de l'importance d'établir les prévisions à long terme pour les retraites sur des bases très prudentes. Ainsi, envisager un scénario fondé sur un retour rapide au plein emploi et sur des perspectives de transfert des excédents futurs de l'Unedic pourrait témoigner d'un optimisme excessif.

De même, s'il est exact que le chiffrage des effets de la réforme des retraites de 2003 varie considérablement en fonction des hypothèses de comportements individuels des assurés sociaux - dont la loi a d'ailleurs accru le nombre des variantes - il ne faudrait pas que le COR sous-estime, malgré lui, les nombreuses façons de contourner l'esprit de la réforme, par le biais notamment des cessations précoces d'activité.

a indiqué qu'à l'occasion des auditions réalisées dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, il a constaté le scepticisme de nombreux interlocuteurs sur plusieurs des hypothèses retenues par le COR dans cet exercice de prospective. A été notamment évoqué le niveau retenu pour la hausse de la productivité qui peut faire varier le résultat final, à l'horizon 2020 ou 2050, de plusieurs milliards d'euros.

Il a ensuite développé plusieurs arguments qui reprennent et confirment les positions exprimées par la commission depuis de nombreuses années, et même avant la conception de la réforme des retraites de 2003.

A ce titre, il a d'abord jugé irréaliste d'envisager que le Fonds de réserve des retraites (FRR) puisse dépasser 70 milliards d'encours à l'horizon 2020, ne serait-ce qu'en raison du déficit du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) qui est censé l'abonder. Cette question a été largement évoquée lors de l'examen du PLFSS pour 2006 après que le rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale de septembre 2005 a lui aussi souligné la gravité de la situation du FSV. Ce fonds ne dispose donc pas des moyens d'alimenter le FRR, ce qui rendra probablement impossible un lissage effectif, entre 2020 et 2040, des efforts entre les générations. Il a rappelé que, dès 2001, M. Alain Vasselle avait d'ailleurs souligné, dans un rapport d'information consacré au FRR, le retard pris par rapport au plan de financement d'origine.

Dans le même esprit, il serait inopportun de lancer un débat sur l'élargissement du champ des régimes susceptibles de bénéficier des réserves du FRR, notamment au profit des régimes spéciaux. La fragilité des comptes du régime général et l'ampleur de sa contribution au titre de la compensation démographique militent à l'inverse pour le maintien des règles actuelles.

a exprimé son attachement très ferme au principe d'équité entre les générations et s'est inquiété de la perspective de voir les efforts d'ajustement du système de retraites peser à l'avenir fortement sur les générations nées après 1960, et surtout après 1970. Il serait regrettable, a-t-il dit, que de nouvelles disparités fondées sur l'âge s'ajoutent à celles déjà très fortes qui existent entre ressortissants des différents régimes de retraite.

En ce qui concerne l'avenir des régimes spéciaux, il a jugé nécessaire que le COR aborde, dans toute sa complexité, la question de la neutralité des opérations d'adossement pour les assurés sociaux des régimes de droit commun, ce à quoi le Parlement, et le Sénat notamment, est particulièrement attaché.

Il a fait part de la préoccupation que lui inspire la situation financière du régime général, rappelant les données chiffrées du rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2005 et le fait que les responsables de la CNAV, auditionnés en octobre dernier par la commission, avaient évoqué sans ambiguïté la perspective d'un déficit du régime général dès 2005, que devraient aggraver le coût du dispositif des carrières longues et le départ en retraite des premières classes du baby boom.

Enfin, M. Dominique Leclerc a annoncé qu'il sera attentif à ce que le projet de rapport du COR traite d'une façon satisfaisante la question de l'évolution prévisible du taux de remplacement des assurés sociaux, afin que ne soit pas accréditée, même involontairement, l'idée fausse selon laquelle le système de retraite des fonctions publiques serait globalement moins généreux que le régime général.

Soulignant que ses interventions auprès du COR se fondent sur tous ces principes, avec l'accord de M. André Lardeux, il a souhaité que le projet de rapport du COR puisse encore être modifié lors de la réunion du lendemain. Dans le cas contraire, il se réserverait la possibilité de demander que ces observations figurent en annexe à la version définitive de ce document. Il a indiqué également qu'il veillera à faire connaître et à relayer au sein du COR le sentiment de la commission, afin que s'engage, dans les meilleures conditions, la réflexion préalable à l'élaboration de la prochaine étape de la réforme des retraites. Celle-ci doit à son sens reposer sur quelques principes simples : la préservation de l'équilibre financier des régimes de retraite ; la promotion de l'équité entre les générations et entre les différentes catégories d'assurés sociaux ; le renforcement de la transparence du système de retraite ; la mise en oeuvre de la garantie de neutralité des adossements de régimes spéciaux sur les caisses de retraite du secteur privé et la simplification des règles de la « compensation démographique ».

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