Intervention de Laurent Wauquiez

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 8 novembre 2011 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2012 — Audition de M. Laurent Wauquiez ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Laurent Wauquiez, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche :

Madame Gonthier-Maurin, je suis d'accord avec vous : l'idée selon laquelle on ne peut faire autrement ne tient pas lieu de politique ! Mais vous serez sans doute d'accord avec moi : un lamento ne tient pas lieu de politique non plus.

Je voudrais revenir sur trois éléments que vous avez soulignés. Le premier concernait l'emploi : il existe un programme de résorption de la précarité dans la fonction publique qui va débuter l'année prochaine. Les critères ont été fixés et négociés avec les organisations syndicales, avec un soutien extrêmement large. Je suis très attentif à la réalité que vous avez soulignée, parfaitement inacceptable : je ne veux pas avoir d'organismes de recherche qui licencient à tout va avant le programme d'intégration ! A l'inverse, je suis très clair : on ne va pas renouveler des personnes dont la mission est arrivée à échéance parce qu'il existe un programme de résorption de la précarité. Si la mission est pérenne, la personne ne doit pas être licenciée ; si la mission est arrivée à sa fin, il est normal que le contrat s'arrête mais je ne veux pas que la donne soit faussée par l'horizon donné par le programme de résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique ! Je suis naturellement à votre disposition pour que vous puissiez me faire remonter les cas que vous connaissez.

Pour le reste, je ne vois pas très bien à quels crédits de la vie étudiante vous faites allusion. Je pense que vous faites référence aux fonds d'aide d'urgence où, sur un certain nombre de pôles universitaires, notamment celui d'Antilles-Guyane -auquel je sais le sénateur Jean-Etienne Antoinette très sensible- on peut avoir des difficultés parfois dues à des problématiques très locales, comme le soutien apporté à Haïti, qui ont abouti à puiser en partie sur les crédits des centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) et qui se sont traduits par des difficultés sur les fonds d'aide d'urgence.

Les fonds d'aide d'urgence sont toujours abondés à mi-parcours pour durer toute l'année universitaire. Nous ferons un point d'étape fin 2011 ; cela doit nous permettre de bénéficier des moyens dont on a besoin pour 2011-2012.

Quant au crédit d'impôt recherche, il s'agit d'une très belle réalisation dont nous pouvons tous être fiers. Je ne cherche pas à dire que certaines choses ne sont pas à corriger ou à améliorer. Il y a, dans tout dispositif public, des abus, des éléments à corriger, des points qui peuvent être améliorés mais on doit reconnaître que ce dispositif a permis de tripler l'investissement de recherche et développement en France, de relocaliser des laboratoires de recherche de grands groupes -Microsoft, Glaxo, Google, Michelin- mais aussi de PME locales comme Cook ou Barbier. L'évaluation ne laisse aucune place au doute ; elle a été réalisée récemment et atteste que, sans le crédit d'impôt recherche, notre pays souffre d'un déficit de 20 % par rapport à l'Angleterre et au Royaume-Uni en termes de localisation des activités de recherche ! Avec le crédit d'impôt recherche, le delta de compétitivité est positif de 30% : un euro investi dans le crédit d'impôt recherche nous en ramène 4 à 6 en emplois et en création d'activités !

En outre, contrairement aux idées reçues, ce dispositif est tourné vers les PME. Nous avons aujourd'hui une augmentation du nombre de PME extrêmement importante : en 2009, 80 % des nouveaux déclarants sont des PME. Ce chiffre est en augmentation de 60 %. Dix mille PME bénéficient aujourd'hui du crédit d'impôt recherche. C'est donc un bon outil. Il faudra une clause d'évaluation qui a été fixée en 2013 ; elle nous permettra de voir ce qu'il convient de corriger.

Entre-temps, de grâce, faisons preuve de stabilité ! Bouger de tels dispositifs tous les six mois revient à les tuer. C'est une maladie française ! On pourra faire évoluer les choses mais il faut de la stabilité. Sans elle, en matière de recherche comme d'universités, rien n'est possible !

Monsieur le Président Legendre, permettez-moi d'abord de vous remercier pour l'action que vous avez vous-même initiée ; beaucoup de ce qui a été fait doit d'ailleurs à l'investissement qui a été réalisé, tous groupes confondus, en matière d'universités et de recherche. Le Sénat a toujours été extrêmement actif sur ces sujets. Je puis ici témoigner que votre implication personnelle a souvent pesé dans nos discussions sur l'évolution de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Quels sont les critères d'évaluation des IDEX ? Le jury est en particulier attentif à la capacité à avoir une excellence internationale et une gouvernance efficace.

Quand on affecte à un pôle universitaire une somme qui peut aller de 500 millions à un milliard d'euros, voire plus, on veut s'assurer que des questions d'ego ne risquent pas localement d'aboutir à rendre ces crédits inapplicables. Or, dans un domaine où les intelligences sont brillantes, les querelles de personnes peuvent être tout aussi affûtées. Le jury veille donc à ce qu'il existe une gouvernance irréprochable qui permette de s'assurer que les crédits affectés seront correctement dépensés.

Le pôle de Lille est exemplaire, notamment dans un domaine où la ville a investi avec beaucoup de vertus, celui de la formation continue. Je m'interroge donc sur la question ; je vais m'assurer que Lille est bien traitée dans le cadre des opérations Campus afin de pouvoir compenser. De très beaux résultats ont pourtant été obtenus par Lille -IRT, Equipex, Labex. Lille II a par ailleurs connu une augmentation de plus de 56 % sur les quatre années écoulées. Une question se pose donc à propos de ce pôle...

Pour le reste, la politique universitaire ne se résume pas aux IDEX, comme on le croit trop facilement. Les IDEX représentent 7 milliards d'euros sur plus de 21 milliards d'euros en matière d'investissements d'avenir. Les IDEX ne constituent pas ma politique budgétaire, ni ma politique de campus. Ils ne résument pas non plus ma politique de recherche. Ils en sont une partie mais il existe un avenir sans les IDEX -fort heureusement !

Enfin, Monsieur Dominique Bailly, je ne sous-estime en rien les difficultés de vie étudiante. Je suis issu d'un département où, pour étudier, il faut quitter le domicile familial. Je connais les difficultés d'une famille de la classe moyenne qui doit envoyer ses enfants étudier à Saint-Etienne, Lyon, Montpellier, Clermont-Ferrand, Paris, avec les surcoûts qui peuvent s'y ajouter -dépenses de transport, logement, santé. Dans certaines familles recomposées, les enfants peuvent également être livrés à eux-mêmes, sans soutien familial.

Je rappelle cependant que la France est le pays d'Europe où faire ses études coûte le moins cher ! De ce point de vue, je suis très choqué par certaines propositions, dans le cadre de la campagne présidentielle, où l'on propose de multiplier par trois les frais d'inscription à l'université ! C'est le cas du think tank Terra Nova, qui n'est pas proche de l'actuelle majorité ! On débat actuellement pour savoir si une augmentation des frais d'inscription de 1,5 étranglerait les familles de la classe moyenne : les intellectuels en chambre qui constituent Terra Nova feraient mieux de venir sur le terrain. Ce type de proposition est irresponsable et peut ouvrir la voie à de fortes dérives !

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