Tout d'abord, s'agissant du plan Réussir en licence, les initiatives ont foisonné dans toutes les universités et ont toutes été évaluées, ce qui nous permet de mesurer ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. A mon sens, trois domaines se dégagent clairement.
En premier lieu, on prépare avec un luxe incroyable la bascule des élèves du primaire vers le collège mais on les jette dans le grand bain de l'université qui représente souvent un choc culturel, psychologique et familial bien plus important, sans aucune préparation ! Les étudiants se retrouvent dans des amphithéâtres de 1 000 personnes avec des problèmes d'isolement psychologique ; ils peuvent être coupés de leur famille ; les méthodes de travail sont très difficiles et tout cela se fait du jour en lendemain ! La solution consiste à préparer cette bascule, à l'accompagner dès le lycée -au moins le premier mois- et à avoir des cours de méthodologie -je pense à ce qui a été fait à l'université de Strasbourg. On réduit alors fortement le taux d'échec.
La seconde initiative concerne les tuteurs. Bordeaux a beaucoup travaillé sur ce sujet ; Clermont-Ferrand également. A terme, c'est la voie vers laquelle on doit évoluer ; elle fonctionne très bien dans un certain nombre de sites universitaires étrangers, notamment en Allemagne. Je crois beaucoup à ce modèle où l'on est capable d'avoir des relations plus personnalisées et des méthodes de travail différentes.
La troisième initiative est relative aux passerelles. Notre modèle repose sur la non-sélection ; cela suppose une orientation beaucoup plus active et de permettre une réorientation. Je ne veux pas qu'un étudiant qui choisit une filière dont il s'aperçoit qu'elle ne lui convient pas gâche une année complète. C'est ensuite très difficile de le remettre dans le système.
Il existe un domaine dans lequel on a très bien réussi, celui de la médecine où les réorientations se font au bout d'un semestre et fonctionnent bien. Elles commencent à se mettre en place, permettent de meilleures orientations et d'utiliser toutes les orientations professionnelles. J'y crois beaucoup.
Madame Khiari, je vous remercie de votre question sur un sujet qui a été pour moi un objet de combat. C'est pour moi une conviction : un étudiant formé en France est un ambassadeur à vie de notre pays. Aujourd'hui, la compétition entre les nations est une compétition entre les talents. La France doit rester -c'était également le sens de l'intervention de M. Duvernois- une grande nation qui accueille les étudiants étrangers et les talents du monde et les forme.
Cette circulaire dite Guéant-Bertrand ne porte pas sur les étudiants étrangers qui ne sont concernés que par un paragraphe d'un document qui définit une politique sans doute plus restrictive en matière d'immigration. Le point traité par la circulaire concerne l'étudiant étranger qui a achevé sa formation et qui demande l'autorisation de travailler dans notre pays. C'est un simple rappel du droit qui s'est cependant traduit par une application incorrecte sur le terrain.
Des préfets, dans le contexte global de la circulaire, en ont déduit qu'on durcissait le droit du travail pour des étudiants étrangers talentueux. Ce sont des cas très isolés. On parle de 300 à 400 personnes -en tout cas moins de 1 000. Nous avons immédiatement corrigé les choses. J'ai reçu les différents responsables. Nous avons tenu ensemble une séance de travail, adopté une méthode de travail. Nous traitons les dossiers les uns après les autres pour pouvoir corriger les cas aberrants que vous avez mentionnés : le polytechnicien indien embauché chez Orange, l'ingénieur ou le commercial d'HEC embauché chez Airbus et auquel on a dit non, ce qui est absurde : dès lors qu'on l'a formé, il faut profiter de la formation qu'il a reçue, d'autant qu'on ne forme pas suffisamment d'ingénieurs. On traite les dossiers en instance le plus vite possible pour les corriger. Nous avons fait passer un message très clair à nos partenaires pour signifier que la France veut accueillir les talents du monde. C'est notre orientation politique.
Monsieur Vincent, vous avez raison : il faut augmenter l'encadrement supérieur. C'est l'un des objectifs de l'autonomie. De plus en plus de présidents d'université s'y emploient, notamment celui de Saint-Etienne, qui est remarquable et qui fait un travail extrêmement intéressant. Il s'agit de quelqu'un pour qui j'ai beaucoup d'estime. Nous allons l'accompagner dans le cadre d'un partenariat sur la faculté de médecine. J'espère que nous arriverons à sortir ce dossier. J'y travaille activement ; il est très important pour moi. C'est là l'exemple d'une université qui a bien compris la nécessité de travailler sur la réallocation de ses moyens.
Pour ce qui est des IDEX, je ne suis pas d'accord avec vous. Il est vrai que certains schémas sont des schémas de fusion. C'est sans doute le cas de celui de Strasbourg. Il y a également des schémas de coopération poussée mais ce ne sont pas des schémas de fusion -en tout cas, pas à ce stade- comme Bordeaux. Il existe enfin des schémas fédératifs très souples, comme Paris Sciences et Lettres (PSL) qui ne constitue pas un schéma de fusion. Ils n'ont aucune intention de fusionner. Ils sont dans un établissement de coopération d'enseignement et de recherche mais non dans une logique de fusion. On a vraiment une palette et un éventail de gouvernance divers. On n'est pas dans un modèle unique.
Cependant les universités incapables de s'entendre -suivez mon regard- qui comportent des conseils d'administration pléthoriques dans lesquels on affiche une unité de façade mais qui, sous l'épreuve du jury, révèlent des béances dans la vision commune, ne tiennent pas la route.
Monsieur Duvernois, Campus France constitue un outil essentiel qui va nous permettre d'avoir une vision commune en matière de prospective et d'accueil. Rien ne sert de faire de la prospective si l'on n'accueille pas derrière et vice-versa. Nous travaillons avec M. Alain Juppé sur ce sujet. La France est une belle nation ; elle a une belle histoire ; elle doit rayonner dans le monde. Ce rayonnement se traduit par l'enseignement supérieur et la recherche, par des coopérations actives avec de nouveaux pays étrangers. Campus France sera notre bras armé.
Nous achevons les négociations. Une personne qui a souvent été innervée par la sagesse sénatoriale se voit chargée de mission en la matière et je suis assez confiant sur une issue qui devrait être positive et rapide.
Monsieur Leleux, permettez-moi de vous remercier : vous faites effectivement partie des sénateurs qui ont suivi ce programme d'échanges porté par l'Académie des sciences. C'est très précieux.
Dans le cadre du programme de titularisation, j'essaie de veiller à ce qu'on ne s'enferme pas dans des bornes contractuelles trop étroites et qui ne permettent pas de prendre en compte les réalités que vous soulevez. C'est une négociation avec la fonction publique.
Pour le reste, pourquoi, en Allemagne, un doctorant peut-il être embauché sans aucun problème dans une entreprise privée ? Pourquoi, en France, considère-t-on qu'un doctorant n'est bon qu'à faire de la recherche fondamentale et est inadapté au monde de l'entreprise ? Pourquoi nos entreprises ont-elles des pratiques aussi réactionnaires et conservatrices ? Je suis très agacé par les pratiques mises en oeuvre dans nos entreprises en matière de ressources humaines ! Pourquoi cette défiance à l'égard de nos étudiants ? Pourquoi croire que seuls les étudiants des grandes écoles sont adaptés à certain postes ? C'est absurde ! Pourquoi penser qu'un étudiant en sciences humaines ne peut ensuite exercer d'autres fonctions ? Il est capable de travailler en équipe, de rédiger. Ce sont des valeurs et des acquis qui peuvent être ensuite transposables dans d'autres domaines. On a en France des pratiques de ressources humaines trop archaïques, trop conservatrices et qui se retournent contre les entreprises ! Je travaille avec l'association des directeurs de ressources humaines pour essayer de faire évoluer les choses.