Intervention de Christian Cambon

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 3 juin 2008 : 1ère réunion
Traités et conventions — Accord france-gabon sur la gestion des flux migratoires - examen du rapport

Photo de Christian CambonChristian Cambon :

a ensuite retracé le déroulement du séjour de la délégation en Bosnie-Herzégovine où elle s'est entretenue, à Sarajevo, avec le Président en exercice, le Premier ministre et les deux présidents d'assemblée, et à Banja Luka, avec les principaux dirigeants de la Republika Srpska. La délégation a également rencontré le Haut représentant de la communauté internationale, M. Miroslav Lajcak, et elle s'est rendue au quartier général de la force européenne Eufor où elle a rencontré le commandant de l'opération Althea et le contingent français.

a brièvement rappelé les principales caractéristiques de la structure territoriale et de l'organisation de la Bosnie-Herzégovine, telles qu'elles résultent de l'accord de Dayton de 1995 : un territoire divisé en deux entités, la Fédération croato-musulmane et la Republika Srpska ; un système institutionnel très complexe, avec notamment une présidence collégiale, des compétences limitées de l'Etat central, la détention par les entités d'un pouvoir de blocage dans le processus législatif, l'existence d'une tutelle internationale incarnée par le Haut représentant, qui est également le représentant spécial de l'Union européenne.

a indiqué que l'un des premiers constats de la délégation portait sur la viabilité de l'Etat de Bosnie-Herzégovine, tant en raison d'un système institutionnel propice au blocage des processus de décision, que des profondes divisions qui demeurent entre les trois communautés bosniaque, serbe et croate. Il a rappelé que le conflit des années 1992-1995 avait entraîné un remodelage de la répartition territoriale des habitants, désormais largement regroupés selon leur appartenance ethnique. M. Christian Cambon a estimé que l'un des signes les plus inquiétants du cloisonnement entre communautés était l'apparition d'une ségrégation scolaire, plus d'une cinquantaine d'établissements de la Fédération croato-musulmane s'étant rangés à la politique des « deux écoles sous un même toit », en vertu de laquelle les enfants croates et les enfants musulmans suivent leur scolarité dans des classes séparées. Il a regretté que l'Union européenne n'ait pas davantage manifesté sa préoccupation sur ce point, dans le cadre des discussions préalables à la conclusion d'un accord de stabilisation et d'association.

a estimé que les trois communautés avaient des visions très différentes de leur destin commun, les Bosniaques souhaitant un Etat plus unitaire alors que les Bosno-Serbes sont essentiellement attachés au maintien de l'autonomie très large garantie par l'accord de Dayton à la Republika Srpska et que les Bosno-Croates, très minoritaires, souffrent de ne pas disposer d'entité propre.

a ensuite indiqué que la situation sécuritaire était totalement normale en Bosnie-Herzégovine et que les tensions entre communautés ne paraissent pas pouvoir déboucher sur des affrontements directs.

Il a en revanche souligné que le débat sur la pérennité du pays avait été relancé après l'indépendance du Kosovo, l'Assemblée nationale de la Republika Srpska ayant notamment adopté une résolution évoquant un droit à la sécession de l'entité serbe. Il a ajouté que si certains interlocuteurs de la délégation avaient évoqué l'éventualité d'un scénario de type « Monténégro », selon lequel la Republika Srpska pourrait attendre le moment opportun pour déclarer son indépendance sans subir de rétorsions de la communauté internationale, la majorité d'entre eux envisageaient plutôt un statu quo, considérant que l'entité serbe aurait beaucoup plus à perdre qu'à gagner à la remise en cause des accords de Dayton qui constituent la seule garantie juridique de son existence.

a précisé qu'au cours de l'entretien qu'il avait accordé à la délégation, le Premier ministre de l'entité serbe, M. Milorad Dodik, avait déclaré que la Republika Srpska ne remettrait pas en cause l'existence de la Bosnie-Herzégovine pour autant que son autonomie soit respectée. M. Dodik s'était montré avant tout soucieux du développement économique d'une entité qui a assaini sa situation budgétaire au cours des dernières années et souhaite attirer les investissements étrangers. Il partage d'ailleurs avec le Président serbe Boris Tadic la même aspiration à l'intégration européenne.

a ensuite évoqué la mise en chantier d'une nouvelle Constitution qui pourrait être acceptée par les trois communautés. Il s'est demandé s'il était réellement possible d'envisager une démarche autre que progressive, sur le modèle de la 1ère étape qui avait été proposée en 2006, mais repoussée à la suite de l'opposition d'une partie des dirigeants bosniaques qui la trouvaient trop timide. Il a estimé que la situation actuelle ne se prêtait pas à une remise en cause trop prononcée des prérogatives de la Republika Srpska.

S'agissant de la présence internationale, M. Christian Cambon a précisé que la suppression du poste de Haut représentant des Nations unies était admise dans son principe, mais conditionnée, dans sa mise en oeuvre, à la réalisation d'objectifs précis. Initialement fixée à juin 2008, elle a été de ce fait repoussée, le Haut représentant ayant néanmoins indiqué à la délégation que ce report devrait se compter en nombre de mois, et non en nombre d'années. La suppression de ce poste ne remettrait pas en cause la fonction de Représentant spécial de l'Union européenne, dont il est aujourd'hui également titulaire, et qui serait appelée à se développer dans la perspective d'une future intégration à l'Union européenne.

a ajouté que la suppression du poste de Haut représentant serait sans doute accompagnée d'un retrait définitif de l'Eufor, dont la mission est aujourd'hui résiduelle et dont les effectifs se limitent à 2 500 hommes, dont 150 militaires français.

a ensuite abordé les perspectives européennes de la Bosnie-Herzégovine, en soulignant que l'intégration à l'Union européenne était véritablement le seul objectif à réunir les responsables politiques et les différentes communautés. Il a précisé qu'au mois d'avril, le Parlement de Bosnie-Herzégovine avait définitivement approuvé le projet de réforme de la police auquel l'Union européenne conditionnait la signature de l'accord de stabilisation et d'association. Ce dernier devrait ainsi être signé le 16 juin prochain.

a indiqué que la délégation avait constaté l'irritation provoquée, en Bosnie-Herzégovine, par ce qui avait été perçu comme des avantages très substantiels accordés à la Serbie à l'approche des élections législatives, que ce soit pour la signature d'un accord de stabilisation et d'association ou en matière de visas. L'Union européenne avait paru beaucoup moins exigeante vis-à-vis de la Serbie que d'autres pays de la région qui s'efforcent de longue date de répondre aux critères fixés par Bruxelles.

Tout en considérant que la signature de l'accord de stabilisation et d'association marquerait une étape très significative pour la Bosnie-Herzégovine, M. Christian Cambon a estimé que très vite se poserait la question de la capacité du pays à mettre en oeuvre cet accord et à dépasser les antagonismes et les blocages qui ont jusqu'à présent considérablement entravé l'adoption de réformes indispensables. Dans cette optique, il sera nécessaire de maintenir des conditions au rapprochement européen de la Bosnie-Herzégovine, sans toutefois les rendre excessivement contraignantes compte tenu de la particularité de la situation du pays et de sa fragilité.

En conclusion, M. Christian Cambon a estimé que le levier européen apparaissait aujourd'hui le seul à même de faire progresser la Bosnie-Herzégovine, ce qui donnait à l'Union européenne une responsabilité toute particulière vis-à-vis de ce pays.

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