Intervention de André Dulait

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 7 décembre 2010 : 1ère réunion
Lutte contre la piraterie — Examen du rapport et du texte de la commission en deuxième lecture

Photo de André DulaitAndré Dulait, rapporteur :

Ce projet de loi, déposé en premier au Sénat, a été examiné par notre commission le 30 mars et adopté par notre assemblée le 6 mai dernier. Notre commission avait intégré 20 amendements au texte du Gouvernement, qui ont tous été adoptés par notre assemblée ainsi qu'un amendement du Gouvernement. L'Assemblée nationale s'est prononcée le 25 novembre : sur proposition de son rapporteur, M. Christian Ménard, auteur d'un excellent rapport d'information sur la piraterie maritime, nos collègues députés n'ont adopté que quatre amendements.

Comme vous le savez, la piraterie maritime a connu une forte résurgence ces dernières années, en particulier dans le Golfe d'Aden et au large des côtes somaliennes, où passent quelque 25 000 navires par an. Actuellement, 20 navires et 498 otages sont aux mains des pirates et au cours de la semaine précédente, on dénombre une douzaine d'attaques de bâtiments dont une réussie. Le montant total des rançons est estimé à 80 millions de dollars en 2009. La piraterie constitue une menace sérieuse à la liberté de navigation et à la sécurité des approvisionnements, alors que le transport de marchandises se réalise à 90 % par voie maritime. La France n'a pas été épargnée par la piraterie, comme en témoignent les attaques du « Ponant », du « Carré d'As » ou du « Tanit ». C'est l'une des raisons qui ont conduit l'Union européenne, à lancer, en décembre 2008, sa première opération navale, « Atalante », de lutte contre la piraterie maritime dans le Golfe d'Aden, dont le mandat a été renouvelé pour une période d'un an, par la résolution 1950 du Conseil de sécurité des Nations unies, le 23 novembre dernier.

Cependant, alors que la France a toujours joué un rôle international majeur contre ce fléau, notre pays ne dispose pas actuellement de législation sur la piraterie. La France disposait d'une loi sur la piraterie datant de 1825 mais que celle-ci avait été abrogée en 2007. Ce projet de loi vise donc à introduire dans notre droit un cadre juridique pour la répression de la piraterie.

Le texte détermine les infractions pénales constitutives d'actes de piraterie, les modalités de recherche et de constatation de ces infractions, ainsi que les agents habilités à y procéder. Ces dispositions s'appliqueront aux actes de piraterie commis en haute mer et dans les espaces maritimes ne relevant de la juridiction d'aucun Etat.

Ces deux premiers critères sont repris de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, dite de Montego Bay. Au-delà des zones visées par la convention, le projet de loi prévoit que ces dispositions seront également applicables dans les eaux territoriales d'un État à condition que le droit international l'autorise. Cet ajout vise à prendre en compte la situation particulière de certains États « fragiles » qui ne sont plus en mesure d'assurer le contrôle de leurs eaux territoriales, à l'image de la Somalie. La résolution 1816 du Conseil de sécurité des Nations Unies, du 2 juin 2008, a autorisé les Etats à « entrer dans les eaux territoriales de la Somalie afin de réprimer les actes de piraterie et les vols à main armée en mer ».

Le projet de loi vise ensuite à introduire dans notre droit une compétence « quasi universelle » des juridictions françaises pour juger d'actes de piraterie commis hors du territoire national. La piraterie est l'une des rares infractions internationales à déroger à la loi du pavillon et à se voir appliquer une compétence universelle, d'après la Convention de Montego Bay.

Toutefois, deux conditions sont nécessaires à la compétence des juridictions françaises : les auteurs doivent avoir été appréhendés par des agents français ; il ne doit pas y avoir d'entente avec les autorités d'un autre Etat pour l'exercice de sa compétence juridictionnelle. La deuxième condition vise à prendre en compte le cas des accords conclus par l'Union européenne avec certains pays tiers comme le Kenya ou les Seychelles, qui ont accepté le transfert sur leur territoire des suspects afin qu'ils soient jugés par leurs juridictions. Elle pourrait également trouver à s'appliquer si un autre Etat s'estime mieux placé pour juger d'une affaire, notamment si le navire attaqué ou ses victimes sont de sa nationalité.

Enfin, le projet de loi met en place un régime sui generis pour la consignation à bord des personnes appréhendées dans le cadre des actions de l'Etat en mer. Il s'agit ainsi de répondre aux griefs formulés à l'encontre de la France par la Cour européenne des droits de l'homme dans son arrêt Medvedyev du 29 mars 2010, à la suite d'une opération d'interception d'un navire suspecté de se livrer au trafic de stupéfiants. Il a été reproché à la France de ne pas disposer, à cette époque, d'un cadre légal suffisant organisant les conditions de privation de liberté à bord d'un navire.

Le projet de loi propose la procédure suivante : le préfet maritime informe sans délai le procureur de la République de toute mesure restrictive ou privative de liberté que le commandant prend à bord de son navire; le procureur de la République doit, dans les quarante-huit heures qui suivent, saisir le juge des libertés et de la détention ; celui-ci statue sur la poursuite de ces mesures pour une durée maximale de cinq jours, renouvelable dans les mêmes conditions.

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