Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 7 décembre 2010 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • militaire
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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Nous allons entendre la communication d'étape de M. Jacques Blanc sur la sécurité des approvisionnements stratégiques de la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

J'avais souhaité étudier la question de l'eau et c'est sur votre proposition, Monsieur le Président, que j'ai eu la chance de conduire cette mission sur la sécurité des approvisionnements stratégiques de la France. J'avoue que j'ai découvert le sujet et ses véritables enjeux, qui sont essentiels. Depuis le premier choc pétrolier, on mesure l'importance des matières premières énergétiques, charbon, hydrocarbures et gaz, on a depuis 1973 pris des mesures pour mieux gérer les stocks et diversifier les approvisionnements. Mais on mesure encore mal combien nous sommes devenus dépendants des matières premières stratégiques minérales que sont le cuivre, le titane ou le diamant et ce que l'on appelle les terres rares, au nombre de 17, ainsi que des matières premières stratégiques végétales comme les céréales et les terres arables.

Ce n'est qu'avec l'expansion économique très rapide de nouveaux acteurs comme la Chine, l'Inde et le Brésil, que les pays du Nord ont réalisé que leur propre accès aux matières stratégiques pouvait devenir problématique, du fait de l'accès des pays émergents aux technologies de transformation primaire des matières premières, mais aussi parce que les nouvelles technologies dépendent de ces matériaux rares, surtout les télécommunications.

Ainsi, les 17 éléments chimiques désignés aujourd'hui sous le terme de « terres rares » ont longtemps été considérés comme des curiosités de laboratoire. Mais leur utilisation récurrente dans des techniques de pointe a démontré leur caractère stratégique et souligné que la seule Chine en produisait, aujourd'hui, 97 % des quantités consommées.

Quelques exemples illustrent leur caractère crucial : les aimants de précision, tout comme les éoliennes, requièrent l'utilisation de néodyme. Le galium entre dans la fabrication des billets de banque, pour en prévenir la falsification, comme dans celle des lasers utilisés par les avions de chasse de dernière génération. Le germanium est indispensable à la réalisation de systèmes de visée nocturne, qui confèrent aux armées occidentales un avantage décisif dans les conflits en cours, notamment celui d'Afghanistan.

Quant aux matières stratégiques végétales, les nombreuses initiatives venant de pays très divers par la richesse et la densité de population, pour s'assurer la maîtrise de terres arables, en démontrent l'intérêt.

La très active diplomatie chinoise en Afrique illustre la stratégie très élaborée de ce pays pour sécuriser ses approvisionnements, non seulement alimentaires, mais également énergétiques et miniers.

Des exemples récents soulignent les interrogations d'autres pays sur la pérennité de leur accès aux produits agricoles : ainsi la Corée du Sud ou l'Egypte, qui vient de conclure un accord sur ce point avec le Soudan, s'engagent dans des démarches de location à long terme de terres arables dans des pays où des espaces restent disponibles : Éthiopie, Madagascar...

Face à cette forte concurrence pour l'accès aux matières premières, l'Union européenne a pris conscience de sa vulnérabilité dans ce domaine. Une communication de la Commission européenne au Parlement et au Conseil, en novembre 2008, souligne la nécessité d'une « initiative dans le domaine des matières premières », constatant que la majorité des ressources métalliques utilisées dans l'Union européenne sont importées. Deux groupes d'experts ont été réunis pour établir une liste des ressources stratégiques, et pour élaborer un plan d'action destiné à sécuriser les approvisionnements européens de ces ressources, sachant que l'importance des investissements requis nécessite un délai de dix à vingt ans entre la recension des besoins, et le début de leur satisfaction.

La Finlande et la France ont été les plus actives au sein de l'Union européenne pour amorcer cette réflexion, qui s'appuie sur deux constats : tout d'abord, il est faux de croire que les ressources minérales européennes sont épuisées. En effet, la robotique permet d'exploiter les gisements recensés jusqu'à des profondeurs de 1 500 mètres aujourd'hui, pouvant aller jusqu'à 3 000 mètres dans un avenir proche, alors qu'on se limitait au XXe siècle à 200 mètres.

Ensuite, l'analyse économique récente a développé une hypothèse, fallacieuse, d'un développement économique « dématérialisé », alors que la valeur ajoutée par le secteur des services réclame toujours des matières premières. Les écrans plats des téléviseurs, les trains à grande vitesse, les voitures électriques nécessitent ainsi l'utilisation de métaux rares, de cuivre et de titane. Chaque voiture construite aujourd'hui contient 25 kg de cuivre ; en 2030, les voitures hybrides ou électriques en réclameront le double.

La France, du fait de sa tradition industrielle, a longtemps gardé un intérêt marqué pour les ressources minérales. Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a ainsi été chargé d'effectuer, de 1975 à 1992, un inventaire minéral de la France, axé sur le cuivre, le plomb et le zinc.

L'approvisionnement en énergie a également fait l'objet, en 2008, d'un rapport du secrétariat général de la défense nationale (SGDN), qui est classifié, ce qui en empêche la communication. Cet organisme mène actuellement une étude sur les métaux stratégiques, indispensables à l'approvisionnement des secteurs d'activités jugés prioritaires comme l'automobile, l'armement ou les nanotechnologies.

Enfin, le conseil des ministres du 27 avril 2010 a créé une mission de préfiguration d'un futur comité interministériel pour les métaux stratégiques (COMES), confiée à M. Jean Bersani, ingénieur général des mines. Le décret créant ce comité devrait être pris dans les prochaines semaines.

Voici les premiers éléments recueillis lors des cinq auditions auxquelles j'ai procédé, en commençant par un entretien avec M. Francis Delon, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationales, qui a estimé très opportun que le Parlement se penche sur ce sujet. Les informations recueillies soulignent la grande actualité de cette problématique au sein des pays occidentaux qui ont longtemps été les premiers consommateurs de matières premières, et dont ils ont tenu l'obtention facile et peu coûteuse pour acquise.

La donne a changé, car les ressources mondiales sont limitées et très inégalement réparties, alors que la demande est en forte expansion.

Je me propose donc de poursuivre mon travail d'information et de vous en livrer une conclusion globale à la fin du mois de février 2011.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Vous identifiez clairement les enjeux : il s'agit de rien moins que de l'accès aux ressources indispensables à notre défense nationale, donc à notre indépendance. La Chine achète et loue des terres arables dans le monde, elle va chercher à l'extérieur de ses frontières ce qui lui manque, tout en étant plus exigeante sur l'accès aux ressources stratégiques qu'elle possède. On réalisera plus tard les effets de cette stratégie, qu'on peut dire défensive tout autant qu'offensive, et il faut compter aussi que l'accès aux matières premières stratégiques peut constituer une source de conflit. N'oublions pas le rôle que cet accès a joué dans la défaite allemande lors de la Première guerre mondiale et dans l'entrée en guerre du Japon lors de la deuxième.

Pour étudier des questions aussi importantes, n'hésitez pas à prendre le temps qu'il vous faudra. Je ne crois pas que l'accès aux matières stratégiques ait fait l'objet d'un rapport d'une commission parlementaire : la question est cruciale et je me félicite que le Sénat démontre encore une fois sa capacité d'innovation.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Couderc

Monsieur le rapporteur, avez-vous examiné la question du recyclage des terres rares ? Des filières sont-elles en gestation ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

En plus du stockage - comme on le fait pour le pétrole ou l'uranium - et de la recherche de nouveaux gisements, en creusant toujours plus profond dans le sous-sol, le recyclage est effectivement une piste à examiner. Pour autant que j'en sache, nous en sommes aux balbutiements, mais j'étudierai ce point plus avant.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

Le recyclage est effectivement une piste, le Conseil des ministres l'a même qualifié de « gisement complémentaire précieux ». Deux écoles des mines au moins y travaillent, celle de Douai et celle de Saint-Etienne.

Je me demande, cependant, si votre champ d'études n'est pas trop vaste. La sécurité des approvisionnements énergétiques est une question étudiée de longue date. Depuis la crise de 2008, la sécurité des approvisionnements alimentaires a également fait l'objet de travaux nombreux. En revanche, on connaît effectivement moins la situation des terres rares, une fois dit que la Chine est en position de quasi monopole. Cependant, la question ne s'arrête pas aux seules terres rares. Il y a aussi les métaux qui ne sont pas rares, mais qui sont de plus en plus chers, en particulier un produit aussi courant que l'acier. Il y a encore les matières premières dont l'accès n'est pas garanti, en particulier le gaz.

Je crois donc qu'il serait utile de resserrer le champ de l'étude, en examinant bien les différents cas de figure.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Vous rejoignez la préoccupation de notre président. Au départ, je voulais m'intéresser à l'eau, question éminemment importante pour le membre de l'Assemblée parlementaire de la Méditerranée que je suis. Mais l'eau est un sujet largement étudié. Aussi, la question des terres rares est-elle plus propice à une contribution utile de notre part : c'est un sujet majeur, dont on ne parle pas. Je crois que nous aurons tout à leur consacrer l'essentiel de nos investigations.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

Une information intéressant l'inflation des prix des métaux : une joint venture s'est créée, entre la France et le Kazakhstan, pour la production d'éponges de titane, indispensables à l'industrie aéronautique : nous apportons la technologie, les Kazakhs les deux minerais constitutifs du titane. C'est peut-être aussi dans cette direction qu'on pourra compenser notre manque de minerais.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Mme la ministre des affaires étrangères vient d'évoquer la question des métaux rares dans une interview, en retenant le niveau européen. C'est encourageant car l'immense territoire eurasiatique de la Russie offre des possibilités. Nous devons examiner les bonnes pratiques, faire sur cette question un peu de benchmarking pour optimiser notre accès aux terres rares.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Mme la ministre a aussi souligné nos intérêts communs avec le continent africain, en matière de sécurité aussi bien que d'accès à certains minerais.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

L'IFREMER n'a-t-il pas été chargé d'une mission sur les nodules polymétalliques ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Le Conseil des ministres du 27 avril dernier confie effectivement à l'IFREMER une mission exploratoire sur les métaux stratégiques, avec une première campagne à Wallis-Et-Futuna, dans le cadre d'un groupement associant encore le BRGM et des acteurs privés.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Merci encore pour vos travaux. Je crois la remarque de Mme Voynet tout à fait pertinente. Nous devons faire oeuvre utile et parvenir à des recommandations claires sur la stratégie à conduire, sur les alliances et les accords à passer en vue de garantir à notre défense nationale un accès aux métaux rares qui soit pérenne et sûr.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Nous examinons en deuxième lecture le projet de loi relatif à la piraterie et à l'exercice des pouvoirs de police en mer, modifié par l'Assemblée nationale (134, 2010-2011).

Debut de section - PermalienPhoto de André Dulait

Ce projet de loi, déposé en premier au Sénat, a été examiné par notre commission le 30 mars et adopté par notre assemblée le 6 mai dernier. Notre commission avait intégré 20 amendements au texte du Gouvernement, qui ont tous été adoptés par notre assemblée ainsi qu'un amendement du Gouvernement. L'Assemblée nationale s'est prononcée le 25 novembre : sur proposition de son rapporteur, M. Christian Ménard, auteur d'un excellent rapport d'information sur la piraterie maritime, nos collègues députés n'ont adopté que quatre amendements.

Comme vous le savez, la piraterie maritime a connu une forte résurgence ces dernières années, en particulier dans le Golfe d'Aden et au large des côtes somaliennes, où passent quelque 25 000 navires par an. Actuellement, 20 navires et 498 otages sont aux mains des pirates et au cours de la semaine précédente, on dénombre une douzaine d'attaques de bâtiments dont une réussie. Le montant total des rançons est estimé à 80 millions de dollars en 2009. La piraterie constitue une menace sérieuse à la liberté de navigation et à la sécurité des approvisionnements, alors que le transport de marchandises se réalise à 90 % par voie maritime. La France n'a pas été épargnée par la piraterie, comme en témoignent les attaques du « Ponant », du « Carré d'As » ou du « Tanit ». C'est l'une des raisons qui ont conduit l'Union européenne, à lancer, en décembre 2008, sa première opération navale, « Atalante », de lutte contre la piraterie maritime dans le Golfe d'Aden, dont le mandat a été renouvelé pour une période d'un an, par la résolution 1950 du Conseil de sécurité des Nations unies, le 23 novembre dernier.

Cependant, alors que la France a toujours joué un rôle international majeur contre ce fléau, notre pays ne dispose pas actuellement de législation sur la piraterie. La France disposait d'une loi sur la piraterie datant de 1825 mais que celle-ci avait été abrogée en 2007. Ce projet de loi vise donc à introduire dans notre droit un cadre juridique pour la répression de la piraterie.

Le texte détermine les infractions pénales constitutives d'actes de piraterie, les modalités de recherche et de constatation de ces infractions, ainsi que les agents habilités à y procéder. Ces dispositions s'appliqueront aux actes de piraterie commis en haute mer et dans les espaces maritimes ne relevant de la juridiction d'aucun Etat.

Ces deux premiers critères sont repris de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, dite de Montego Bay. Au-delà des zones visées par la convention, le projet de loi prévoit que ces dispositions seront également applicables dans les eaux territoriales d'un État à condition que le droit international l'autorise. Cet ajout vise à prendre en compte la situation particulière de certains États « fragiles » qui ne sont plus en mesure d'assurer le contrôle de leurs eaux territoriales, à l'image de la Somalie. La résolution 1816 du Conseil de sécurité des Nations Unies, du 2 juin 2008, a autorisé les Etats à « entrer dans les eaux territoriales de la Somalie afin de réprimer les actes de piraterie et les vols à main armée en mer ».

Le projet de loi vise ensuite à introduire dans notre droit une compétence « quasi universelle » des juridictions françaises pour juger d'actes de piraterie commis hors du territoire national. La piraterie est l'une des rares infractions internationales à déroger à la loi du pavillon et à se voir appliquer une compétence universelle, d'après la Convention de Montego Bay.

Toutefois, deux conditions sont nécessaires à la compétence des juridictions françaises : les auteurs doivent avoir été appréhendés par des agents français ; il ne doit pas y avoir d'entente avec les autorités d'un autre Etat pour l'exercice de sa compétence juridictionnelle. La deuxième condition vise à prendre en compte le cas des accords conclus par l'Union européenne avec certains pays tiers comme le Kenya ou les Seychelles, qui ont accepté le transfert sur leur territoire des suspects afin qu'ils soient jugés par leurs juridictions. Elle pourrait également trouver à s'appliquer si un autre Etat s'estime mieux placé pour juger d'une affaire, notamment si le navire attaqué ou ses victimes sont de sa nationalité.

Enfin, le projet de loi met en place un régime sui generis pour la consignation à bord des personnes appréhendées dans le cadre des actions de l'Etat en mer. Il s'agit ainsi de répondre aux griefs formulés à l'encontre de la France par la Cour européenne des droits de l'homme dans son arrêt Medvedyev du 29 mars 2010, à la suite d'une opération d'interception d'un navire suspecté de se livrer au trafic de stupéfiants. Il a été reproché à la France de ne pas disposer, à cette époque, d'un cadre légal suffisant organisant les conditions de privation de liberté à bord d'un navire.

Le projet de loi propose la procédure suivante : le préfet maritime informe sans délai le procureur de la République de toute mesure restrictive ou privative de liberté que le commandant prend à bord de son navire; le procureur de la République doit, dans les quarante-huit heures qui suivent, saisir le juge des libertés et de la détention ; celui-ci statue sur la poursuite de ces mesures pour une durée maximale de cinq jours, renouvelable dans les mêmes conditions.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Tout cela se déroulant en haute mer, que se passera-t-il si le juge décide la remise en liberté de la personne retenue à bord ?

Debut de section - PermalienPhoto de André Dulait

En règle générale, soit les personnes ont été appréhendées en flagrant délit, soit la présomption de piraterie s'appuie sur des éléments matériels peu contestables comme la puissance des moteurs, l'importance des réserves de carburant, la présence d'armes et d'outillage d'abordage ; il y a peu de risque de se tromper...

En mars dernier, notre commission avait adopté 20 amendements et apporté des modifications substantielles au texte présenté par le Gouvernement. Ainsi, en nous inspirant des mesures prévues en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants et l'immigration illégale, nous avons autorisé les commandants des navires ou les officiers de la marine nationale, en cas d'extrême urgence, à saisir les documents ou objets liés à des actes de piraterie sans autorisation du procureur de la République. Sur proposition de notre collègue Trillard, la commission a également introduit la possibilité de procéder à la destruction des embarcations ayant été utilisées par les pirates.

En revanche, notre commission a rejeté l'idée de retenir une compétence universelle des juridictions françaises pour juger des actes de piraterie, au regard notamment des précédents belge et espagnol et afin de privilégier un traitement judiciaire régional.

Elle a aussi écarté la proposition de subordonner la remise des suspects à un autre Etat à des garanties en matière de procès équitable et de non application de la peine capitale, en estimant que l'inscription de ces garanties n'était pas utile, dès lors qu'elles figuraient déjà dans les accords conclus entre l'Union européenne et les pays concernés.

Notre commission a estimé que le régime proposé pour la rétention des suspects à bord des navires était de nature à concilier les fortes contraintes opérationnelles de l'action en mer et le nécessaire respect des libertés individuelles, ainsi que de nature à répondre aux griefs de la Cour européenne des droits de l'homme. Nous avons toutefois précisé les conditions dans lesquelles le procureur de la République doit être informé des mesures de restriction ou de privation de liberté, pour garantir une application uniforme de ce régime, quelles que soient la nature de l'opération et l'autorité dont elle relève.

Afin de prendre en compte les situations où ces personnes seraient transférées par la voie aérienne plutôt que par la voie maritime, la commission a jugé utile de prévoir que ce régime pourra s'appliquer à bord d'un aéronef. Notre commission a aussi estimé indispensable de préciser que, dès leur arrivée sur le sol français, les personnes faisant l'objet de mesures de coercition seront mises à la disposition de l'autorité judiciaire.

En revanche, nous n'avons pas repris la proposition de prévoir une durée maximale de trente deux jours pour la rétention à bord, en estimant que l'inscription d'un tel délai pourrait soulever des difficultés pratiques et que l'autorisation du juge des libertés et de la détention pour prolonger cette mesure était de nature à offrir toutes les garanties nécessaires concernant la durée de la mesure.

Enfin, lors de l'examen en séance publique du projet de loi, le Gouvernement a présenté un amendement visant à reconnaître la qualité de pupille de la Nation aux enfants de victimes d'actes de piraterie maritime. Comme vous savez, un de nos compatriotes a été tué lors de l'assaut donné par les commandos de marine pour libérer les otages français du « Tanit ». L'amendement, qui a été adopté par le Sénat, permettra de reconnaître la qualité de pupille de la Nation à ses enfants, qui ne peuvent pas être tenus pour responsables des éventuelles imprudences commises par leurs parents.

L'Assemblée nationale a adopté quatre amendements.

Le premier amendement, à l'article 2, substitue aux mots « deux navires ou un navire et un aéronef », les mots « un navire ou un aéronef dirigé contre un navire ou un aéronef ». Cet amendement, adopté sur proposition du rapporteur et avec l'avis favorable du Gouvernement, peut paraître surprenant dans la mesure où il pourrait conduire à qualifier d'acte de piraterie maritime l'attaque d'un aéronef par un autre aéronef. Les services du ministère de la défense ont toutefois fait valoir qu'il permettra de prendre en compte le cas - très improbable - d'une attaque d'un hydravion par un autre hydravion.

Plutôt que de reprendre l'expression « sérieuses raisons » utilisée dans la convention de Montego Bay, qui paraît plus restrictive, et qui semble provenir d'une mauvaise traduction de l'anglais, nos collègues députés ont, à l'initiative du rapporteur, préféré reprendre l'expression de « motifs raisonnables » déjà utilisée dans le cas de la lutte contre le trafic de stupéfiants : c'est l'objet du deuxième amendement.

Le troisième amendement, qui vient du groupe socialiste et qui a été sous-amendé par le Gouvernement, subordonne la destruction des embarcations de pirates à l'autorisation du Procureur de la République : cela permettra de sécuriser la procédure.

Enfin le quatrième amendement, à l'article 6, est purement rédactionnel.

En définitive, je me félicite que l'ensemble des modifications apportées par le Sénat aient été confirmées par l'Assemblée nationale et des améliorations apportées par nos collègues députés. Je vous proposerai donc d'adopter le projet de loi sans modification.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Lors d'un déploiement au centre satellitaire de Torreton, dans le cadre de l'Union de l'Europe occidentale, j'ai été surpris, en examinant les images satellites, de voir que les villages somaliens d'où partent les pirates sont très bien équipés en radars de grand format, qui sont très précis. Quand un acte de piraterie est commis, peut-on imaginer donner un droit de poursuite pour aller détruire ces radars à terre ?

Debut de section - PermalienPhoto de André Dulait

Il n'y a pas de droit de poursuite à terre, la répression de la piraterie est possible en haute mer ou dans les eaux territoriales, mais pas sur le territoire somalien.

EXAMEN DES ARTICLES

L'article 2 et l'article 6 sont successivement adoptés sans modification.

L'ensemble du projet de loi est adopté à l'unanimité sans modification.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi relatif à la reconversion des militaires (611, 2010-2011).

Debut de section - PermalienPhoto de André Dulait

Avec la reconversion des militaires, nous abordons un grand sujet et un petit texte. N'y voyez pas là une critique. On se plaint trop de l'inflation législative pour ne pas se féliciter que l'on n'apporte au code de la défense que les petites touches de modification nécessaires.

Les armées prennent à la société une partie de notre jeunesse pour la lui rendre quelques années plus tard. Depuis le brassage de Français de toutes origines qu'assurait l'armée de conscription, il existe un lien historique entre les armées et leur mission sociale de reconversion de leurs soldats.

Il y a ensuite un lien structurel entre les armées et cette mission de reconversion. Les carrières militaires sont en effet courtes. Quatre militaires sur cinq n'effectuent pas l'intégralité de leur carrière dans les armées. Celles-ci ont donc besoin de jeunes soldats en nombre et de peu de généraux. La question de la reconversion se pose ainsi dès le recrutement. Les armées le savent bien : elles pourront d'autant mieux recruter qu'elles sauront reconvertir.

Il y a évidemment une importance toute conjoncturelle à cette préoccupation. Avec le nouveau format des armées, avec ce que l'on appelle la grande manoeuvre des ressources humaines, nos armées se seront, en 2014, séparées de 54 000 hommes : c'est considérable. Nous l'avons jugé nécessaire. La modernisation passe par des effectifs resserrés, mieux équipés, plus entraînés. Mais nous devons veiller à la cohérence globale de l'action des pouvoirs publics. Les réformes actuelles préoccupent les familles de militaires et les bassins d'emplois concernés. S'il nous faut moderniser notre outil de défense, il nous faut aussi lutter contre le chômage dans un contexte économique défavorable, d'où l'impérieuse nécessité de reconvertir au mieux les anciens militaires.

La reconversion est un sujet d'importance, mais aussi un sujet délicat, où il faut concilier aspirations individuelles et besoins de l'institution militaire. Les armées ne recrutent pas, ne forment pas pour reconvertir ; les armées recrutent et forment les soldats pour accomplir les missions qui leur sont confiées. Il faut donc trouver un juste équilibre entre la nécessité de rentabiliser les efforts consentis en matière de recrutement et en matière de formation des soldats et celle de les préparer à leur reconversion et à une seconde carrière. Comme l'a dit le chef d'état-major de l'armée de terre lors de l'université d'été de la défense, il faut veiller à ce que les efforts faits pour ceux qui partent ne soient pas supérieurs à ceux qui sont faits pour ceux qui restent.

Le chômage des militaires a un coût croissant puisqu'il revient à l'Etat de financer les allocations chômage des anciens militaires. Cette charge est passée en six ans de 75 millions à 110 millions : c'est très important eu égard au bouclage financier de la réforme et aux gains attendus de la diminution du format des armées.

Pour toutes ces raisons, les pouvoirs publics ont, depuis plusieurs années déjà, renforcé le dispositif d'aide à la reconversion des militaires qui s'articule traditionnellement autour de deux dispositifs : le premier est l'accès à la fonction publique et le second regroupe toutes les aides au départ vers le secteur privé, qui vont de l'évaluation à l'orientation, jusqu'à la formation professionnelle.

En 2009, le Gouvernement a mis en place une agence unique : l'agence de reconversion de la défense. Son action se décline à trois niveaux : national, régional - avec dix pôles de reconversion - et local, avec une cellule de reconversion dans chacune des cinquante et une bases de défense. Elle s'appuie également sur un recours plus important à des intervenants extérieurs.

D'ores et déjà, et en dépit d'un contexte économique difficile, les résultats sont globalement satisfaisants. Le taux global de reclassement des militaires est aujourd'hui de 69 % : 71 % pour les officiers, 73 % pour les sous-officiers et 50 % pour les militaires du rang, et 35 % pour les militaires du rang ayant quatre ans d'ancienneté. Ces chiffres permettent de comprendre clairement ce que doit être la priorité : les militaires du rang et plus particulièrement ceux qui ont le moins d'ancienneté.

Les reclassements dans la fonction publique sont, eux, de moitié inférieurs aux objectifs initiaux. Les administrations réduisant leurs effectifs, elles n'accueillent pas nos militaires à bras ouvert. Leur nombre a pourtant augmenté de 54 % entre 2008 et 2009, pour atteindre deux mille militaires reclassés dans la fonction publique.

Des dispositifs complémentaires sont nécessaires, c'est l'objet du projet de loi.

Le premier article assouplit les règles du congé de reconversion pour permettre aux militaires de suivre une formation segmentée dans le temps. Le congé est fractionnable par journées, dans la limite de 120 jours ouvrés cumulés, contre six mois consécutifs au maximum actuellement. Dans le cas d'un congé fractionné, la durée totale est de deux ans.

Le projet de loi ouvre aussi le congé de reconversion, dans la limite de vingt jours, aux volontaires ayant moins de quatre ans de services. Pour cette population dont on a vu qu'elle était fortement exposée au chômage, il s'agit d'une avancée importante.

Le deuxième article créé une nouvelle position statutaire d'activité : le congé pour création ou reprise d'entreprise, directement inspiré du dispositif existant pour la fonction publique. Ce congé est destiné aux militaires ayant huit ans d'ancienneté ; il sera d'une durée maximale d'un an, renouvelable une fois, sur demande agréée.

L'Assemblée nationale a autorisé, en fin de carrière, un cumul d'activité entre l'activité de militaire et celle d'auto-entrepreneur. Ce dispositif prévu à l'article 3 est très encadré : il est réservé aux militaires à moins de deux ans de la limite d'âge ou de durée des services, ou dans le cadre d'un congé de reconversion ; les activités doivent être agréées par le commandement militaire pour vérifier la compatibilité de celle-ci avec le bon fonctionnement des services. Ces deux dispositifs complémentaires doivent permettre à des militaires de tenter l'aventure de la création d'entreprises et leur mettre le pied à l'étrier. Ils sont conçus comme des dispositifs expérimentaux : on prévoit une vingtaine de militaires par an pour le congé pour création d'entreprise. Nous verrons à l'expérience ce que cela donne.

A l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a également adopté deux articles additionnels relatifs aux emplois réservés de la fonction publique ouverts aux invalides de guerre et militaires blessés en opération, aux veuves et orphelins, aux enfants de harkis, ainsi qu'aux militaires en activité ou libérés depuis moins de trois ans.

L'accès devient possible à tous les corps ou cadres d'emplois des catégories B et C des trois fonctions publiques. L'aptitude est fondée sur la reconnaissance et la valorisation des acquis de l'expérience professionnelle et sur des entretiens de sélection. L'article 4 permet aux candidats d'effectuer leur année de stage dans leur emploi réservé en conservant la rémunération qu'ils auraient perçue s'ils étaient restés en position d'activité au sein des armées - au lieu de se trouver en détachement et perdre en rémunération.

L'article 5 autorise la prorogation des contrats des candidats aux emplois réservés aux seules fins de suivre le stage ou la scolarité préalable à la titularisation dans le corps d'accueil. Le dispositif des emplois réservés est accessible, à partir de 4 ans d'ancienneté, aux volontaires sous contrat de cinq ans non renouvelable. L'Assemblée nationale a adopté un article 6 nouveau touchant les modalités de fixation de la liste des établissements concernés par le mode d'accès supplémentaire aux emplois réservés. Le Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ouvre l'attribution des emplois réservés non pourvus à des fonctionnaires et ouvriers de l'État appartenant à des établissements restructurés. L'article 6, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, prévoit que la liste des établissements restructurés sera fixée non plus par décret, mais par arrêté du ministre compétent, procédure plus souple.

Voilà vraiment un texte qui fixe les grands principes...

L'Assemblée nationale a enfin adopté à l'initiative du Gouvernement deux articles additionnels, 7 et 8. La loi du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique autorise le ministère de la défense à mettre des agents à la disposition d'un organisme titulaire d'un marché d'externalisation - il s'agit surtout d'activités de soutien. Ces dispositions valent quels que soient le statut, la catégorie, le corps d'appartenance, militaires de carrière, servant en vertu d'un contrat, officiers, sous-officiers, militaires du rang. Les emplois visés sont pour l'essentiel administratifs ou techniques, dans la restauration ou la maintenance informatique.

En 2009, deux situations ont été oubliées. Celle, rare, des établissements publics qui dépendent du ministère de la défense : ainsi l'école Polytechnique souhaite externaliser sa restauration et pourrait mettre à la disposition du prestataire ses agents contractuels, prolongeant ainsi leurs contrats. Celle, aussi, des partenariats comportant des sous-traitants. Une interprétation littérale de la loi de 2009 interdit la mise à disposition d'un sous-traitant dans le cadre d'un marché de partenariat comportant un titulaire et des sous-traitants - le projet Balard par exemple, qui comporte des lots de restauration. Ces deux derniers articles constituent une réponse très concrète aux besoins du ministère de la défense.

Comme vous le constatez, ce projet de loi comporte des dispositions très techniques et de portée limitée. Certaines, je pense à la prise en compte des congés maladie dans la durée maximale du congé de reconversion, s'éloignent beaucoup de l'esprit et de la lettre de l'article 34 de la Constitution. La loi fixe les principes fondamentaux, or ici il s'agit de modalités pratiques ! C'est l'illustration de l'inflation législative : toujours plus de lois, votées lors de sessions toujours plus longues, conformément au goût très français pour la norme et les statuts ; nous avons sinon une passion pour la réglementation, en tout cas un appétit certain pour la loi.

Montesquieu disait que les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires. Ce projet n'est pas inutile. Ses dispositions telles qu'adoptées par l'Assemblée nationale répondent chacune très concrètement à des besoins des armées. Et si des dispositions figurent dans une loi, il faut bien une autre loi pour les modifier.

Nous avons expertisé les mesures et procédé à plusieurs auditions : l'actuelle rédaction semble bien atteindre les objectifs fixés. Il n'y a donc pas lieu de vous proposer des amendements. Cela serait certes la vocation du rapporteur ; mais il se refuse à contribuer à l'inflation législative par des amendements superflus !

Je vous propose donc d'adopter ce texte sans modification.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Ce n'est pas un grief à votre égard mais je trouve particulièrement regrettable que ce texte vienne en séance publique le 22 décembre - pourquoi pas le 24 à minuit ?

Le texte est très technique. Il est lié à la formidable déflation des emplois dans les armées françaises et si nous pouvons être d'accord avec son contenu, sa pertinence sera-t-elle durable ? L'aboutissement de la RGPP conduira à des modifications dans des délais plus brefs que nous ne l'imaginons... Le texte semble nous convenir mais il n'aborde pas la vraie question, celle des moyens. Je reconnais que ce n'est pas son objet. Mais un ministre va défendre ces mesures, qui ne pourra les mettre en oeuvre ! Il faut concilier la réalité de la configuration de l'armée, son renouvellement, la reconversion des partants, de plus en plus nombreux. Mais si nous n'avons pas les moyens de cette reconversion, c'est tout l'édifice qui s'effondre. Je lance donc un appel vibrant au rapporteur, au président de notre commission et à la majorité sénatoriale : serons-nous le moment venu capables de délibérer sur la mise en oeuvre de la politique, c'est-à-dire les moyens ?

Debut de section - PermalienPhoto de André Dulait

Depuis 2005, on est passé de 28 000 départs à 34.000 aujourd'hui, officiers, sous-officiers, hommes de troupe : l'inflation, effectivement, est notable. Lors du projet de loi de finances, nous avions souligné l'insuffisance des crédits du titre II ; après un « resoclage » de 113 millions d'euros, le déficit actuel est de 200 millions d'euros. L'impasse budgétaire est là et je conclus mon rapport sur une interrogation relative à l'évolution financière.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Pourquoi s'affronter politiquement, stérilement, sur un tel sujet ? Voyons plutôt comment interpeller le Gouvernement de façon constructive sur les suites à donner à ce projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

La question sera posée.

L'ensemble du projet de loi est adopté sans modification.