Intervention de André Dulait

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 7 décembre 2010 : 1ère réunion
Lutte contre la piraterie — Examen du rapport et du texte de la commission en deuxième lecture

Photo de André DulaitAndré Dulait, rapporteur :

En règle générale, soit les personnes ont été appréhendées en flagrant délit, soit la présomption de piraterie s'appuie sur des éléments matériels peu contestables comme la puissance des moteurs, l'importance des réserves de carburant, la présence d'armes et d'outillage d'abordage ; il y a peu de risque de se tromper...

En mars dernier, notre commission avait adopté 20 amendements et apporté des modifications substantielles au texte présenté par le Gouvernement. Ainsi, en nous inspirant des mesures prévues en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants et l'immigration illégale, nous avons autorisé les commandants des navires ou les officiers de la marine nationale, en cas d'extrême urgence, à saisir les documents ou objets liés à des actes de piraterie sans autorisation du procureur de la République. Sur proposition de notre collègue Trillard, la commission a également introduit la possibilité de procéder à la destruction des embarcations ayant été utilisées par les pirates.

En revanche, notre commission a rejeté l'idée de retenir une compétence universelle des juridictions françaises pour juger des actes de piraterie, au regard notamment des précédents belge et espagnol et afin de privilégier un traitement judiciaire régional.

Elle a aussi écarté la proposition de subordonner la remise des suspects à un autre Etat à des garanties en matière de procès équitable et de non application de la peine capitale, en estimant que l'inscription de ces garanties n'était pas utile, dès lors qu'elles figuraient déjà dans les accords conclus entre l'Union européenne et les pays concernés.

Notre commission a estimé que le régime proposé pour la rétention des suspects à bord des navires était de nature à concilier les fortes contraintes opérationnelles de l'action en mer et le nécessaire respect des libertés individuelles, ainsi que de nature à répondre aux griefs de la Cour européenne des droits de l'homme. Nous avons toutefois précisé les conditions dans lesquelles le procureur de la République doit être informé des mesures de restriction ou de privation de liberté, pour garantir une application uniforme de ce régime, quelles que soient la nature de l'opération et l'autorité dont elle relève.

Afin de prendre en compte les situations où ces personnes seraient transférées par la voie aérienne plutôt que par la voie maritime, la commission a jugé utile de prévoir que ce régime pourra s'appliquer à bord d'un aéronef. Notre commission a aussi estimé indispensable de préciser que, dès leur arrivée sur le sol français, les personnes faisant l'objet de mesures de coercition seront mises à la disposition de l'autorité judiciaire.

En revanche, nous n'avons pas repris la proposition de prévoir une durée maximale de trente deux jours pour la rétention à bord, en estimant que l'inscription d'un tel délai pourrait soulever des difficultés pratiques et que l'autorisation du juge des libertés et de la détention pour prolonger cette mesure était de nature à offrir toutes les garanties nécessaires concernant la durée de la mesure.

Enfin, lors de l'examen en séance publique du projet de loi, le Gouvernement a présenté un amendement visant à reconnaître la qualité de pupille de la Nation aux enfants de victimes d'actes de piraterie maritime. Comme vous savez, un de nos compatriotes a été tué lors de l'assaut donné par les commandos de marine pour libérer les otages français du « Tanit ». L'amendement, qui a été adopté par le Sénat, permettra de reconnaître la qualité de pupille de la Nation à ses enfants, qui ne peuvent pas être tenus pour responsables des éventuelles imprudences commises par leurs parents.

L'Assemblée nationale a adopté quatre amendements.

Le premier amendement, à l'article 2, substitue aux mots « deux navires ou un navire et un aéronef », les mots « un navire ou un aéronef dirigé contre un navire ou un aéronef ». Cet amendement, adopté sur proposition du rapporteur et avec l'avis favorable du Gouvernement, peut paraître surprenant dans la mesure où il pourrait conduire à qualifier d'acte de piraterie maritime l'attaque d'un aéronef par un autre aéronef. Les services du ministère de la défense ont toutefois fait valoir qu'il permettra de prendre en compte le cas - très improbable - d'une attaque d'un hydravion par un autre hydravion.

Plutôt que de reprendre l'expression « sérieuses raisons » utilisée dans la convention de Montego Bay, qui paraît plus restrictive, et qui semble provenir d'une mauvaise traduction de l'anglais, nos collègues députés ont, à l'initiative du rapporteur, préféré reprendre l'expression de « motifs raisonnables » déjà utilisée dans le cas de la lutte contre le trafic de stupéfiants : c'est l'objet du deuxième amendement.

Le troisième amendement, qui vient du groupe socialiste et qui a été sous-amendé par le Gouvernement, subordonne la destruction des embarcations de pirates à l'autorisation du Procureur de la République : cela permettra de sécuriser la procédure.

Enfin le quatrième amendement, à l'article 6, est purement rédactionnel.

En définitive, je me félicite que l'ensemble des modifications apportées par le Sénat aient été confirmées par l'Assemblée nationale et des améliorations apportées par nos collègues députés. Je vous proposerai donc d'adopter le projet de loi sans modification.

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