A l'aide d'un diaporama, M. Jean-Michel Severino, directeur général de l'Agence française de développement (AFD), a tout d'abord rappelé que l'Agence s'était vu assigner trois objectifs principaux : le soutien à la croissance, la lutte contre la pauvreté et les inégalités économiques et sociales, enfin la protection des biens publics mondiaux. L'examen de la répartition des engagements entre ces trois objectifs, respectivement de 40, 63 et 30 %, donc supérieure à 100 %, témoigne de leur étroite imbrication.
L'AFD est un établissement public, mais aussi une banque. Son cadre de gouvernance est clair ; il s'inscrit dans la stratégie de l'Etat au travers du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) et de son co-secrétariat et de la conférence d'orientation stratégique et de programmation. Les différents ministères de tutelle ainsi que le Parlement sont représentés au sein du conseil d'administration qui valide les plans d'orientation stratégique quinquennaux, ainsi que les plans d'affaires triennaux. Localement, les directeurs d'Agence sont nommés après avis de l'ambassadeur à qui sont soumis les cadres d'interventions par pays ainsi que les projets, à toutes les étapes de leur déroulement.
Le dispositif de coopération est modifié par la révision générale des politiques publiques. L'intégration du ministère de la coopération au ministère des affaires étrangères est parachevée par la disparition de la direction générale de la coopération internationale et du développement au profit d'une direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats, nouvel organe de tutelle qui a délégué l'essentiel de ses activités opérationnelles à l'AFD dans les domaines du développement économique et social.
Le ministère des affaires étrangères conserve la mise en oeuvre des politiques de gouvernance (sécurité, Etat de droit) ainsi que l'enseignement supérieur et la recherche. L'AFD s'est vu transférer une partie des assistants techniques qui relevaient auparavant du ministère des affaires étrangères.
Evoquant ensuite la répartition géographique et sectorielle des engagements de l'AFD, M. Jean-Michel Severino a indiqué que la solidarité nationale s'exerçait dans les départements et territoires d'outre-mer, la solidarité internationale dans les pays en développement et la régulation globale dans les pays émergents. Dans ces derniers pays, l'Agence a un mandat exclusivement environnemental de promotion de la biodiversité et de lutte contre le réchauffement climatique et contre les grandes endémies ; elle ne traite pas de la réduction des inégalités.
L'examen de la répartition géographique des engagements fait apparaître que l'Afrique sub-saharienne représente 54 % des coûts budgétaires, 41 % des engagements et 43 % des décaissements. Pour l'Amérique latine et les Caraïbes, cette répartition est de 7 %, 8 % et 1 % ; pour la Méditerranée, elle est de 21 %, 27 % et 31 % ; elle est de 16 %, 24 % et 22 % pour les pays de l'Asie et du Pacifique, ce qui atteste de la jeunesse de ce portefeuille d'engagements.
Le mode de fonctionnement financier de l'Agence repose sur trois types de ressources :
- les fonds propres sont le produit de l'accumulation des résultats. Le résultat annuel alimente les subventions, ainsi que le capital de l'institution financière de développement « Promotion et Participation pour la Coopération économique » (PROPARCO) ;
- l'Etat alloue des subventions reversées sous forme de dons, finance des bonifications d'intérêt directement ou via des comptes spéciaux du Trésor et les marchés obligataires permettent de lever de l'argent pour assurer la liquidité des activités de prêts ;
- des actionnaires alimentent les fonds propres de Proparco et des fonds d'investissement de l'Agence.
a observé que le développement des activités de l'Agence s'était accompagné d'une stabilisation, et même d'une diminution du coût pour l'Etat.
Evoquant le mode opératoire de l'Agence, M. Jean-Michel Severino a noté que la plupart des institutions de développement « recherchaient » des problèmes adaptés aux types de solutions qu'elles proposaient. A l'inverse, la diversité des instruments dont dispose l'Agence lui permet de travailler avec les autorités locales à l'élaboration de solutions adaptées aux problèmes, qui combinent différents instruments. Cette diversité est, en outre, un atout dans un contexte où les instruments et les contraintes internationales sont de plus en plus prégnants comme l'illustrent les discussions en cours sur le climat.
L'Agence développe son activité auprès des acteurs publics émergents que sont les collectivités locales. Les pays en développement sont marqués par la croissance démographique, l'urbanisation et la décentralisation. De ce fait, certaines institutions de développement qui collaboraient auparavant avec les Etats traitent désormais avec les collectivités locales, que ce soit au nord où elles s'impliquent de façon croissante, comme au sud.
La mobilisation du secteur privé résulte à la fois d'un choix et d'une contrainte. Il faut souligner que le monde en développement est un monde en croissance. Proparco réalise ainsi 50 % de ses activités au sud du Sahara. L'Agence a développé de nouveaux instruments à destination des PME.
Les fondations et les organisations non gouvernementales sont les acteurs montants du développement, avec qui l'Agence développe des partenariats.
Evoquant ensuite les perspectives pour la période 2009-2011, M. Jean-Michel Severino a tout d'abord rappelé la forte croissance des activités de l'Agence, dont le volume d'affaires est passé de 1,5 à 4,5 milliards d'euros entre 2001 et 2008. Pour l'Afrique sub-saharienne, les volumes sont passés de 350 millions d'euros à un milliard d'euros en 2008. Sur la même période, le volume des activités a décru en outre-mer et augmenté dans les Etats émergents.
Il a ensuite évoqué l'impact des engagements de l'Agence en 2008, qui ont notamment permis l'amélioration de l'accès à l'eau de 4,4 millions de personnes et la scolarisation dans l'enseignement primaire de 7 millions d'enfants.
En matière environnementale, les engagements de l'Agence ont permis d'économiser 3,3 millions de tonnes de CO2 par an, soit l'équivalent du retrait de la circulation de 1,2 million de voitures en France.
a souligné que, si cet effort n'était pas suffisant pour sauver la planète, il avait néanmoins des conséquences significatives dans certains domaines et certaines zones géographiques comme l'eau et la scolarisation en Afrique et les émissions de CO2 dans les pays émergents.
Il a indiqué que l'augmentation du volume des activités de l'Agence s'était accompagnée d'une hausse de la productivité de ses agents, avec une limitation des charges pour l'Etat, le compte d'exploitation de l'Agence dont le premier poste est la masse salariale ayant crû de façon très modique. Le dividende versé à l'Etat par l'Agence alimente l'aide publique au développement (APD).
Il a précisé que le coût de l'AFD en 2008 représente 11 % du coût total de l'APD alors qu'elle génère 24 % de l'APD brute totale de la France ;
Evoquant les transferts de compétence du ministère des affaires étrangères vers l'AFD, il a indiqué que l'effort consenti par l'Agence pour intégrer ces nouvelles missions avait été modeste, d'une part, parce que celle-ci exerçait déjà certaines missions au nom de l'Etat et, d'autre part, parce que la stagnation des crédits alloués aux dons et subventions avait conduit à réduire le volet d'activité lié à la gestion des projets ainsi financés.
S'agissant du bilan de son action à la tête de l'agence depuis près de neuf ans, M. Jean-Michel Severino a exprimé le regret de ne pas avoir su créer des instruments adaptés pour accompagner des projets de faible dimension. Il a dit que l'Agence avait su développer de nombreux outils financiers qui, pour l'essentiel, étaient destinés à des projets d'envergure, mais que, à l'avenir, il faudrait pouvoir aider des projets plus modestes dont la portée pratique et politique peut être importante.
En conclusion, il a souligné que si l'aide au développement avait, de manière constante, fait partie du paysage de l'action extérieure de la France depuis les indépendances des colonies, ses fondements avaient profondément évolué. Cela n'a toutefois pas été toujours perçu, et les conséquences n'en ont pas été tirées sur le plan de la stratégie comme des orientations opérationnelles.
Il a estimé que la chute du mur de Berlin, l'extension du marché à l'échelle planétaire, la croissance démographique des pays en développement, comme leur croissance économique disparate, faisaient à nouveau de la relation Nord-Sud une catégorie en soi des relations internationales, bien plus diverse et complexe cependant que la vision qui en prévalait dans les années 1960. Il a indiqué que quatre séries d'enjeux pour la politique étrangère de la France y sont désormais liées :
- les enjeux de la paix et de la stabilité internationale : ils passent par la réduction des zones de conflit à basse intensité, comme les zones grises, qui représentent à la fois des coûts substantiels de gestion militaire et des dangers relatifs à la prolifération de grands trafics ;
- ceux de la lutte contre la pauvreté et de la légitimité de la globalisation elle-même, qui ne saurait réussir sans inclure la majeure partie de la population de la planète, cette dernière pouvant être amenée à contester le modèle dominant si elle n'y trouve pas avantage, ou à le contourner par l'expulsion migratoire vers les zones plus prospères de l'OCDE : c'est également l'enjeu de la politique dite de voisinage menée par la communauté européenne ;
- ceux des causes communes de l'humanité, elles-mêmes essentiellement liées à la densification démographique, et qui supposent aussi de pouvoir traiter sur le plan structurel des sujets aussi difficiles que les changements climatiques, la perte de biodiversité ou encore les grandes endémies ;
- ceux de notre influence culturelle et politique, comme ceux de nos intérêts commerciaux, ou de stratégie économique, fortement mis en cause par la multiplication des acteurs présents sur ce terrain, et l'importance croissante qu'ils accordent aux pays en développement, y compris les plus pauvres.
Soulignant que l'aide au développement poursuivait ainsi des objectifs plus larges et plus complexes que la réduction des inégalités, il a estimé que l'AFD était devenue pour l'Etat le bon opérateur pour poursuivre tous ces objectifs, qui appellent à chaque fois des réponses adaptées, avec des modalités d'intervention variables selon les secteurs et selon les pays.