En réponse à ces questions, M. Jean-Michel Severino a apporté les précisions suivantes :
- l'Agence a disposé de deux atouts dans sa transformation : le montant de ses fonds propres et la qualité de son personnel. C'est grâce à sa connaissance du terrain et au professionnalisme de ses équipes que l'AFD a pu accroître ses missions et ses performances. L'attachement du personnel à l'Agence et à sa mission d'aide au développement pourrait avoir comme contrepartie sa difficulté à intégrer l'idée que l'Agence est devenue un opérateur de l'Etat au service d'une politique publique. Aussi l'Agence, en collaboration avec sa tutelle, a-t-elle mis en place de nombreux outils pour intégrer ses agences sur le terrain dans le dispositif diplomatique français à l'étranger. A titre d'exemple, les directeurs d'agence sont désormais nommés après avis de l'ambassadeur territorialement compétent et évalués par ce dernier ;
- l'évolution de la politique de développement de l'Union européenne et son articulation avec les politiques nationales sont, sans doute, les enjeux majeurs des prochaines années. Depuis trente ans, les politiques en faveur du développement, au niveau européen et national, se sont construites en rivalité. Il est vraisemblable que ces deux niveaux devront encore coexister longtemps. Aussi, un des enjeux pour l'avenir est-il d'inventer des mécanismes de mise en cohérence des actions menées par la Commission et par les Etats membres. Dans le domaine du financement du secteur privé ou dans celui des facilités de voisinage, des instruments de mise en cohérence ont déjà été créés. Il s'agit de fonds, abondés à la fois par la Commission et par les Etats, qui permettent de financer des opérateurs européens et nationaux et assurent ainsi un alignement stratégique et une convergence opérationnelle, chacun s'accordant sur les objectifs à poursuivre et les méthodes à utiliser. Il serait souhaitable que ce type d'articulation s'étende à de nouveaux secteurs, et en particulier aux domaines sociaux. Le prix à payer pour la coexistence des niveaux communautaires et nationaux est sans doute la complexité croissante des politiques et des instruments mis en place. Les dispositifs qui seront institués dans le cadre de la lutte contre les changements climatiques devraient encore accroître cette complexité ;
- compte tenu des montants modestes en jeu et du contexte d'insécurité, les projets de développement menés en Afghanistan et au Pakistan ne peuvent avoir que des ambitions limitées ;
- l'indicateur de l'aide au développement utilisé par l'OCDE présente des défauts importants : un certain nombre de dépenses qui concourent de façon importante à l'aide au développement n'y sont pas comptabilisées alors que d'autres dépenses dont l'objet est assez éloigné des politiques de coopération y figurent. S'il existe techniquement des possibilités d'améliorer cet indicateur, sa modification est politiquement délicate dans la mesure où des engagements forts ont été pris par la communauté internationale sur sa base ;
- les documents cadres de partenariat entre la France et les pays récipiendaires de l'aide au développement sont des documents stratégiques qui permettent d'orienter l'action des agences sur le terrain dans le cadre de la politique de coopération et du développement définie par le Gouvernement ;
- les crédits alloués aux actions menées par les ONG sont en augmentation. L'Etat a intérêt à favoriser le développement d'un tissu associatif structuré disposant de capacités opérationnelles renforcées ;
- il existe dans l'Afrique sub-saharienne de nombreux interlocuteurs (entreprises privées, collectivités territoriales, sociétés nationales et certains Etats) qui peuvent bénéficier des prêts bonifiés de l'agence. Mais il est vrai que l'Agence est moins armée pour soutenir des projets dans les pays les plus vulnérables de l'Afrique sub-saharienne. C'est pourquoi les subventions et dons ont été concentrés sur ces pays, et en particulier sur les pays francophones de cette zone ;
- on peut se demander si la France ne risque pas, en l'absence d'une politique forte, de devenir un acteur marginal de l'éducation dans le monde francophone.