Intervention de amiral Pierre-François Forissier

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 21 octobre 2009 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2010 -Audition de l'amiral pierre-françois forissier chef d'état-major de la marine

amiral Pierre-François Forissier, chef d'état-major de la marine :

Puis la commission a procédé à l'audition de l'amiral Pierre-François Forissier, chef d'état-major de la marine, sur le projet de loi de finances pour 2010 (mission Défense).

L'amiral Pierre-François Forissier, chef d'état-major de la marine, a indiqué en préambule qu'il n'avait pas de responsabilité budgétaire envers la marine nationale, à l'exception d'un modeste budget opérationnel de programme du programme 178, mais que néanmoins il était responsable de la cohérence d'ensemble des ressources budgétaires allouées à la marine nationale.

Il a tout d'abord indiqué que l'actualité correspondait à une période charnière marquée pour les armées, et pour la marine nationale en particulier, par la mise en oeuvre de la nouvelle stratégie de sécurité nationale définie par le Livre blanc et par l'adoption de la loi de programmation militaire. Il s'agit d'une transformation majeure de l'outil de défense, conduite à un moment où les engagements opérationnels se multiplient, et à laquelle la marine prend toute sa part.

Il a rappelé, avant de commenter les perspectives qu'offre le projet de loi de finances pour 2010, la finalité de la marine au travers des activités opérationnelles de l'année 2009. En moyenne, chaque jour, trente bâtiments et huit aéronefs de la marine participent, en mer ou au-dessus de la mer, à des missions opérationnelles. Sur le plan des opérations militaires, la force océanique stratégique a continué d'assurer la permanence de la mission de dissuasion qui reste la priorité essentielle. Il a souligné le fait que la tenue de la posture de dissuasion était un des paramètres essentiels de l'organisation de la marine nationale.

Dans le nord de l'Océan indien, la marine poursuit son engagement dans la lutte contre le terrorisme en participant à l'opération Héraclès, qui constitue le volet maritime de l'opération interalliée Enduring Freedom. Dans ce cadre, le contrat opérationnel d'un bâtiment au sein de la force maritime internationale intitulée Task Force 150 a été maintenu et a contribué à la stabilisation préventive de la zone. Un amiral français a d'ailleurs assuré le commandement de cette force depuis le BCR Marne, du 9 avril au 20 juillet dernier.

Dans la zone sensible de la corne de l'Afrique soumise à de nombreux trafics, et même au large des Seychelles, la marine nationale a poursuivi son engagement au sein de l'opération EU NAVFOR Atalanta. L'amiral Pierre-François Forissier a fait remarquer que la marine a contribué avec efficacité aux opérations de lutte contre les actes de piraterie dans le Golfe d'Aden et au large de la Somalie, tout en assurant l'accompagnement des navires affrétés par le programme alimentaire mondial et l'AMISOM. Actuellement, deux frégates et un avion de patrouille maritime sont déployés en permanence dans cette zone et le resteront aussi longtemps que nécessaire. Cette opération, à laquelle la France prend une part active, constitue la première opération maritime de l'Union européenne. Il s'agit d'une réponse significative qui témoigne de la volonté des Etats membres, et de la France en particulier, d'apporter une solution durable aux causes profondes de la piraterie dans cette région.

Les unités françaises présentes dans cette zone restent sous le contrôle opérationnel et l'assistance logistique de l'amiral commandant la zone maritime de l'Océan indien. Toutefois, et selon le besoin opérationnel, ces unités peuvent être amenées à conduire des actions spécifiques. Ce fut notamment le cas avec l'opération de vive force menée pour la libération des otages du voilier Tanit en avril dernier, ainsi que pour rechercher les boîtes noires à la suite de l'écrasement de l'A310 de la compagnie Yemenia en juin. C'est aussi le cas pour la protection de la flotte de pêche au thon française qui est assurée dans le bassin somalien depuis le mois de juillet 2009 par des unités de la marine.

Sur la façade ouest du théâtre africain, la marine participe à l'opération Corymbe, destinée à prévenir les crises dans le golfe de Guinée et à participer à leur règlement. La présence française est assurée par un transport de chalands de débarquement (TCD) ou un aviso, parés à l'évacuation éventuelle de ressortissants.

L'amiral Pierre-François Forissier a rappelé que, cette année encore, la marine avait assuré une présence importante en Méditerranée dans le cadre de missions nationales, mais également au travers d'engagements communs liés aux besoins de sécurité et de sûreté maritimes, en coopération avec les marines riveraines. Dans le cadre de l'opération Impartial Behaviour de soutien de la force des Nations unies déployée au large du Liban (FINUL), un bâtiment a maintenu une présence dans la zone jusqu'en mars 2009 afin de surveiller les approches maritimes libanaises, tout en participant à une mission de surveillance nationale (opération Baliste).

Par ailleurs, de très importants moyens ont été mis en oeuvre pour rechercher les corps, les débris et les enregistreurs du vol AF 447 Rio-Paris. Du 1er juin au 16 juillet, le bâtiment de projection et de commandement (BPC) Mistral, la frégate Ventôse, le sous-marin nucléaire d'attaque (SNA) Emeraude ainsi qu'un avion de surveillance Falcon 50 et un Bréguet-Atlantique ATL2 ont été mobilisés pour cette opération. Enfin, en juillet dernier, le premier sous-marin malaisien Tunkul Abdul Rahman a été escorté jusqu'à Djibouti et a été remis solennellement à la Malaisie au début du mois de septembre.

La sauvegarde maritime constitue par ailleurs un volet important de la contribution de la marine à la sécurité des Français et occupe une part non négligeable de son activité opérationnelle. Depuis le 1er janvier 2009, 582 vies ont été sauvées grâce à l'intervention de moyens mis en oeuvre par la marine.

L'amiral Pierre-François Forissier a indiqué que, dans le domaine de la lutte contre le narcotrafic, la marine a participé à trois opérations aux Antilles et à deux opérations en Méditerranée occidentale qui ont permis de dérouter quatre navires et de saisir près de quatre tonnes de stupéfiants.

Concernant l'immigration clandestine, la marine a intercepté trente navires transportant des passagers clandestins au cours des patrouilles auxquelles elle a participé en mer Egée et en mer d'Alboran, à l'ouest de la Méditerranée. Depuis le 1er janvier 2009, 709 immigrants ont également pu être remis à la police aux frontières grecque.

Il a précisé que la marine luttait également contre la pêche illicite. Outre les surveillances de routine, la marine a contrôlé 867 navires et en a dérouté quatorze. Enfin, en termes de prévention des pollutions maritimes, les bâtiments de la marine ont détecté depuis le début de l'année quatorze pollutions accidentelles, une volontaire, et ont procédé au déroutement d'un navire.

L'amiral Pierre-François Forissier a fait remarquer que le renforcement de l'action de l'Etat en mer, souhaité par le Président de la République, et la création d'une nouvelle fonction « garde-côtes » représentent des avancées tout à fait significatives pour la marine. Malgré ce bilan relativement positif, la disponibilité fluctuante des moyens aéromaritimes affecte souvent l'efficacité de ces opérations et le respect du contrat opérationnel de la marine. Ainsi, le vieillissement des parcs d'hélicoptères obère l'aptitude de la marine à projeter ses frégates avec des aéronefs fiables et à tenir ses alertes pour le service public.

L'amiral Pierre-François Forissier a tenu à faire part à la commission de sa très grande inquiétude concernant les hélicoptères lourds en Bretagne demandés depuis cinq ans, mais qui n'arrivent pas. Il a néanmoins rendu hommage au travail remarquable de la direction générale de l'armement (DGA) pour trouver des solutions intérimaires. D'une façon plus générale, il a déclaré que la bataille de la disponibilité des moyens se poursuit. Le taux moyen de disponibilité technique des bâtiments se maintient au dessus de 70 % depuis plus de trois ans. Ce résultat est la conséquence de la réorganisation du maintien en condition opérationnelle (MCO) de ces dernières années qui a permis de progresser dans la mise en oeuvre d'une politique de contractualisation associant pluri-annualité, mise en concurrence et responsabilisation des titulaires quant aux résultats.

Alors que la première IPER (Indisponibilité périodique pour entretien et réparation) du porte-avions Charles-de-Gaulle s'était remarquablement déroulée, malgré la difficulté de l'opération et grâce à la mobilisation de l'ensemble des acteurs (équipage, services de soutien de la marine et industriels maîtres d'oeuvre), l'amiral Pierre-François Forissier a souligné que le porte-avions avait subi une avarie sur un accouplement entre les turbines et le réducteur qui avait provoqué l'interruption de son activité entre mars et septembre 2009. Après enquête, il s'est avéré que cette avarie résultait d'un sous-dimensionnement de ces pièces au moment de leur conception et d'une erreur de fabrication d'un rechange, il y a une dizaine d'années. C'est ce rechange, mis en place durant l'IPER, qui s'est détérioré au cours des essais du porte-avions. La détection rapide du début de la dégradation de l'accouplement a permis un arrêt à temps du bâtiment et, ainsi, la préservation de l'ensemble propulsif. Il n'en demeure pas moins que le porte-avions a été indisponible et que la requalification des pilotes a été interrompue.

D'un point de vue budgétaire, le plan de relance a apporté une bouffée d'oxygène appréciable en permettant à la marine de financer un troisième bâtiment de projection et de commandement, ainsi qu'un certain nombre d'actions peu visibles, mais d'un grand intérêt pour restaurer la disponibilité des équipements. La marine s'est vu allouer près de 48 millions d'euros en autorisations d'engagement et 24 millions d'euros en crédits de paiement pour la passation de commandes de rechanges supplémentaires, tant pour du matériel naval qu'aéronautique.

La préoccupation relative au taux de disponibilité des matériels de l'aéronautique navale reste forte, compte tenu de facteurs conjugués d'insuffisance de rechanges, de l'âge moyen du parc et d'une perte de compétences techniques. Pour autant, de nombreux chantiers pour remédier à cette situation sont ouverts. La mise en place d'un hélicoptère Caracal EC 725 de l'armée de l'air sur la base aéronavale de Lanvéoc est effective depuis février 2009. De plus, anticipant le retrait de service des hélicoptères Super-Frelon, la marine recherche, de manière provisoire, deux hélicoptères lourds supplémentaires pour assurer les missions de sauvetage dans les deux ans à venir. Quelle que soit l'option retenue, achat ou location, la marine ne conservera pas ces hélicoptères une fois que les NH 90 auront repris la mission SECMAR, dont l'échéance est prévue en novembre 2011.

Pour répondre à l'impératif de maintien des compétences techniques, la marine cherche à transformer les conditions d'exécution des opérations de maintenance qui se déroulent sur ses bases aéronavales, en transférant en 2011 les ateliers et une partie du personnel technique au service industriel de la maintenance aéronautique. La compétence des techniciens sera ainsi renforcée.

Alors que la marine était très préoccupée l'an dernier par l'augmentation des prix du pétrole, elle a profité de l'évolution favorable des prix constatée en début d'année 2009 pour procéder à des recomplètements importants des stocks de combustibles de navigation au cours du premier semestre 2009. De ce point de vue, l'activité des forces est ainsi assurée pour l'ensemble de l'année.

Pour les opérations d'infrastructure, le début de la gestion 2009 a été perturbé par les conditions de construction du budget 2009, qui faisaient largement appel à des ressources extrabudgétaires finalement absentes. L'amiral Pierre-François Forissier a reconnu que la marine avait été confrontée à des situations tendues affectant les installations techniques au début de l'été. Des dotations supplémentaires ont permis d'améliorer la situation. Néanmoins, la contractualisation d'un certain nombre d'opérations a pris du retard.

En 2009, le renouvellement de la flotte se poursuit. Ont ainsi été commandés un deuxième sous-marin Barracuda, les trois dernières frégates FREMM, dont deux de défense aérienne, neuf avions RAFALE, destinés à la marine, et cent cinquante missiles de croisière navale, dont cinquante destinés aux sous-marins. Compte tenu de la mise en place du plan de relance, la marine bénéficie des effets du soutien apporté aux chantiers de construction navale. La commande anticipée, en avril 2009, d'un troisième BPC, a été passée dans ces conditions, ainsi que celle de quatre engins de débarquement.

Les livraisons de deux avions Rafale et de cinquante nouvelles torpilles MU 90 sont en cours. Une difficulté est rencontrée sur la mise au point technique du système de combat des frégates Horizon, ce qui a amené l'amiral Pierre-François Forissier à retarder l'acceptation de la première frégate, le Forbin, puis de la deuxième, le Chevalier Paul. Cela n'est pas choquant compte tenu des percées technologiques spectaculaires que représentent ces navires et leurs systèmes d'armes. Ils seront admis au service à la mer et il est d'ores et déjà certain qu'ils répondent aux espoirs qui étaient placés en eux.

Les essais à la mer du quatrième sous-marin nucléaire lanceur d'engins (SNLE) « Le Terrible » se déroulent selon le calendrier prévu et le dernier tir de maquette du missile, début octobre, s'est bien déroulé. Les programmes concernant la dissuasion océanique sont donc conformes aux prévisions.

L'année 2009 est remarquable sur le plan de l'organisation générale. L'amiral Pierre-François Forissier a déclaré que la marine avait changé d'ère. L'heure des réflexions est achevée. La réorganisation du ministère est engagée. La marine y prend tout sa part. L'expérimentation de la base de défense de Brest se déroule bien. Même si l'organisation très ramassée et mutualisée a facilité le démarrage de ce nouveau mode de soutien, le fonctionnement d'une telle base, avec des éléments de l'armée de l'air (radar de Loperhet) et la constitution d'antennes fort éloignées de Brest à Lanvéoc et à Landivisiau, a entraîné des réorganisations profondes des méthodes de soutien et des habitudes de travail des personnels de la marine. Ce concept constitue une révolution aussi bien pour la marine que pour les autres armées.

L'amiral Pierre-François Forissier a ensuite abordé le budget pour 2010. Les dotations budgétaires supportant l'activité de la marine et le renouvellement de ses moyens sont réparties sur plusieurs programmes face auxquels il a présenté ses attentes en tant que responsable de la cohérence de la marine.

Il a tout d'abord souligné que la distinction de budgets particuliers ou propres à chaque armée devient de plus en plus difficile. La nouvelle nomenclature budgétaire, associée au système comptable Chorus, et, surtout, la poursuite du rapprochement des organisations dans des structures interarmées favorisent la mise en commun des budgets orientés vers une même finalité. Ce mouvement, entamé sur les grands programmes d'armement, s'accentue avec l'élargissement du nombre de bases de défense, la montée en puissance de l'organisation interarmées du soutien et la création, au 1er janvier 2010, du service du commissariat des armées.

Le programme 178 « préparation et emploi des forces » concerne la quasi-totalité des unités en service de la marine, réunies au sein de l'action « préparation des forces navales ». Cette action rassemble 90 % du personnel de la marine, dont 15 % de civils, avec la masse salariale afférente.

Il a souligné que la marine contribuait aux efforts de réduction d'effectifs du ministère. Dans les huit prochaines années, de nouveaux modes de fonctionnement devront être trouvés, ainsi que de nouveaux processus de soutien qui permettront d'assurer l'activité des forces et le fonctionnement de la marine, tout en réduisant les effectifs de 12 %, pour atteindre en 2015, 44 000 marins (37 000 militaires et 7 000 civils). La manoeuvre à mener afin d'arriver à un rythme annuel moyen de décroissance de 850 personnes est délicate. Il est indispensable de maintenir l'équilibre de la balance « entrées-sorties » pour conserver les compétences opérationnelles dont la marine a besoin et maintenir des équipages opérationnels, donc jeunes.

Après les difficultés pour recruter en 2008, qui avaient entraîné un sous-effectif de près de 500 personnes, une campagne de recrutement a été lancée au début de l'année 2009. Il a également été décidé de rouvrir l'Ecole des mousses afin de favoriser l'insertion de jeunes qui ne sont pas à l'aise dans le système scolaire et de fidéliser dans la marine une grande partie d'entre eux. Ces efforts ont porté leurs fruits puisque le recrutement s'est redressé à partir de l'été. Parallèlement, les départs volontaires ont été moins importants que prévu, notamment dans la population des officiers, et l'année devrait se terminer en léger sureffectif. Pour autant, l'objectif demeure inchangé et l'observation de la déflation des effectifs doit se faire sur plusieurs années, pour dégager une tendance, au-delà de tout aléa conjoncturel. Il faudra, en 2010, accentuer les efforts d'incitation au départ et réguler le recrutement. Cela suppose d'augmenter les dotations pour le pécule de départ. Cet aiguillon, via la baisse des crédits du Titre 2, sera d'ailleurs incontournable. La dotation prévue pour 2010 diminue de 3,6 %. Elle s'explique en partie par la réduction d'effectifs prévue à hauteur de 822 postes au titre des mesures d'économies, et de 1 631 postes, liés à des transferts de personnel vers d'autres organismes du ministère, en particulier dans le domaine du soutien commun.

Plusieurs mesures de revalorisation salariales et catégorielles sont prévues au profit du personnel militaire et civil pour un montant de 10 millions d'euros, en particulier la poursuite de la revalorisation des parcours indiciaires du personnel militaire et la requalification de corps et ajustements salariaux pour le personnel civil. Afin d'accentuer les incitations au départ, les mesures d'accompagnement social des restructurations s'élèvent à près de dix-sept millions d'euros, dont près de neuf millions d'euros supplémentaires au titre des pécules des personnels militaires.

La part relative des dépenses liées aux produits pétroliers continue d'augmenter pour atteindre, en 2010, 28 % des crédits alloués au fonctionnement des forces. Cet effet est cependant à relativiser, car la dotation en valeur absolue a faiblement augmenté, elle est passée de 106 millions d'euros à 110 millions d'euros. Au cours actuel, la dotation permet d'assurer normalement l'activité des forces.

Outre la permanence de la contribution de la marine à la dissuasion, les grandes lignes de l'activité 2010 s'articulent autour :

- du retour dans le cycle opérationnel du porte-avions Charles-de-Gaulle, marqué principalement par deux déploiements ;

- de la poursuite de la lutte contre la piraterie au large des côtes somaliennes, notamment dans le cadre de la mission européenne Atalanta et la lutte contre le terrorisme en océan Indien (Héracles / Enduring freedom) ;

- des deux campagnes du groupe école d'application des officiers de marine, la première avec la Jeanne d'Arc, la seconde avec le Tonnerre. A cet égard, il a fait observer que cette campagne d'application interviendrait désormais non plus en quatrième année d'études, mais en troisième année, afin d'harmoniser la formation avec les autres écoles européennes, dans le cadre du programme Erasmus.

Pour ce qui concerne les crédits consacrés à la maintenance des équipements, la situation semble plus contrastée. L'enveloppe des autorisations d'engagement, à 1 632 millions d'euros, augmente de 20 %. Cette évolution permet la poursuite de la démarche de partage des risques entre l'Etat et les industriels par le biais d'engagements contractuels pour plusieurs années. C'est ainsi que la marine sera en mesure, comme le fait la DGA sur les programmes d'armement, d'obtenir des prix raisonnables et de préserver à la fois la disponibilité des forces et leur format défini dans le Livre blanc.

La dotation en crédits de paiement, qui s'élève à 1 040 millions d'euros, est, elle, beaucoup plus contrainte, malgré les efforts pour dégager des mesures d'économie qui se traduisent par la poursuite du retrait du service de petits bâtiments et la réduction d'activités adaptée à la stricte suffisance des contrats opérationnels.

Cela signifie que les marges de manoeuvre sont insuffisantes pour aller au-delà de ce que prévoient les contrats opérationnels : quand il faut aller ramasser les débris d'un avion, les activités dans d'autres domaines doivent nécessairement être réduites. Ces contraintes pèsent naturellement sur l'ensemble des moyens navals et aéronavals.

L'amiral Pierre-François Forissier a souligné que, pour l'aéronautique navale, il avait déjà présenté ses craintes face à l'envolée des prix du MCO, liée au coût d'utilisation des nouveaux aéronefs et à l'augmentation du coût des rechanges pour les aéronefs déjà en service. La situation reste critique, puisqu'il n'est déjà plus possible en 2009 de régénérer la totalité du potentiel consommé. La dotation pour 2010 ne permettra pas d'améliorer cette situation. Au contraire, elle pourrait entraîner une baisse de la disponibilité, car l'aéronavale est plus sensible que les autres armées aux aléas budgétaires, compte tenu de la taille de ses parcs d'aéronefs. Elle n'a pas de profondeur logistique. Il s'est défendu de vouloir apparaître négatif, mais a déclaré ne pouvoir travailler qu'avec les moyens qu'il a.

Enfin, il a espéré que les conditions économiques entraînent, à l'instar de l'évolution du PIB, une stabilisation sinon une baisse des prix des industriels. Il est vrai que le paysage industriel, insuffisamment mis en situation de concurrence, ne s'y prête guère. En parfaite intelligence avec les industriels et notamment DCNS, clients et fournisseurs doivent se diversifier mutuellement. Il semble important de mettre en valeur un avantage particulièrement intéressant pour les marines européennes : le fait que la marine française offre des chantiers navals à l'intérieur des enceintes protégées que constituent les bases navales, ce qui est rare. Cela constitue un avantage commercial qui a un prix. L'objectif est de faire partager les coûts fixes de notre outil industriel.

Le renouvellement des moyens de la marine se poursuit au sein du programme Equipement des forces (P-146). Il s'agit de la commande du troisième BPC, faite dans le cadre du plan de relance économique, et de l'admission au service actif du SNLE/NG « Le Terrible » avec une dotation de missiles M 51. Pour les autres programmes navals, il est prévu, après résolution des problèmes sur le système de combat, l'admission au service de la seconde frégate Horizon.

Pour ce qui concerne les programmes aéronautiques, la livraison de trois Rafale au standard F3 est prévue et la marine attend, avec une impatience non dissimulée, la livraison des quatre premiers hélicoptères NH 90.

A la différence de l'année dernière, le programme « soutien de la politique de défense » (P-212) disposera de dotations budgétaires mieux équilibrées pour soutenir les opérations d'infrastructure. Par ailleurs, les chances de réalisation des recettes extra-budgétaires apparaissent plus probables.

Il faut cependant reconnaître que les montants retenus pour des opérations intéressant la marine ne correspondent qu'à 80 % des besoins annuels moyens, soit une dotation de l'ordre de 170 millions d'euros pour un besoin de 200 millions d'euros, et cela sans prendre en compte un quelconque rattrapage du retard intervenu en 2009. Si la situation s'améliore par rapport à 2009, notamment parce que les commandes d'opérations pourront être lancées dès le début de la gestion, elle continuera à être tendue. Dans ces conditions, il paraît incontournable de réaliser les cessions immobilières prévues et d'obtenir ainsi des crédits supplémentaires.

La priorité sera donnée à la réfection des installations de l'Île Longue, les travaux devant encore s'y poursuivre à un rythme soutenu. Sont notamment prévues la poursuite de la refonte des installations électriques, dont l'achèvement est prévu en 2012, et la refonte de la station d'eau de mer de réfrigération. Les travaux dureront encore plusieurs années. Ce n'est pas parce que les travaux destinés au M51 ont été achevés qu'il faut baisser les bras.

Des travaux d'infrastructure sont également prévus dans les autres ports :

- l'accueil des sous-marins de type Barracuda va faire l'objet d'études pour l'adaptation de l'infrastructure portuaire ;

- l'adaptation de l'alimentation électrique et des postes d'amarrage sera réalisée dans les bases navales de Brest et de Toulon pour l'accueil des bâtiments futurs, dont les frégates FREMM.

En dehors des installations techniques, quelques travaux d'amélioration des conditions de vie sont également programmés dont la création d'une maison de l'enfance à Brest, qui devrait permettre aux jeunes mères de famille de concilier plus facilement leurs contraintes familiales et professionnelles.

L'amiral Pierre-François Forissier a tenu à rendre hommage à l'ensemble des personnels civils qui effectuent un travail formidable au sein de la marine, notamment pour saisir les données informatiques. Ils ont réalisé la bascule de la LOLF, ce qui dans bien des cas a multiplié par deux leur charge de travail.

Outre les aspects proprement budgétaires, cette gestion 2010 pourrait subir les aléas de nos réorganisations avec la création du service du commissariat des armées, la montée en puissance des bases de défense et, simultanément, la réorganisation des circuits de dépenses avec l'entrée en fonction du nouveau système d'information financière, Chorus. Les équipes travaillant dans ces domaines comptables ou budgétaires sont mobilisées pour la préparation des opérations de bascule financière. Mais le système Chorus va entraîner un bouleversement complet des méthodes de travail et de l'appréhension même de ces métiers. Il faudra relever ce défi, afin de limiter les à-coups dans le démarrage de la gestion et assurer, sans défection, le soutien des forces en opération.

L'amiral Pierre-François Forissier a souligné que, à l'heure où le Président de la République exprimait sa volonté de reconstruire une politique et une ambition maritimes pour la France, où la menace devenait plus diffuse, où la mondialisation ne faisait qu'accroître l'incertitude stratégique et souligner l'importance des espaces maritimes, la marine nationale continuait d'intervenir et d'assurer une présence vigilante et active sur l'ensemble des mers du globe, au plus loin, comme au plus près. Ses capacités demeuraient un formidable levier d'action et de puissance.

La rédaction du « Livre bleu » qui doit définir la nouvelle stratégie maritime française, mais aussi la réunion d'un Comité interministériel de la mer avant la fin de l'année sont autant d'opportunités à saisir, qui devraient être stratégiques pour la politique maritime de la France dans les années à venir.

Enfin, la mise en oeuvre de la nouvelle stratégie de sécurité nationale, définie par le Livre blanc, et l'adoption de la loi de programmation militaire confortent la marine dans ses missions. Il s'agit donc pour les marins de participer avec détermination à cette transformation majeure de l'outil de défense.

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