Intervention de Jean-Jacques Hyest

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 24 mai 2011 : 1ère réunion
Equilibre des finances publiques — Audition de Mm. Michel Mercier garde des sceaux ministre de la justice et des libertés et françois baroin ministre du budget des comptes publics de la fonction publique et de la réforme de l'etat

Photo de Jean-Jacques HyestJean-Jacques Hyest, président et rapporteur de la commission des lois :

Je note que les articles 2 bis et 9 bis, relatifs au contrôle du respect du monopole des lois de finances et de financement, ne figuraient pas dans le projet initial du Gouvernement. Le non-respect du monopole sera un motif d'inconstitutionnalité - la discussion à l'Assemblée nationale a beaucoup porté sur la question de la recevabilité, mais l'important est que le Conseil constitutionnel soit chargé de censurer toute disposition fiscale ou sociale non comprise dans une loi de finances ou de financement. Les règles d'irrecevabilité prévues à l'article 41 - qui concernent pour l'heure le non-respect des domaines de la loi et du règlement, et que l'on veut étendre au non-respect du domaine des lois de finances et de financement - ne trouvent que très rarement à s'appliquer, et elles sont très complexes, puisqu'en cas de désaccord entre le Gouvernement et le président de l'assemblée concernée, c'est le Conseil constitutionnel qui statue.

Il faut être attentif aux effets de la règle du monopole sur le travail parlementaire. Lors d'une réforme des retraites, du logement, de la politique environnementale, de la recherche, il ne serait plus possible d'aborder la question des moyens ; les lois de finances et de financement de la sécurité sociale comprendraient donc toute une série de dispositions complétant les réformes adoptées en cours d'année. Faut-il supposer qu'un projet de loi de finances rectificative sera déposé à chaque réforme d'envergure ?

La question est d'autant plus sensible pour le Sénat que l'article 72-2 de la Constitution dispose que tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités doit s'accompagner d'un transfert de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice ; si le projet de révision était adopté, il ne serait plus possible de le faire dans le même texte. Comment débattre de manière coordonnée du projet de transfert et de son volet financier, alors que la Constitution prévoit que le Sénat est saisi en priorité des projets de lois ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales et l'Assemblée nationale des projets de lois financières ? Comment le Conseil constitutionnel apprécierait-il le respect de la règle de compensation ?

Le monopole s'appliquera indifféremment aux mesures réduisant les recettes et à celles qui les augmenteront ou maintiendront leur niveau global. Il ne sera plus possible de gager une perte de recettes par une augmentation d'impôt. Que se passera-t-il donc pour les mesures qui accroîtront les ressources publiques ?

Le monopole aura-t-il un réel impact ? Entre 2000 et 2009, les baisses d'impôts consenties ont représenté une perte de 68 milliards d'euros : 57 milliards en loi de finances ou de financement, 11 milliards en loi ordinaire.

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