Intervention de Dominique Maillard

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 23 juin 2010 : 2ème réunion
Nouvelle organisation du marché de l'électricité — Audition de M. Dominique Maillard président de réseau de transport d'électricité

Dominique Maillard, président de réseau de transport d'électricité (RTE) :

Certaines mesures de ce projet de loi, d'apparence technique et donc peu médiatisées, sont déterminantes pour la sécurité de l'alimentation électrique. RTE est concerné par la majorité de ces nouvelles dispositions.

La loi impose au transporteur, comme au distributeur, d'acheter de l'énergie pour compenser les pertes. Cette forme de péréquation représente 20 % des charges de RTE, soit environ 800 millions d'euros. Nous achetons sur le marché, à terme comme en spot, en répartissant nos achats. Nous avons ainsi aujourd'hui d'ores et déjà couvert 75 % des pertes estimées pour 2011.

Le projet de loi instaure un accès régulé à l'énergie nucléaire historique, ce qui offrira plus de prévisibilité, ainsi qu'un niveau de prix inférieur à celui du marché. Le législateur nous imposant une totale transparence, c'est le client final qui en bénéficiera. L'entreprise n'y gagnera pas en valeur économique, mais en lisibilité.

Nous n'achèterons sans doute pas ainsi la totalité de l'énergie, pour permettre des ajustements au dernier moment, entre achat de base « en ruban », pour les deux tiers, et modulation. En France, les pertes dues au transport d'électricité représentent 11 térawatts-heure, soit 2,5 % de la consommation. Elles devraient croître qualitativement, avec l'augmentation des distances entre lieux de production et de consommation, notamment pour les énergies renouvelables, mais rester autour de ce seuil : la densité de la population est assez homogène en France, contrairement à la Chine où il faut transporter l'énergie sur des milliers de kilomètres. Pour le consommateur domestique, le transport représente 10 % de sa facture, soit 8 euros par kilowatt-heure ; la distribution, 35 %, le reste représentant les coûts de production et de commercialisation.

Deuxième avancée : la création d'un mécanisme d'obligation de capacités de production et d'effacement. La demande d'électricité varie en fonction de l'activité humaine ; les pointes de consommation interviennent vers midi l'été, vers 19 heures l'hiver. Ce sont des périodes de tension pour tout le système ; nos lignes de transport fonctionnent à pleine capacité. Pour y faire face, il faut d'une part solliciter tous les moyens de production disponibles, d'autre part, écrêter les pointes : c'est l'effacement. Celui-ci peut être le fait de grands clients industriels, qui acceptent de réduire leur consommation à certaines heures, ou un effacement diffus, agrégeant l'effacement de consommateurs individuels qui acceptent, sitôt prévenus, d'interrompre leurs appareils domestiques. Nous sommes prêts à rémunérer de la même façon production supplémentaire ou effacement.

L'article 2 du projet de loi fait obligation à tout fournisseur sur le marché de justifier qu'il dispose de capacités de production ou d'effacement. Cela a l'avantage de répartir la responsabilité sur l'ensemble des acteurs et pas seulement sur l'opérateur historique, de traiter sur un pied d'égalité production supplémentaire et effacement, et de créer un marché des capacités excédentaires. Mais le diable est dans les détails. Il faudra s'assurer du caractère effectif des annonces de capacité. Le projet de loi prévoit de confier à RTE des responsabilités en la matière, même si la sanction doit rester du domaine de la puissance régalienne. Nous avons l'expérience, avec le mécanisme d'ajustement, de régler de manière fine les écarts entre prévision et réalisation.

En créant ce marché, on va au devant des difficultés potentielles. Les acteurs peuvent préférer investir dans des moyens de base, rémunérés régulièrement, plutôt que dans des moyens de production temporaires, fortement rémunérés mais coûteux et qui serviront peu. La gestion des périodes de pointe a souvent été résolue via des mécanismes de ce genre, notamment aux États-Unis.

Le volet du projet de loi transposant le troisième « paquet énergie » a été abandonné. RTE, pourtant filiale à 100 % d'EDF, est aujourd'hui soumise à des règles exorbitantes du droit commun : ainsi, ses investissements sont approuvés non par l'actionnaire mais par le régulateur. Nous souhaitons que la transposition intervienne néanmoins avant l'échéance de mars 2011.

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