En effet. Il n'y a pas de gain pour l'entreprise, l'économie sur nos coûts étant répercutée sur les tarifs.
Il faut contrôler la réalité des capacités de production et d'effacement. Dans sa rédaction actuelle, l'article 2 prévoit sanctions et obligations. Pour l'heure, nous n'avons pas de pouvoir d'investigation hors de France, or le marché est européen. Pourquoi ne pas imaginer un mécanisme de double reconnaissance, où les certificats délivrés par l'opérateur de chaque pays seraient reconnus dans tous les États membres ?
Je vois trois conditions au bon fonctionnement du futur marché d'échange des garanties de capacités. Tout d'abord, l'obligation de déclarer les capacités inutilisées, à l'instar de ce qui existe pour le mécanisme d'ajustement, le producteur restant libre d'en fixer le prix, et donc de rendre ses capacités accessibles ou non. Le marché doit également être suffisamment liquide. À ce titre, jumeler capacité de production et capacité d'effacement accroît le potentiel. Enfin, le marché doit s'inscrire dans un cadre européen, pour profiter de la complémentarité des moyens de production. La France est très sensible aux conditions de température, car le chauffage électrique y est largement développé : un degré de plus en Europe continentale, c'est un appel à 4500 mégawatts de plus, dont 2100 pour la seule France ! Il est économiquement intéressant d'utiliser les interconnexions, car des capacités peuvent être disponibles chez nos voisins quand elles manquent chez nous !
Je ne sais s'il y a une limite au gisement de l'effacement - peut-être 10% - : c'est une question de comportement. Les industriels ont un raisonnement économique, il faut les payer plus cher que s'ils n'avaient pas interrompu leur activité, mais les consommateurs domestiques ont d'autres motivations que la rémunération, certains veulent faire « un geste pour la planète ». Je pense que leur capacité de mobilisation est plus importante qu'on ne le croit. En Bretagne ou en région PACA, notre système de sensibilisation EcoWatt, qui permet d'alerter les consommateurs par SMS ou e-mail, a rencontré un taux de réaction satisfaisant : dix-huit mille consommateurs bretons ont réduit leur consommation, contre dix mille l'an dernier. On économise au plus un kilowatt par individu, mais le potentiel est là !
RTE n'a pas suggéré l'article 2 ter, qui traite d'une variante d'effacement : l'intemptibilité immédiate. Ce mécanisme existe en Italie : dans un pays habitué des black-out, la valeur de l'interruptibilité - et donc sa rémunération - est élevée. En France, la situation est différente. Notre modèle économique n'aboutira donc pas aux prix italiens...
Pour garantir l'effectivité de l'interruptibilité immédiate, je propose de prévoir que le gestionnaire de réseau peut, une fois par an, faire appel à ces capacités, pour vérification. Dans d'autres fonctions, j'ai constaté que des industriels ayant des contrats interruptibles gaz-fioul s'étaient en réalité défaits de leur brûleur à fioul, pariant qu'ils ne seraient jamais appelés à s'en servir ! Je veux garantir que les capacités seront effectivement mobilisables.
L'ajustement de l'offre et de la demande est plus difficile en période de pointe. En période de base, la rémunération d'un mégawatt supplémentaire est faible : je crains que le prix ne compense pas les contraintes de l'effacement.