Intervention de Philippe Marini

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 4 novembre 2008 : 1ère réunion
Programmation des finances publiques — Débat sur les prélèvements obligatoires - grands équilibres du projet de loi de finances pour 2009 - communication et examen du rapport

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, rapporteur général :

Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Philippe Marini, rapporteur général, a considéré que le projet de loi de programmation des finances publiques posait la question de la politique budgétaire en « temps de crise », la transmission de la crise financière à l'économie réelle étant, selon lui, inéluctable. Il a rappelé que ce projet de loi n'était pas le premier exercice de programmation pluriannuelle, rappelant le précédent de la loi d'orientation quinquennale n° 94-66 du 24 janvier 1994 relative à la maîtrise des finances publiques, alors que MM. Edouard Balladur et Nicolas Sarkozy étaient, respectivement, Premier ministre et ministre du budget.

Il a considéré que ce projet de loi de programmation ne correspondait pas au même degré d'obligation juridique que les projets de loi de finances. Il a cependant estimé qu'il constituait un progrès notable de méthode.

Rappelant que la programmation du Gouvernement reposait en particulier sur l'hypothèse d'une croissance du PIB d'1 % en 2009 et de 2,5 % en 2010, 2011 et 2012, il s'est interrogé sur la tendance des gouvernements successifs à utiliser les prévisions de croissance comme instruments de communication, plus que comme variables devant servir de base à une programmation réaliste. Après avoir rappelé le contenu des principaux articles du projet de loi de programmation relatifs aux dépenses, il a indiqué que si la prévision de croissance du Gouvernement pour 2008, d'1 %, ne s'écartait pas significativement de celle du consensus des conjoncturistes, il en allait différemment pour sa prévision au titre de 2009 (1 %), alors que le consensus des conjoncturistes était de 0,5 %, et que les prévisions du FMI et de la Commission européenne étaient de, respectivement, 0,2 % et 0 %. Une croissance d'1 % en 2009 était donc impossible, faute d'acquis de croissance début 2009.

Il a souligné que si le Gouvernement prévoyait un déficit public de 2,7 points de PIB en 2008, le consensus des conjoncturistes prévoyait un déficit public de 3 points de PIB. Il a rappelé qu'il envisageait, dans le scénario « pessimiste » présenté dans son rapport d'information préalable au débat d'orientation sur les finances publiques pour 2009, un déficit de 3,1 points de PIB en 2008. Il s'est étonné de la prévision de solde public du Gouvernement pour 2008, car ses différentes prévisions pour 2008 semblaient supposer des recettes non fiscales exceptionnelles de l'ordre de 5 milliards d'euros, recettes qui n'apparaissaient pas dans les documents budgétaires.

En ce qui concernait l'année 2009, le consensus des conjoncturistes prévoyait un déficit de 3,4 points de PIB, contre 2,7 points de PIB selon le Gouvernement.

Il a jugé qu'il convenait de se focaliser non sur le solde public, mais sur la croissance des dépenses, et considéré qu'il serait inopportun de réagir au ralentissement de la croissance en augmentant les prélèvements obligatoires ou en infléchissant davantage la dépense, pour atteindre à tout prix les objectifs de solde public. Ce qui consisterait à « ajouter la crise à la crise ».

Il a rappelé le contenu du pacte de stabilité et de croissance : un déficit peut être légèrement supérieur à 3 points de PIB sans pour autant être « excessif » et les sanctions ne sont possibles que si l'Etat concerné ne respecte pas les recommandations du Conseil. Le pacte de stabilité autorise les mesures aggravant le déficit structurel, dès lors qu'elles sont « exceptionnelles ». Toutefois, l'Etat doit réduire son déficit structurel, hors mesures exceptionnelles, de 0,5 point de PIB par an.

Il a jugé que des efforts significatifs seraient nécessaires pour que le déficit public soit inférieur à 3 points de PIB en 2012 et a rappelé que la part des dépenses publiques dans le PIB a été marquée par deux ruptures majeures :

- en 1981-1982, les dépenses publiques sont devenues supérieures aux recettes d'environ 3 points ;

- la récession de 1993 s'est accompagnée d'une forte augmentation de la part des dépenses publiques dans le PIB.

L'effet cumulé de ces deux augmentations de la part des dépenses publiques dans le PIB n'a jamais pu être résorbé, ce qui explique le déficit structurel actuel.

Il a souligné l'ampleur de l'effort structurel mené de 1995 à 1997 et signalé que l'évolution du déficit public ne s'expliquait sur une longue période que marginalement par celle du déficit public structurel.

Il a indiqué que l'élasticité des recettes fiscales au PIB était très dépendante de la croissance du PIB réel, ce qui rendait les prélèvements obligatoires d'autant plus dépendants de la conjoncture. Il a estimé que les dépenses étaient moins sensibles à la conjoncture, et présenté divers scénarios à moyen terme pour les finances publiques. Il a souligné que ces scénarios n'étaient que des illustrations pour montrer la sensibilité de l'évolution du solde à la conjoncture et il en a conclu qu'il était essentiel de maîtriser la croissance des dépenses.

Il a rappelé que le Gouvernement prévoit de ramener à 1,1 % le taux de croissance en volume des dépenses publiques qui était de 2,25 % en moyenne sur la période 1998-2007. Dans le cas de l'Etat, il a jugé l'objectif réaliste, même si les marges de manoeuvre étaient de plus en plus faibles. Il a considéré que l'objectif relatif aux administrations de sécurité sociale, consistant à ramener le taux de croissance en volume des dépenses de 2,75 % sur la période 1998-2007 à 1,75 %, bien qu'ambitieux, était atteignable, même si les économies à réaliser demeuraient à déterminer. Il a jugé que l'effort demandé aux collectivités territoriales, relevait « de l'irréalité la plus totale », en particulier si l'on prenait en compte les dépenses supplémentaires rendues nécessaires par le ralentissement économique.

Il a estimé que la crise était un révélateur des travers de la fiscalité française et évoqué son « émiettement » du fait de la tendance à la multiplication des « recettes de poche », d'un partage de moins en moins lisible des prélèvements entre l'Etat et la sécurité sociale, de la tentation de recherche de la « quadrature du cercle fiscal », à l'image du projet récurrent de réforme de la taxe professionnelle.

Il a estimé que la crise pourrait susciter un retour de la problématique du « hors bilan » des administrations publiques et s'est interrogé sur la prise en compte de la dette contractée avec la garantie de l'Etat par des organismes n'appartenant pas à la sphère publique, en particulier dans le cadre du plan de soutien du système bancaire. Cette relance de l'investissement public par les partenariats public-privé pourrait donc avoir un caractère « déconsolidant » vis-à-vis de la dette publique.

Un très large débat s'est ensuite engagé.

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