Vous avez souhaité nous entendre sur la situation présente du groupe Dexia, sur l'implication de la Caisse des dépôts et consignations dans la gestion du groupe, comme actionnaire, dans les conditions de mise en oeuvre du démantèlement du groupe et sur les sollicitations qui sont faites à la Caisse pour apporter des solutions de long terme au financement des collectivités territoriales dans notre pays.
Sans refaire l'historique, depuis la création de la Caisse d'aide à l'équipement des collectivités locales (CAECL), en passant par la mise en place du Crédit local de France, jusqu'à l'avènement de Dexia, nous observons que c'est en 2008, lorsque se déclenche la crise financière, que le groupe est touché par cette crise. La Caisse des dépôts et consignations a toujours été un actionnaire historique du groupe Dexia en raison des titres qu'elle détenait initialement. En 2008, la Caisse, qui détenait déjà 13 % à 14 % du capital, était donc concernée par l'opération de recapitalisation. Ses parts auraient pu être un peu moindres si, en septembre 1999, lors de la fusion des entités belge et française de Dexia, les pouvoirs publics eux-mêmes n'avaient pas souhaité que la Caisse remonte au capital, plutôt que de se laisser diluer, avec un investissement de 2,5 milliards de francs. La recapitalisation de septembre 2008 intervient dans le contexte de la réforme de la gouvernance de la Caisse des dépôts, après le vote de la loi de modernisation de l'économie. Le comité d'investissement, chargé d'émettre un avis, au sein de la commission de surveillance, sur les décisions du directeur général, n'avait pas encore été mis en place à l'époque, la loi n'ayant été publiée que quelques semaines auparavant. Néanmoins, nous avions évoqué, avec Augustin de Romanet, la position qu'il convenait de tenir. J'ai un souvenir précis du départ du directeur général pour la négociation à Bruxelles. Nous étions convenus ensemble que la Caisse ne pouvait pas courir un risque sur Dexia supérieur à 10 % de ses engagements. C'est ainsi qu'avait été retenu un plafond pour l'augmentation de capital qui ne pouvait excéder 2 milliards d'euros pour la Caisse des Dépôts. L'Etat lui-même ayant participé à l'augmentation de capital, la partie française, avec une augmentation de 3 milliards d'euros, a pu détenir la minorité de blocage, de 25 % en droit belge des sociétés, et faire évoluer la gouvernance de l'entreprise.
A partir de 2008, la commission de surveillance a effectué un suivi très régulier de l'évolution du groupe Dexia. Nous avons procédé, avec l'instance de contrôle de la Caisse placée auprès du directeur général, à plusieurs auditions de l'administrateur délégué du groupe, Pierre Mariani. Malheureusement, il a fallu prendre des décisions de dépréciations, en fonction de l'évolution de la situation.
Les décisions consécutives à la recapitalisation, avec la cession de la filiale américaine, la réduction progressive du bilan, la restructuration des ressources pour les adapter aux prêts de longue durée consentis par Dexia, se sont déroulées conformément au plan arrêté en 2008 et ont été présentées à la commission de surveillance comme prévu.
La mutation de la crise a rattrapé Dexia, mais il n'y a pas eu, à mon sens, de carence de gestion de la part de la nouvelle équipe dirigeante installée en 2008.
Dexia est aujourd'hui victime de deux chocs : celui de la dette souveraine, compte tenu de l'importance des papiers qu'elle détient ; celui de la liquidité interbancaire, qui ne lui permet plus de se refinancer dans des conditions satisfaisantes.
Le désir de l'Etat est que la Caisse des Dépôts puisse, conformément à sa mission historique, contribuer à remettre en place un véhicule de financement de long terme des collectivités territoriales. Au sein de la commission de surveillance, où vous êtes représentés par Jean Arthuis et Nicole Bricq, il n'y a pas d'interrogation sur cet objectif. L'interrogation porte sur les conditions dans lesquelles nous sommes appelés à contribuer à la mise en place de cette solution, qui s'appuie, d'une part, sur la création d'un véhicule nouveau avec la Banque postale et, d'autre part, sur la reprise du véhicule de refinancement des prêts, DexMA (Dexia Municipal Agency), qui pose certains problèmes.
Nous avons échangé là-dessus avec Augustin de Romanet dès que l'aggravation de la situation a été connue, le 1er septembre 2011. Dès le 9 septembre, la présidence de la commission de surveillance disposait de documents, qui ont été enrichis le 19 septembre. Dès le 26 septembre, nous avons tenu une réunion du comité d'investissement, suivie de deux autres, pour l'informer des sollicitations dont nous faisions l'objet. Le troisième comité d'investissement, qui s'est tenu samedi 8 octobre en fin de journée, a donné un avis défavorable sur les conditions dans lesquelles nous était proposée la création d'une co-entreprise pour la création d'un nouveau véhicule de prêt et surtout la reprise de DexMA.
Aujourd'hui, la Caisse des dépôts a quatre préoccupations : la valeur d'achat de DexMA ; la consommation de fonds propres qui en découle ; la garantie qui doit nous être accordée sur le portefeuille que nous reprenons et qui doit être discutée dans le cadre du collectif budgétaire qui sera présenté ce lundi 17 octobre à l'Assemblée nationale et mercredi 19 octobre au Sénat ; et enfin le niveau des liquidités qu'il nous faudra mobiliser pour nous substituer aux financements de Dexia. Sur ce dernier point, qui n'est pas le moindre, les liquidités de la Caisse, qui peuvent paraître abondantes, ont été mobilisées pour acheter des émissions et soutenir la liquidité des banques françaises, dans la période de tension actuelle. Ce point devra faire l'objet d'un vote formel de la commission de surveillance, qui autorise le niveau d'endettement de la Caisse.
Quant à la gouvernance, la commission de surveillance, au travers de son comité d'investissement, émet des avis sur les projets d'investissement de la Caisse des Dépôts d'un montant supérieur à 150 millions d'euros ou à vocation stratégique, comme il a été décidé par la loi de modernisation de l'économie, après l'affaire EADS. Cela suppose que nous disposions d'un dossier du directeur général. Celui-ci a souhaité nous informer en amont. Une première proposition a été formulée dans le cadre d'une lettre de cadrage, avant le conseil d'administration de Dexia du 9 octobre et la réunion des premiers ministres belge et français. Notre position a vocation à évoluer, en fonction du vote qui doit intervenir la semaine prochaine à l'Assemblée et des réponses aux questions que je viens d'évoquer.