Intervention de Augustin de Romanet

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 12 octobre 2011 : 2ème réunion
Situation des banques françaises et financement de l'économie — Audition de Mm. Michel Bouvard président de la commission de surveillance et augustin de romanet directeur général de la caisse des dépôts et consignations

Augustin de Romanet, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations :

DexMA est une centrale de refinancement, qui émet des dettes à long terme pour l'adossement de prêts à long terme. Lorsque, tout début septembre, la banque Dexia a vu sa situation de liquidité se tendre, elle a pensé qu'une solution à ce problème, qui lui permettrait de persévérer dans l'être, serait de vendre cette société de refinancement. En effet, celle-ci consomme beaucoup de liquidités. Afin de pouvoir émettre avec un bon niveau de taux, il faut qu'elle ait dans son bilan des titres de créances correspondant aux financements qu'elle accorde aux collectivités locales mais aussi du collatéral, c'est-à-dire un matelas de liquidités.

La société Dexia, de concert avec les pouvoirs publics, a estimé qu'il fallait que la Caisse des Dépôts envisage la possibilité de racheter DexMA, ce qui permettrait d'accroître les liquidités de Dexia d'un montant de l'ordre de 15 milliards d'euros, mais pèserait sur la liquidité du groupe Caisse des Dépôts. Or, lorsque nous avons examiné les comptes de DexMA, nous avons observé que la valeur « marquée au marché » de ses actifs était négative de plusieurs milliards d'euros. L'acquisition de cette société se solderait donc par le constat dans nos comptes d'une perte à due concurrence. Nous avons également constaté qu'une partie des prêts consentis par Dexia et incorporée au portefeuille de DexMA était susceptible de contentieux et que la certitude qu'ils soient remboursés n'était pas acquise.

Aussi avons-nous indiqué à l'Etat que nous souhaitions obtenir une garantie de sa part, afin d'être conformes au mandat de respect du patrimoine de la Caisse des Dépôts fixé par la loi. Ces discussions ont mis un peu de temps à se dénouer, mais finalement il a été acquis que l'Etat donnerait sa garantie par le biais d'une loi de finances et que la Caisse des Dépôts serait couverte par cette garantie.

Le projet est double : d'une part, nous nous efforçons de racheter la société DexMA à un prix raisonnable ; d'autre part, nous relevons le défi de garder cette société vivante, éventuellement en changeant son nom, pour en faire le nouveau véhicule de refinancement de la nouvelle société d'origination que nous allons créer avec la Banque postale. Notre dispositif comporte deux volets : le front office commercial, assurant le contact avec les élus, qui sera une co-entreprise qui reprendra une partie des collaborateurs de Dexia Crédit local (DCL) et qui sera possédée à 65 % par la Banque postale et à 35 % par la Caisse des Dépôts ; une autre société, avec un nouveau nom, héritière de DexMA, qui sera détenue à 65 % par la Caisse des Dépôts, à 5 % par le groupe la Poste et à 30 % par Dexia. Notre défi sera de trouver de bons dirigeants et d'inspirer confiance aux marchés, afin que cette nouvelle société puisse émettre des titres avec un spread réduit.

Quel est le coût pour la Caisse des Dépôts de la reprise de DexMA ? Il résultera du prix d'achat - quelques centaines de millions d'euros - et de la consommation de fonds propres, de l'ordre d'un milliard d'euros, sur les 20 milliards d'euros dont dispose la section générale de la Caisse des dépôts.

Si la garantie de l'Etat est correctement écrite - nous y veillerons - cela ne devrait rien nous coûter d'autre qu'une charge annuelle de 70 millions d'euros pendant une dizaine d'années, compensée par le fait que nous achetons cette société en-dessous de ses fonds propres - qui s'élèvent à un milliard d'euros. Si nous l'achetons 250 millions d'euros, nous aurions un coussin de 750 millions d'euros, soit 70 millions sur dix ans.

S'agit-il pour la Caisse des Dépôts d'une participation à long terme ? Oui, d'autant plus que nous avons l'espoir que DexMA redevienne une centrale de refinancement pour l'avenir. Si cela n'était pas le cas, ce serait une société de défaisance, mais nous ne souhaitons pas que survienne un tel contexte.

DexMA gère-t-elle uniquement des prêts aux collectivités locales françaises ? Non. Le bilan comporte des titres belges, pour 9,5 %, italiens, pour 10 %, et suisses, pour 5,4 %. Les 75 % restants sont français. Les conséquences pour les collectivités locales emprunteuses seront nulles.

Le coût pour la Caisse des Dépôts de la co-entreprise avec la Banque postale sera très faible. Ce sera une société de moyens dont nous espérons que les frais de fonctionnement seront modestes. Les principaux frais seront constitués du versement à DexMA de la rémunération due à ses prêts, puisque la Banque postale ne souhaite pas utiliser les dépôts des particuliers pour consentir des prêts aux collectivités locales.

Quels risques emporte cette participation sur le financement et le modèle économique de la Caisse des dépôts ? Tout le travail des équipes de la Caisse, qui se sont dévouées depuis un mois nuit et jour, vise à ce qu'ils soient réduits au strict minimum. Nous signerons l'achat de DexMA le jour où nous aurons la conviction que ces risques sont maîtrisables.

Allons-nous financer des collectivités étrangères ? Non.

Comment cette nouvelle activité s'articulera-t-elle avec la future agence de financement des collectivités territoriales ? Spontanément, nous serions tentés de penser que nous allons offrir les meilleurs produits avec les prêts les plus simples. Mais si de grandes collectivités, comme la région Ile-de-France, estiment pouvoir trouver moins cher avec une agence, comme il en existe aux Pays-Bas ou dans les pays scandinaves, nous n'avons aucune raison d'avoir une crise d'ego ou de ne pas laisser des concurrents naître. S'ils arrivent à lever des fonds sur leur nom à l'étranger, ils seront très utiles à l'économie française. Nous ne serons pas trop de deux pour convaincre les épargnants du monde entier que le risque des collectivités locales françaises est bon.

Comment dégager 3 milliards d'euros pour financer les collectivités locales françaises, comme l'a annoncé le Premier ministre la semaine dernière ? Nous les prélèverons sur la section du Fonds d'épargne, dont le bilan s'élève à 230 milliards d'euros, dont 115 milliards pour le logement social, et une dizaine de milliards pour les infrastructures, le plan hôpital 2012, les universités et le plan collectivités locales de 2008. Le reste est constitué, à hauteur de 10 milliards, d'actions, et de 95 milliards environ de titres de taux, notamment d'obligations d'Etat, principalement françaises. Le Fonds d'épargne n'a aucun problème de liquidité, puisque la collecte du Livret A et du LDD a augmenté cette année (à fin août) de 16 milliards d'euros, dont 65 %, soit environ 10 milliards, revenant à la Caisse, sur lesquels il ne sera pas difficile de prélever 3 milliards d'euros pendant les deux derniers mois de cette année.

L'achat de DexMA ne devra pas se traduire par la moindre incidence sur nos comptes en 2011. Je m'y emploie en demandant les garanties ad hoc. En revanche, la vente par Dexia de ses actifs entraînera des moins-values, qui auront un impact sur les comptes de la Caisse des Dépôts. Il y a un mois et demi, j'avais le sentiment que nos comptes seraient très positifs. Il se peut, en raison du cas extrême auquel nous sommes confrontés, qu'ils ne le soient qu'à peine.

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