Intervention de Jean-Marc Pastor

Mission commune d'information sur la sécurité d'approvisionnement électrique de la France et les moyens de la préserver — Réunion du 27 juin 2007 : 1ère réunion
Examen du rapport

Photo de Jean-Marc PastorJean-Marc Pastor, rapporteur :

Présentant la première partie du rapport, relative à la production d'électricité, M. Jean-Marc Pastor, rapporteur, a tout d'abord rappelé que la politique de la France en la matière présentait deux particularités essentielles, à savoir :

- le choix d'une forte production d'origine nucléaire assurant les besoins nationaux en base, des fragilités existant cependant tant pour ce qui concerne les capacités de pointe que pour la répartition des unités de production sur le territoire ;

- la fixation de tarifs réglementés garantissant un niveau de prix adéquat.

Soulignant l'importance du contexte européen, le réseau de transport français étant largement interconnecté avec ceux de ses voisins, il a exprimé son inquiétude à ce sujet après les déplacements de la mission à l'étranger, les autorités publiques des six pays visités ne lui paraissant pas toujours conscientes de l'ampleur des enjeux :

- en Allemagne, la coalition gouvernementale est très divisée sur une question aussi essentielle que la production nucléaire, le problème de la dépendance à l'égard du gaz russe ne semblant susciter, en revanche, aucune préoccupation ;

- la Pologne produit 95 % de son électricité à partir de centrales thermiques fonctionnant, pour l'essentiel, au charbon, et craint que les obligations communautaires, matière de réduction d'émissions de CO2, ne soient de nature à freiner son dispositif économique ;

- le Royaume-Uni, qui s'est longtemps reposé sur ses réserves d'hydrocarbures en mer du Nord, paraît compter sur le marché pour envoyer les signaux nécessaires à la construction des nouvelles unités de production nécessaires. Il a toutefois relevé que, dans son Livre blanc sur l'énergie de mai 2007, le gouvernement britannique avait souhaité que les actuelles centrales nucléaires du pays puissent, le moment venu, être remplacées par de nouvelles unités nucléaires ;

- la Suisse, dont la production est équilibrée entre le nucléaire et l'hydraulique, bénéficie en outre de sa position centrale en Europe pour, le cas échéant, bénéficier des capacités de ses voisins ;

- l'Italie, dont la production est structurellement déficitaire, est, de plus, très dépendante du gaz russe ;

- l'Espagne, qui dispose d'une vision à moyen terme et d'un bouquet de production relativement équilibré, continue à demander une coopération accrue avec la France, notamment pour bénéficier de sa production nucléaire.

Constatant enfin que les capacités de production européennes allaient diminuer dans les années à venir si « rien n'était fait », alors même que la consommation était appelée à augmenter, M. Jean-Marc Pastor, rapporteur, a estimé à 1.000 milliards d'euros le montant des investissements à réaliser en la matière au cours des 25 prochaines années, appelant à une « prise de conscience collective » de l'importance de ce sujet.

Puis, abordant la composition du bouquet de production électrique de la France, il a tout d'abord rappelé que le nucléaire en représentait 78 % du total et jugé que, seule, une entreprise publique (EDF) devait demeurer opérateur de l'ensemble des centrales en raison de la lourdeur des investissements, de leur durée sur le très long terme (jusqu'au démantèlement des centrales) et de l'importance des questions sociétales sous-jacentes. Il a ensuite indiqué que les centrales thermiques posaient d'abord la question de la sécurité de l'approvisionnement en énergie primaire, observant notamment que 97 % du gaz français étant importé, puis celle des émissions de CO2. Puis, après avoir rappelé l'engagement de la France à consommer, d'ici à 2020, 21 % de son énergie à partir de sources d'énergie renouvelables (ENR), contre 12 % en 2006, M. Jean-Marc Pastor, rapporteur, a déclaré qu'un potentiel de croissance existait en matière d'hydraulique (notamment en envisageant la mise en place de « concessions de vallées » susceptibles de rationaliser la gestion des barrages), de stations de transfert d'énergie par pompage (STEP) et d'éolien, tout en relevant que, s'agissant d'une production de base, cette dernière filière ne permettait pas de répondre au problème du manque de capacités de pointe.

Il en a conclu que la composition du bouquet électrique français devait évoluer dans le sens d'une diminution de la part relative du nucléaire, qui avait toutefois vocation à rester dominant, et d'une hausse de la part des ENR et des capacités de pointe. Puis, s'inscrivant dans une perspective plus large, il a mis en exergue la nécessité d'une réorientation de la politique électrique au niveau européen, au sein d'un « pôle européen de l'énergie » fonctionnant sur la base d'une réelle solidarité entre les pays, notamment pour les questions ayant trait aux ENR et au respect des engagements environnementaux.

a ensuite abordé la problématique des prix de l'électricité, opposant le modèle européen du marché libre au dispositif français des tarifs régulés. Il a d'abord jugé qu'à une composition différenciée du bouquet électrique national devaient correspondre des niveaux de prix différents, et que la France n'avait pas vocation à devenir le « poumon nucléaire » de l'Europe. Il a ensuite observé que les clients ayant exercé leur éligibilité, à commencer par les plus gros consommateurs, souhaitaient à présent revenir aux tarifs régulés, l'instauration du tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché (TaRTAM) par la loi du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie ayant partiellement répondu à cette attente. Il a expliqué qu'en effet, les prix du marché libre, qui se forment à partir des coûts de production de la dernière unité appelée, avaient beaucoup augmenté au cours des dernières années et dépassaient aujourd'hui largement les tarifs réglementés. De même, il a considéré que les industriels « électro-intensifs » avaient besoin d'une visibilité à long terme de la disponibilité et du coût de leur électricité, se félicitant, à cet égard, de la mise en place du consortium « Exceltium », et estimé opportun de permettre à certains électriciens de participer financièrement à la construction d'unités nucléaires avec EDF, sans pour autant devenir opérateurs.

a enfin évoqué les bourses d'électricité, jugeant nécessaire l'instauration de telles structures d'échanges, mais insistant sur le fait que leur finalité devait être physique (les besoins d'ajustement du réseau) et non spéculative, ainsi que sur le contrôle et la régulation qui devaient encadrer leur fonctionnement.

Indiquant en conclusion que le rapport contenait, pour la partie concernant la production, onze propositions, il a mis en exergue quatre d'entre elles : la création d'un pôle européen de l'énergie, le maintien des tarifs régulés, la mise en place, par chaque Etat de l'Union européenne, d'un bilan prévisionnel d'équilibre entre l'offre et la demande, et la possibilité d'associer d'autres électriciens qu'EDF au financement des centrales nucléaires, sous réserve que la gestion de la filière demeure sous le contrôle de l'opérateur public.

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