Evoquant ensuite la partie du rapport relative aux réseaux électriques, M. Michel Billout, rapporteur, a tout d'abord souligné que la sécurité de l'approvisionnement électrique était aussi une affaire d'acheminement, dès lors que l'électricité ne se stockant pas, il faut garantir à tout instant l'équilibre entre la production et une consommation très variable. Il a ainsi indiqué que les gestionnaires de réseaux faisaient face à plusieurs défis : le défi de l'Europe, le territoire national n'étant plus le seul espace pertinent pour ce qui concerne la sûreté des réseaux, le défi de l'investissement, les réseaux restant à développer et à améliorer, et le défi de l'adaptation à un nouvel environnement technique, en raison notamment du fort développement des moyens de production décentralisés.
Au sujet de l'Europe, M. Michel Billout, rapporteur, a constaté que, si la problématique de la concurrence ne se posait pas dans les mêmes termes que pour la production, les réseaux électriques constituant des monopoles de fait, la Commission européenne véhiculait malgré tout une idéologie libérale par deux canaux : la promotion d'un « modèle unique » de séparation patrimoniale entre producteurs et gestionnaires de réseaux de transport (GRT), d'une part ; l'appel au renforcement des interconnexions dans un but de développement du marché, d'autre part.
A cet égard, il a estimé que la sûreté des réseaux reposait sur le respect de contraintes physiques et souligné que l'interdépendance croissante entre GRT européens allait de pair avec le développement des interconnexions, au moins dans des zones synchrones telles que la zone Union pour la coordination du transport de l'électricité (UCTE), qui recouvre la majeure partie de l'Europe continentale, dont la France. Il a donc jugé indispensable de rendre contraignantes des règles de gestion des réseaux garantissant la sûreté de l'approvisionnement électrique des Européens et très coûteux leur éventuel non-respect. Compte tenu de ces mêmes réalités physiques, M. Michel Billout, rapporteur, a suggéré la création d'un centre européen de coordination de l'électricité qui, sans se substituer aux GRT nationaux, devrait être capable d'exercer une surveillance globale sur la zone UCTE et de détecter en amont tout risque de déséquilibre susceptible de se propager au-delà des frontières. Par ailleurs, il a estimé nécessaire d'assurer une régulation adéquate de tous les marchés pour garantir un fonctionnement conforme à l'intérêt de tous, considérant que l'exemple français pouvait servir à d'autres pays européens. Il a ajouté que la régulation des échanges transfrontaliers pourrait être assurée par un « ERGEG + », émanation de l'actuel groupe des régulateurs nationaux. Enfin, il a proposé de soutenir l'opposition au « modèle unique » de séparation patrimoniale entre producteurs et GRT et rappelé à cet égard que tous les intervenants avaient salué, devant la mission commune d'information, l'indépendance de Réseau de Transport d'Electricité (RTE) à l'égard d'EDF, efficacement garantie par la Commission de régulation de l'énergie (CRE).
Abordant ensuite la question des investissements, M. Michel Billout, rapporteur, a déclaré que la poursuite d'un effort important apparaissait nécessaire, tant dans le réseau de transport que dans les réseaux de distribution.
Il a ainsi indiqué que le réseau de transport devait assurer le bouclage des « péninsules électriques » françaises (Bretagne et Provence - Alpes- Côte d'Azur), à défaut de pouvoir installer sur place les capacités de production idoines, et développer certaines interconnexions nécessaires à l'amélioration de la sécurité d'approvisionnement électrique des Européens, notamment les liaisons France - Espagne, sans, pour autant, se suréquiper pour des raisons de marché. Constatant que la principale difficulté pour développer ce type d'infrastructures résidait dans la longueur des procédures et la multiplication des recours, ces difficultés étant accrues pour les travaux internationaux tels que les interconnexions, il a préconisé :
- pour ce qui concerne la France, d'étudier les moyens d'accélérer les procédures préalables à la construction de nouveaux ouvrages (sans remettre en cause ni les décisions de justice, ni la légitimité de la réglementation environnementale) ;
- et, au niveau européen, de mettre à l'étude la création d'une procédure de déclaration d'utilité publique européenne pour de grandes infrastructures intégrées d'intérêt supérieur pour l'ensemble du continent.
S'agissant des réseaux de distribution, il a estimé qu'il fallait, là aussi, augmenter l'effort financier afin de moderniser les lignes et de renforcer l'enfouissement des lignes à basse et moyenne tension. Abordant enfin l'adaptation des réseaux au développement de la production décentralisée, en particulier de la production éolienne, M. Michel Billout, rapporteur, a tout d'abord observé que si l'éolien, dont la technologie est mature, était indispensable au respect des objectifs français en matière d'énergies renouvelables, sa croissance n'était pas sans poser problème. A propos de la gestion de l'aléa de production, il a fait référence à une étude détaillée de RTE annexée à son bilan prévisionnel de l'équilibre offre-demande de 2005 qui montre que, bien que la France dispose de trois régions de vent quasiment indépendantes, un parc d'une puissance installée supérieure à 10 GW compliquerait fortement la gestion du réseau. Il a donc proposé de ne pas aller au-delà de cette limite, remarquant que cela autorisait déjà un quintuplement du parc actuel. Puis, ayant rappelé que les enquêtes de l'UCTE et de l'ERGEG sur l'incident du 4 novembre dernier avaient souligné que les unités de production décentralisées, en particulier les éoliennes, avaient aggravé la crise en se déconnectant ou en se reconnectant automatiquement, et donc brutalement, au réseau, il a proposé de durcir les normes de construction et de connexion de ces unités. Enfin, il a estimé nécessaire que les procédures de communication et les plans de sauvetage entre GRT et gestionnaires de réseaux de distribution soient révisés pour prendre en compte la montée en puissance de la production décentralisée, en particulier le fait que les réseaux de distribution allaient dès lors devenir parfois injecteurs d'électricité sur le réseau de transport.