Intervention de Jean-René Lecerf

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 27 septembre 2006 : 1ère réunion
Etat civil — Validité des mariages - examen du rapport

Photo de Jean-René LecerfJean-René Lecerf, rapporteur :

a rappelé que le mariage avec un Français était désormais la première source d'immigration légale en France et qu'en 2004, 34.440 des 75.753 personnes devenues françaises par déclaration de nationalité l'étaient devenues à raison du mariage, contre 19.493 en 1994, soit une augmentation de 77 %.

Il a poursuivi en déclarant que le nombre des annulations de mariage était passé de 1995 à 2004 de 449 à 786, soit une augmentation de 75 %, tandis que les signalements transmis au Parquet par les services consulaires passaient de 346 en 1998 à 1.733 en 2005, dont 80 % en provenance du Maghreb et de la Turquie. Il a observé que compte tenu des exigences en termes de charge de la preuve conditionnant cette saisine, ces chiffres témoignaient plus de l'augmentation des mariages simulés que de leur ampleur.

Tout en refusant d'assimiler mariages mixtes et mariages simulés et de mettre en doute la sincérité de l'immense majorité de ces unions résultant de l'augmentation de la population française issue de l'immigration, M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a souligné l'étroite corrélation de l'envolée du nombre de mariages mixtes avec le renforcement des contraintes de l'immigration.

Il a ensuite évoqué la recrudescence de la fraude à l'état civil, en rappelant que la mission d'information de la commission des lois sur la nouvelle génération de documents d'identité et la fraude documentaire présidée par M. Charles Guené avait constaté le vol de 90.000 passeports entre 1999 et 2004, ainsi que la multiplication par quatorze des pertes et vols de cartes nationales d'identité de 1997 à 2003.

Il a poursuivi en indiquant qu'une étude de 2002 du ministère des affaires étrangères avait estimé, à partir de la consultation de certains postes consulaires, à 11.600 par an le nombre d'actes irréguliers, falsifiés ou inexistants, ces actes représentant une part importante de ceux présentés aux agents diplomatiques et consulaires (de l'ordre de 32 % au Niger, 60 % en Guinée et 90 % en République démocratique du Congo ou aux Comores).

a ensuite rappelé le droit en vigueur en matière de lutte contre les mariages simulés.

Il a précisé que la loi du 30 décembre 1993 avait mis en place une procédure d'opposition à la célébration du mariage en France en cas d'indices sérieux laissant présumer l'absence de réelle intention matrimoniale, l'officier de l'état civil pouvant saisir le procureur de la République. Il a ajouté que depuis la loi du 26 novembre 2003, tant les officiers de l'état civil, pour les mariages célébrés en France, que les agents diplomatiques ou consulaires, pour les mariages célébrés à l'étranger, devaient auditionner les futurs époux avant la célébration du mariage afin de vérifier leur intention matrimoniale, sauf en cas d'impossibilité ou en l'absence de doute quant à une absence de consentement.

Le rapporteur a ajouté que ce contrôle s'exerçait également lors de la demande de transcription du mariage célébré devant une autorité étrangère sur les registres de l'état civil français, l'agent diplomatique et consulaire devant surseoir à la transcription en cas d'indices sérieux de mariage frauduleux et informer le parquet, à charge pour ce dernier de se prononcer dans un délai de six mois, la transcription étant à défaut de réponse, automatique. Il a précisé que ce contentieux était centralisé au tribunal de grande instance de Nantes depuis le 1er mars 2005.

Le rapporteur a ensuite évoqué le dispositif pénal instauré par la loi du 26 novembre 2003, punissant de cinq ans d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende les personnes ayant contracté un mariage aux seules fins d'obtenir ou de faire obtenir un titre de séjour ou d'acquérir ou faire acquérir la nationalité française, et de dix ans d'emprisonnement et 750.000 euros d'amende les personnes ayant commis cette infraction en bande organisée.

Il a par ailleurs rappelé que la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple avait permis deux avancées importantes en créant, d'une part, un dispositif spécifique de lutte contre les mariages forcés, notamment en relevant l'âge nubile des femmes de 15 à 18 ans, et d'autre part, en autorisant dans un souci de pragmatisme et au regard des difficultés matérielles rencontrées par les officiers de l'état civil et les autorités diplomatiques et consulaires, la délégation de la réalisation des auditions à des fonctionnaires titulaires.

Le rapporteur a enfin indiqué que la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration avait rendu moins attractif le mariage avec un Français au regard des règles en matière de droit au séjour ou d'acquisition de la nationalité française, en supprimant le caractère automatique de la délivrance de la carte de résident après deux ans de mariage et en portant le délai à compter duquel elle peut être sollicitée à trois ans de mariage, ainsi qu'en allongeant les délais pour l'acquisition de la nationalité par déclaration.

Tout en reconnaissant qu'il était trop tôt pour faire un bilan de l'application de ces deux dernières lois, M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a estimé que les résultats des législations de 1993 et 2003 s'étaient avérés largement insuffisants.

S'agissant de la lutte contre la fraude à l'état civil, il a observé que le mécanisme de sursis administratif et de vérification par le procureur de la République de Nantes des actes de l'état civil étranger était resté inutilisé, le procureur de la République de Nantes n'ayant été saisi qu'à dix-huit reprises en 2004 et dix fois en 2005, et aucune de ces saisines n'ayant abouti.

Le rapporteur a ensuite présenté les trois axes du projet de loi adopté par l'Assemblée nationale.

Il a indiqué qu'un premier axe consistait tout d'abord à renforcer le contrôle des mariages célébrés en France, quelle que soit la nationalité des époux :

- en obligeant les futurs époux à présenter une pièce d'identité officielle lors du mariage et à choisir les témoins dès la constitution du dossier de mariage ;

- en améliorant l'efficacité de l'audition préalable des futurs époux, notamment en prévoyant l'audition séparée du futur conjoint mineur, et la délégation de la réalisation de l'audition à des fonctionnaires titulaires ou à l'autorité diplomatique ou consulaire lorsque l'un des futurs conjoints réside à l'étranger ;

- en confortant le pouvoir d'opposition du ministère public, qui ne serait plus caduc au bout d'un an, mais continuerait à produire effet jusqu'à sa mainlevée judiciaire.

Le rapporteur a ensuite présenté les dispositions concernant les mariages contractés par les Français à l'étranger devant une autorité étrangère, en soulignant qu'elles privilégiaient les contrôles antérieurs à la célébration du mariage, contrairement au dispositif actuel centré sur les demandes de transcription du mariage dans les registres de l'état civil français.

Il a indiqué que les Français désirant se marier devant une autorité étrangère devraient obtenir préalablement un certificat de capacité à mariage attestant l'accomplissement des formalités requises et notamment de l'audition. En cas de doute sur la validité du mariage, le ministère public, saisi par l'autorité diplomatique ou consulaire, pourrait s'opposer au mariage, cette opposition ne pouvant empêcher l'autorité étrangère de célébrer le mariage, mais empêchant sa transcription à l'état civil français.

En outre, les époux mariés sans certificat de capacité à mariage devraient obligatoirement être entendus lors de la demande de transcription, sans dérogation possible. En cas de doute sur la validité du mariage, le parquet, saisi par l'autorité diplomatique ou consulaire, devrait répondre dans un délai de six mois. A défaut, les époux devraient saisir le tribunal de grande instance afin qu'il statue sur la transcription du mariage. Le rapporteur a précisé que l'Assemblée nationale avait ajouté que le tribunal devrait statuer dans le délai d'un mois ainsi que la cour d'appel, le cas échéant.

Il a poursuivi en déclarant que si la célébration du mariage s'était faite après présentation du certificat de capacité à mariage, la transcription serait en principe acquise, sauf éléments nouveaux mettant en cause la validité du mariage, les époux devant alors être auditionnés et le ministère public disposant de six mois pour statuer, l'absence de décision de sa part entraînant la transcription du mariage.

a indiqué que le projet de loi faisait en outre de la transcription du mariage une condition de son opposabilité en France, alors que la transcription n'est actuellement requise que si le conjoint étranger souhaite se prévaloir du mariage pour obtenir un titre de séjour ou la nationalité française par déclaration. Il a précisé qu'à l'initiative de l'Assemblée nationale, le mariage non transcrit produirait ses effets civils en France à l'égard des époux et des enfants et que cette inopposabilité ne concernerait donc que les tiers.

Le rapporteur a enfin présenté le dernier axe du projet de loi : la simplification des procédures de vérification des actes de l'état civil étrangers.

Il a rappelé que si l'article 47 du code civil posait traditionnellement une présomption de régularité des actes de l'état civil étrangers lorsque ceux-ci avaient été dressés selon les formes usitées localement, en vertu du principe de confiance et de réciprocité sur lesquels se fondent les relations internationales, les lois du 24 août 1993 puis du 26 novembre 2003 avaient largement atténué ce principe. Il a indiqué que le projet de loi supprimait les mécanismes de sursis administratif et de vérification par le procureur du tribunal de grande instance de Nantes créés par la loi du 26 novembre 2003, jugés trop complexes et en pratique restés inutilisés.

Il a toutefois ajouté que selon les informations communiquées par la Chancellerie, une procédure de vérification de la régularité des actes de l'état civil étrangers serait fixée par décret en Conseil d'Etat. En cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude de l'acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative, saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou d'un titre, procéderait ou ferait procéder aux vérifications utiles près de l'autorité étrangère compétente. Dans un délai de deux mois, elle devrait informer l'intéressé de l'engagement de ces vérifications. Le silence gardé pendant huit mois vaudrait décision de rejet. Le juge administratif pourrait alors être saisi par le requérant.

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