Ce texte, adopté par l'Assemblée nationale en septembre dernier, transpose trois directives européennes : la directive « retour » du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ; la directive « carte bleue européenne » du 25 mai 2009 établissant les conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d'un emploi hautement qualifié et la directive « sanction » du 18 juin 2009 prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.
Premier objectif : améliorer l'intégration des étrangers qui séjournent légalement en France. Lors du renouvellement des titres de séjour et de la délivrance des cartes de résident, sera désormais pris en compte le respect des exigences du contrat d'accueil et d'intégration. A mon sens, il faut limiter la disposition aux renouvellements intervenant pendant l'exécution de ce contrat ou immédiatement après car faire référence à un contrat qui ne serait plus en vigueur n'est pas justifié.
La durée de présence exigée sur le territoire sera réduite à deux ans pour les candidats à la naturalisation qui présentent un parcours exceptionnel d'intégration -l'expression est des députés- et, partant, satisfont manifestement à la condition d'assimilation posée par le code civil.
L'accès à la nationalité française pour les naturalisés sera dorénavant conditionné à la signature d'une charte des droits et devoirs du citoyen. Pour garantir un contrôle objectif de la maîtrise de la langue, l'un des critères essentiels pour apprécier l'assimilation, les députés ont renvoyé à un décret le niveau exigé, selon la condition de l'intéressé, ainsi que les modalités d'évaluation.
En outre, les députés ont étendu d'un an le délai pendant lequel l'administration peut rapporter un décret d'acquisition, de naturalisation ou de réintégration de la nationalité française en cas d'erreur ou de fraude. Dans ce dernier cas, je proposerai de supprimer cette extension. En effet, le délai ne courant qu'à compter de la découverte de la fraude, l'administration dispose déjà d'un temps suffisant pour agir.
Enfin, l'Assemblée nationale, à l'initiative du Gouvernement, a introduit un article qui déchoit de la nationalité française, s'ils l'ont acquise dans les dix ans, les meurtriers de représentants des forces de l'ordre et d'autres personnes à raison de leur fonction. Le champ d'application est particulièrement vaste : tous les dépositaires de l'autorité publique sont visés ainsi que les gardiens d'immeuble. Je préconiserai de le limiter aux seuls crimes commis contre les représentants des forces de l'ordre et les magistrats, conformément à l'objectif fixé par le Président de la République dans son discours de Grenoble. Ensuite, pour garantir la conformité de ce nouveau cas de déchéance à la Constitution et aux engagements internationaux de la France, il convient d'introduire une exigence de proportionnalité entre la sanction prévue et la gravité des faits perpétrés, au vu du quantum de la peine prononcée.
Deuxième objectif du projet de loi, améliorer le contrôle des frontières et certaines dispositions relatives au séjour. Pour sécuriser le régime juridique des zones d'attente, le texte autorise le préfet à créer des zones d'attente ad hoc. Le but est de faire face à des situations exceptionnelles, tel le débarquement d'une centaine de Kurdes sur une plage de Corse du Sud en janvier 2010. Il convient de limiter ce dispositif aux cas d'une arrivée nombreuse par voie de mer et au temps nécessaire à l'examen des situations des arrivants.
Dans la volonté de rééquilibrer notre politique d'immigration, les députés ont intégré dans la partie législative du code la disposition selon laquelle le droit au court séjour des citoyens de l'Union européenne vaut tant qu'ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale, qui figure, pour l'instant, dans la partie réglementaire du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda). Il s'agit d'une transposition de l'article 14 de la directive « Libre circulation » du 29 avril 2004. Ils ont également conditionné le droit au séjour des étrangers malades à l'indisponibilité du traitement dans leur pays d'origine, et non au fait qu'ils ne puissent effectivement en bénéficier. Enfin, pour mieux lutter contre les mariages de complaisance, (« Encore ! » s'exclament plusieurs sénateurs socialistes.) ils ont pénalisé plus fortement les mariages gris, soit ceux dans lesquels le conjoint français a été trompé sur les intentions de son conjoint étranger. Je suggérerai d'expliciter le droit en vigueur, qui réprime déjà de tels faits, plutôt que de conserver la disposition introduite par les députés. Celle-ci soulève, en effet, de nombreux problèmes, entre autres quant à la cohérence de l'échelle des peines.
Troisième objectif du texte, renforcer la lutte contre l'immigration irrégulière. Il s'agit de réformer les procédures et le contentieux de l'éloignement, dont la complexité et l'inefficacité sont connues, en s'appuyant sur la directive « Retour » du 16 décembre 2008 et le rapport de la commission présidée par Pierre Mazeaud intitulé « Pour une politique des migrations transparente, simple et solidaire », remis le 11 juillet 2008.
Parmi les mesures d'éloignement, restera essentiellement l'obligation de quitter le territoire, assortie ou non d'un délai de départ volontaire et -nouveauté de la directive- d'une interdiction de retour d'un à trois ans. La rendre automatique dans certains cas, comme l'ont souhaité les députés, semble disproportionné ; mieux vaut revenir au texte initial.
En matière de contentieux de l'éloignement, la création d'un recours administratif en urgence contre la décision administrative de rétention et le report à cinq jours de l'audience par le juge des libertés et de la détention va indéniablement dans le sens d'une meilleure administration de la justice : le contentieux administratif, y compris du placement en rétention, sera purgé lorsqu'interviendra le juge judiciaire. Néanmoins, le report fait débat. De fait, le Conseil constitutionnel avait censuré en 1980 un système proche, dans lequel le juge intervenait après sept jours, au motif qu'il était contraire à l'article 66 de la Constitution.
L'allongement de la durée maximale de rétention de 32 à 45 jours vise le petit nombre de cas où il est difficile d'obtenir des pays tiers un laissez-passer consulaire. La durée moyenne de rétention devrait donc rester de 10 à 12 jours.
En revanche, limiter les moyens invocables devant le juge des libertés et de la détention, en particulier en audience d'appel, déséquilibre la procédure ; je proposerai des modifications.
Enfin, j'inviterai la commission à adopter les amendements du Gouvernement qui visent à une transposition plus complète de la directive « Libre circulation » du 29 avril 2004. Ils concernent les garanties dont bénéficient les ressortissants communautaires en instance d'éloignement.