Intervention de Xavier Bertrand

Commission des affaires sociales — Réunion du 18 octobre 2011 : 2ème réunion
Loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 — Audition de M. Xavier Bertrand ministre du travail de l'emploi et de la santé

Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé :

C'est notre système de protection sociale qui a permis à la France de mieux résister que d'autres pays à la crise. Dans le cadre actuel de maîtrise de nos finances publiques, nous devons en préserver la pérennité, par une maîtrise responsable des dépenses, tout en maintenant un haut niveau de prise en charge. Avec le PLFSS 2012, le Gouvernement répond à une double exigence de maintien de la solidarité au sein de notre système de protection sociale et de garantie de sa pérennité à travers une gestion responsable de son financement. Cela concerne d'abord notre système de santé et l'assurance maladie. Je parlerai d'abord de la maîtrise des dépenses de santé avant d'évoquer les mesures de recettes.

En 2012, la croissance de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) a été fixée à 2,8 %, ce qui représente 2,2 milliards d'économies par rapport à l'évolution tendancielle des dépenses. Cela nécessite un effort dans tous les champs de l'offre de soins.

Tout d'abord, dans le champ des soins de ville, les actions des caisses d'assurance maladie en matière de maîtrise médicalisée vont se poursuivre, pour produire 550 millions d'euros d'économies.

Concernant le médicament, dont j'assume qu'il s'agit du premier poste auquel des efforts sont demandés, la contribution de l'industrie des produits de santé sera renforcée pour 2012 à hauteur de 770 millions d'euros d'économies : outre le relèvement de certains prélèvements sur lesquels je reviendrai, nous allons en particulier accroître les baisses de prix à hauteur de 670 millions d'euros et favoriser la substitution des génériques pour 40 millions d'euros. Je l'ai dit, nous avons trop de médicaments, trop peu efficaces et trop chers. Une fois n'est pas coutume, je rejoins sur ce point le titre d'un quotidien, Le Parisien - Aujourd'hui en France, sur ce sujet.

Concernant les indemnités journalières (IJ), le PLFSS 2012 harmonisera leurs méthodes de calcul dans toutes les branches - maladie, AT-MP et maternité - en partant systématiquement du salaire net. Cette mesure simplifiera le travail des caisses et des entreprises et elle prépare aussi la déclaration sociale nominative (OSN) qui regroupera l'ensemble des données exigées d'un employeur par les caisses de sécurité sociale. Mais cela va également permettre de réaliser une économie d'environ 220 millions d'euros sur ce poste de dépenses. Depuis 1970, le rapport entre les IJ nettes et le salaire net a fortement augmenté car les prélèvements ont évolué plus rapidement sur les salaires. Je précise que la mesure proposée sera neutre sur les IJ maternité et AT-MP. Il s'agit en fait d'un effort partagé qui, j'en suis bien conscient, se traduira par un relèvement des cotisations pour certaines entreprises.

Pour l'hôpital, la maîtrise des dépenses passe par les contrats de performance conclus avec l'agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap). Ils se poursuivront en 2012 et devraient permettre 150 millions d'euros d'économies. Cela passe aussi par la rationalisation des achats qui représentent, avec 18 milliards d'euros, le deuxième poste de dépenses après le personnel. Les efforts de mutualisation et d'optimisation des achats engagés en 2011 devraient permettre de gagner encore 145 millions d'euros en 2012.

Par ailleurs, le PLFSS 2012 instaurera un mécanisme d'incitation à la performance dans les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (Cpom) sur la base de certains indicateurs de performance, comme le taux d'occupation des salles d'intervention, des salles de scanner ou d'IRM ou le taux de chirurgie ambulatoire.

Enfin, la convergence des tarifs des établissements publics et des établissements privés vers le niveau le plus bas se poursuivra pour la troisième année consécutive, pour un montant de 100 millions d'euros.

Nous maîtrisons les dépenses et, en même temps, l'augmentation de l'Ondam nous permet d'investir pour faire évoluer au mieux l'offre de soins.

Tout d'abord, le PLFSS 2012 propose la création du fonds d'intervention régionale, qui mutualise les crédits sanitaires dans la main des ARS pour les responsabiliser pleinement.

Les cycles conventionnels contribuent à renforcer la relation de confiance avec les professionnels de santé. La convention signée le 21 juillet dernier avec les médecins a généralisé la rémunération à la performance, ce qui consolidera l'amélioration des pratiques et nos objectifs de maîtrise médicalisée En outre, les expérimentations des nouveaux modes de rémunération seront prolongées de deux ans dans ce PLFSS. Ceux-ci permettent de créer une rémunération adaptée aux maisons de santé pluridisciplinaires.

Les négociations conventionnelles avec les pharmaciens libéraux vont débuter. Le PLFSS 2012 propose un cadre conventionnel qui permettra aux pharmaciens d'assumer pleinement leur rôle de professionnels de santé et de restructurer le réseau des officines.

Nous apportons aussi des recettes nouvelles. Les mesures de recettes présentées par le Premier ministre apporteront plus de 4 milliards d'euros à la branche maladie du régime général, dont 1,7 milliard via des mesures inscrites en PLFSS 2012, le reste ayant été adopté dans la loi de finances rectificative pour 2011. Ces mesures amélioreront le solde de la branche maladie du régime général : le déficit s'élèvera à 5,9 milliards d'euros en 2012, contre 12 milliards en tendanciel, soit deux fois moins, ce qui, malgré tout, est une bonne nouvelle pour notre système de santé. Comme l'a montré la commission des comptes de la santé, nous parvenons à maîtriser les dépenses de santé tout en maintenant un haut niveau de prise en charge.

Le reste à charge des ménages a diminué en 2010 pour la troisième année consécutive et représente 9,4 % de la consommation de soins et de biens médicaux. D'après l'OCDE, la France se trouve ainsi à la deuxième place derrière les Pays-Bas. Ce ne sont pas mes chiffres, je ne m'en glorifie pas : c'est simplement la réalité.

Par ailleurs, nous continuons à garantir l'accès aux soins pour les plus modestes. La CMU-c, qui bénéficie à plus de 4,2 millions de personnes, et l'aide au paiement d'une assurance complémentaire santé (ACS) ont prouvé qu'elles étaient des réponses pertinentes. Pour les assurés dont les ressources sont situées juste au-dessus du plafond, le Gouvernement s'est déjà engagé, dans la LFSS 2011, à faciliter l'accès aux plus modestes, en portant le plafond de ressources ouvrant droit à l'ACS à 130 % du plafond de la CMU-c au 1er janvier 2012. Cela permettra de passer de 532 000 à 760 000 bénéficiaires. Je suis d'ailleurs prêt à aller plus loin dans le débat parlementaire.

S'agissant des dépassements d'honoraires qui préoccupent légitimement nombre de patients et d'élus, j'ai toujours dit que, conformément aux engagements pris en 2009 par l'assurance maladie et les représentants de médecins libéraux, et réitérés par la convention médicale signée le 21 juillet dernier, je souhaite que le secteur optionnel soit mis en place dans les meilleurs délais. Je n'ai pas changé de position et je reste déterminé à ce que l'on trouve une solution. Le secteur optionnel constituera un outil d'encadrement des dépassements. Je privilégierai toujours le dialogue, qui est à mon sens la meilleure des voies. Mais si cela n'aboutissait pas, nous agirons. Je préfère la concertation mais je prendrai mes responsabilités.

A la suite des assises du médicament, le taux de la contribution sur le chiffre d'affaires de l'industrie pharmaceutique passera de 1 % à 1,6 %, pour un rendement supplémentaire de 150 millions qui ira au financement de la formation médicale continue de tous les médecins hospitaliers et libéraux.

Enfin, le financement de l'Afssaps sera augmenté de 40 millions d'euros et ne proviendra plus directement de l'industrie pharmaceutique mais de l'assurance maladie. La transparence est, à mon avis, le gage d'un maximum de qualité.

Cette exigence de responsabilité vaut également pour la branche vieillesse, dans la continuité de la réforme de 2010. Dix mois après la publication de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites et plus de deux mois après son entrée en vigueur effective le 1er juillet dernier, les trois quarts des textes d'application ont été publiés. Le Gouvernement confirme l'objectif de retour à l'équilibre de l'ensemble des régimes de retraite de la branche vieillesse à l'horizon 2018. En 2012, le solde de la branche vieillesse du régime général sera nettement amélioré par rapport au solde tendanciel, soit un déficit prévisionnel de 5,8 milliards. Nous tiendrons l'engagement du Président de la République de revaloriser de 25 % le minimum vieillesse pour les personnes seules au cours du quinquennat. Par ailleurs, la réforme des retraites sera prolongée par des mesures du PLFSS 2012, la principale étant l'amélioration du solde du régime des exploitants agricoles, qui connaîtra un déficit cumulé de 3,8 milliards fin 2011. Pour réduire ce déficit, le Gouvernement prévoit deux volets : une reprise de dette par la Cades, sans allongement de son calendrier d'amortissement, et l'affectation de recettes nouvelles provenant du relèvement prévu du prix des boissons alcoolisées pour 2012 et d'une affectation de droits sur les bières et boissons non alcoolisées.

Quant à la branche AT-MP, si elle reste à l'équilibre c'est, vous le savez, parce que le taux de cotisation a été relevé de 0,1 % à partir de 2011. Cette branche assure le financement des dépenses des fonds spécialisés pour l'indemnisation des victimes de l'amiante dont le montant est reconduit à leur niveau des années précédentes. Vous savez aussi que cette branche contribue à la branche maladie au titre de la sous-déclaration des accidents du travail et maladies professionnelles. Cette contribution sera légèrement revalorisée dans la LFSS 2012, pour tenir compte du dernier rapport de la commission présidée par Noël Diricq. Nous voulons en même temps travailler sur la prévention des risques professionnels et prévenir la pénibilité.

Je terminerai en rappelant que pérenniser notre système de protection sociale, c'est aussi lutter contre la fraude aux prestations sociales et poursuivre les efforts engagés les années précédentes. Le PLFFS 2012 prévoit que les informations déclarées à Tracfin seront désormais transmises aux organismes de sécurité sociale lorsqu'elles ont trait au travail dissimulé. Par ailleurs, nous mettons en oeuvre le répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS) - que l'on peut aussi appeler fichier des allocataires sociaux - qui comprend à la fois les données d'affiliation et les prestations servies aux assurés. Il sera pleinement opérationnel à la fin de l'année. Cela permettra d'avoir une photographie complète de la situation d'un assuré social : son régime, sa caisse d'affiliation et l'ensemble des prestations qui lui sont servies. Ce sera donc un outil très efficace pour lutter contre la fraude en repérant les incohérences et les doublons. Nous aurons ainsi une vision complète des prestations versées à l'ensemble des assurés sociaux.

Le dernier point concerne le contrôle des arrêts de travail des fonctionnaires ; l'expérimentation commencée l'an dernier sera prolongée de deux ans.

Telles sont les mesures que propose le Gouvernement pour préserver notre système de protection sociale. Je suis bien entendu à votre entière disposition pour répondre à vos questions.

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