a souligné l'émotion qui est la sienne et celle de toute l'entreprise suscitée par les événements tragiques qu'elle a vécus, et à nouveau renforcée par le terrible drame survenu la veille à Annecy. Il s'est d'ailleurs immédiatement rendu sur place afin de présenter ses condoléances et celles du groupe à la famille et aux collègues du salarié.
Il lui paraît essentiel d'exposer aux sénateurs les actions mises en oeuvre pour tenter d'enrayer la crise actuelle car le législateur peut jouer un rôle majeur en aidant les entreprises à améliorer les conditions de travail des salariés et à mieux les former tout au long de leur carrière. Au-delà du cas de France Télécom, c'est la question de la place de l'humain dans la société qui est ici abordée. Cette question lui paraît d'autant plus cruciale qu'il a consacré pratiquement quarante ans de sa vie professionnelle à cette entreprise exceptionnelle qu'est France Télécom. Avec les hommes et les femmes qui la constituent, celle-ci saura faire à nouveau face à la crise.
Une triple promesse a été faite aux salariés : celle de tirer les leçons de cette épreuve ensemble et non pas simplement au niveau de la direction, celle de se mobiliser pour préserver la valeur du travail et celle de continuer à construire l'édifice qui fait de France Télécom un acteur majeur sur le marché mondial des télécommunications. Cette triple promesse repose sur une priorité absolue : la santé et le bien-être des salariés.
Un bref retour en arrière permet de mesurer la vitesse du changement qu'a connu l'entreprise. En 2002, celle-ci se trouvait dans une situation extrêmement difficile, avec une dette de 70 milliards et une concurrence chaque jour plus intense. Il a fait le choix avec Thierry Breton, alors président-directeur général de France Télécom, de maintenir l'emploi de tous les salariés du groupe, contrairement à la politique suivie par ses grands concurrents européens. Tous les salariés n'ont pas appréhendé la mutation de l'entreprise de façon similaire ni au même rythme. Néanmoins, M. Didier Lombard a insisté sur le fait que l'absence de plan social est un choix qu'il assume et qu'il referait. Ceci étant, des erreurs ont forcément été commises, notamment sur l'accompagnement du changement et sur la nécessité de veiller en permanence à ce que les évolutions d'organisation soient expliquées et effectivement intégrées par tous les salariés. Cela explique peut-être une partie de la situation actuelle bien que le diagnostic reste insuffisant.
Des mesures d'urgence ont été prises ces dernières semaines et un dispositif de dialogue social renouvelé a été instauré afin de prendre un nouveau départ. La première urgence était de stopper ce phénomène de « contagion », cette « spirale infernale » qui s'est enclenchée et qui a endeuillé les familles. C'est pourquoi, en coordination avec les médecins du travail, des conférences sanitaires ont été organisées, réunissant managers et équipes médicales pour identifier, dans le respect du secret médical, les personnes les plus en difficulté.
Parallèlement, une « ligne de dialogue » a été mise en place, qui permet aux salariés d'entrer en relation avec un cabinet de psychologues indépendants. D'ores et déjà, près de deux cents personnes ont contacté ce service et une vingtaine va bénéficier d'entretiens en face à face. Ce dispositif vient compléter les espaces d'écoute qui existent au sein de France Télécom et qui ont, depuis leur création en 2007, entendu plus de cinq cent cinquante cas pour lesquels des actions ont été engagées soit pour soutenir les personnes, soit pour suggérer une autre organisation du travail.
Toutes les mobilités liées à des réorganisations ont été suspendues jusqu'au 31 octobre. D'ici cette date, l'ensemble des mobilités en cours seront étudiées pour repérer celles qui posent des problèmes. Leurs modalités d'accompagnement doivent également être revues. Par ailleurs le 28 septembre, à Annecy-le-Vieux, a été annoncée la fin du principe de mobilité systématique des cadres tous les trois ans.
Le sujet des mobilités constitue l'un des thèmes des cinq groupes de négociations qui ont été mis en place. Les quatre autres portent sur les conditions de travail, l'organisation du travail, l'équilibre vie familiale-vie professionnelle, ce qui est un sujet nouveau, et, enfin, l'efficacité et l'organisation des instances de représentation du personnel qui ont sans doute pâti du passage du statut public au statut privé de l'entreprise. Le travail est engagé avec l'ensemble des organisations syndicales pour que cette négociation avance vite et qu'elle apporte des solutions concrètes et réalistes aux salariés du groupe. Pour faire face à l'urgence de la situation, les groupes de négociation se réunissent dès cette semaine et leurs séances plénières se dérouleront sur le rythme d'une réunion toutes les deux semaines.
Un effort sera également fait en faveur des équipes de ressources humaines de proximité qui jouent un rôle central dans la vie quotidienne des salariés sur le terrain : cent postes supplémentaires vont être créés ; près de soixante postes ont déjà été identifiés et seront pourvus rapidement. Parallèlement, le réseau des médecins du travail sera renforcé. Le cas de la dernière personne qui s'est suicidée est malheureusement exemplaire : elle avait demandé un rendez-vous au médecin du travail le jeudi et n'en avait obtenu un que pour le lundi de la semaine suivante.
Afin de préserver le moral de l'ensemble des personnels qui ne sont pas en situation de risque, les partenaires syndicaux ont chargé le cabinet Technologia de réaliser un audit complet de la situation de l'entreprise à partir d'un questionnaire, adressé à tous les salariés du groupe sur les conditions de travail et les améliorations à apporter, et d'une étude qualitative.
La formation managériale sera aussi améliorée. Les cadres de France Télécom sont recrutés sur leurs compétences professionnelles et non pas sur leur aptitude managériale. Or, celle-ci ne s'improvise pas. La direction des ressources humaines du groupe doit travailler rapidement à un dispositif répondant à la nécessité d'améliorer la qualité managériale des dirigeants de proximité et M. Didier Lombard a indiqué qu'il s'impliquera personnellement dans sa mise en oeuvre.
Le Parlement pourrait contribuer de manière importante à aider les salariés tout au long de leur carrière, notamment pour rendre plus simples certains changements de métier. Par ailleurs, la question du passage d'un congé de maladie à un congé de longue durée a un lien direct avec les suicides en entreprise et mérite d'être approfondie.
Depuis la semaine dernière, des réunions de terrain ont commencé afin de libérer la parole des salariés qui sont en état de choc. Les négociations en cours s'achèveront en décembre. Elles serviront de base à l'annonce d'un nouveau grand projet pour l'entreprise susceptible de mobiliser l'ensemble de ses personnels. La communauté d'hommes et de femmes qui est la force de France Télécom et qui a permis à l'entreprise de se transformer entièrement au cours des dix dernières années repartira de l'avant une fois le sujet réglé. Ainsi, France Télécom conservera sa place mondiale.