Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission a entendu Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, sur la préparation à une pandémie de grippe A (H1N1).
a présenté la politique du Gouvernement pour faire face au risque de pandémie de grippe A (H1N1). Les décisions ont été prises de manière collégiale, sur le fondement des analyses et expertises scientifiques, en associant l'ensemble des acteurs et des responsables politiques.
Après avoir donné l'alerte, le 24 avril dernier, sur l'émergence de ce nouveau virus de la grippe A, doté d'une capacité de transmission interhumaine, l'organisation mondiale de la santé (OMS) est passée, le 11 juin, en phase 6 de son plan de préparation à une pandémie.
Le 9 septembre, alors que les départements et collectivités d'outre-mer français étaient déjà en situation épidémique depuis plusieurs semaines, l'institut de veille sanitaire (InVS) a annoncé le franchissement du seuil épidémique de la grippe en métropole. Depuis, l'augmentation du nombre de cas s'est confirmée avec une incidence estimée, pour la semaine du 14 au 20 septembre, à 262 cas pour 100 000 habitants, soit un niveau supérieur au seuil épidémique fixé pour cette période à 90 pour 100 000. Pour autant, la situation française ne justifie pas un passage au stade 6 dans l'immédiat.
Grâce à l'élaboration d'un plan national de prévention et à la création, dès 2007, de l'établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus), la France est en mesure de faire face à cette pandémie. Le plan a été testé, évalué et actualisé, sous l'égide du secrétariat général de la défense nationale, par les ministères concernés, avec l'appui du professeur Didier Houssin, directeur général de la santé et délégué interministériel à la lutte contre la grippe aviaire.
La France dispose déjà d'un stock important de moyens de protection : 1 milliard de masques anti-projections destinés aux malades, 900 millions de masques de protection de type FFP2 pour les personnes particulièrement exposées et 33 millions de traitements antiviraux. Un programme d'achats prévoit le renouvellement des stocks de masques FFP2 en fonction des besoins. Par ailleurs, un site Internet (pandemie-grippale.gouv.fr) permet de diffuser les informations pratiques relatives aux comportements de prévention et des opérations de formation et d'information des professionnels de santé ainsi qu'une campagne de communication à destination du grand public ont été engagées.
La question de la sécurité sanitaire, et plus particulièrement celle de la préparation à une pandémie grippale, avait été inscrite parmi les trois priorités de la présidence française de l'Union européenne et un conseil informel y a été consacré. Il en résulte une coordination européenne, dans le cadre du comité de sécurité sanitaire, pour lutter contre la pandémie, qui viendra renforcer l'efficacité du plan national.
La menace pandémique s'est concrétisée selon des modalités inattendues : d'une part, le virus est venu de l'Ouest et non de l'Est ; d'autre part, il est moins virulent à ce jour que le virus H5N1, qui circule actuellement principalement dans la faune aviaire et contre lequel la France avait commencé à se préparer.
Le H1N1 a toutefois montré sa capacité exceptionnelle à se transmettre d'homme à homme, avec une rapidité qui lui permet de parcourir en six semaines la même distance qu'un autre virus en six mois. Le nombre de personnes infectées est aussi sans précédent : jusqu'à 30 % des habitants des pays à forte densité de population pourraient être touchés, avec un risque de surcharge des services d'urgence et de soins intensifs, d'où l'utilité d'un plan de préparation, notamment outre-mer en raison de la situation géographique des territoires.
Ce plan prévoit de confier le pilotage opérationnel de la préparation à la crise au ministre de l'intérieur dans le cadre d'une cellule interministérielle qu'il préside. Les préfets ont été réunis plusieurs fois pour être informés des dispositions à prendre dans les domaines des affaires internationales, des transports et de l'éducation nationale en fonction des caractéristiques du virus.
Le niveau d'activation du plan national est actuellement maintenu en phase 5A et comporte des mesures spécifiques pour les voyageurs.
Les modalités de prise en charge médicale ont aussi été adaptées : totalement hospitalière dans un premier temps, pour limiter au maximum l'entrée du virus sur le territoire et prendre le temps de mieux le connaître, elle a été progressivement élargie à d'autres établissements de santé puis au secteur ambulatoire, afin de réserver l'hospitalisation aux seuls cas graves. L'objectif est aujourd'hui de privilégier le maintien à domicile des formes bénignes, afin de ne pas surcharger les hôpitaux. La prescription systématique d'antiviraux, qui prévalait au départ, a par ailleurs été remplacée par une prescription au cas par cas, sur évaluation du clinicien.
Les capacités d'accueil du système de soins ont été renforcées, en particulier pour les unités les plus susceptibles d'être sollicitées au moment du pic épidémique (centres 15 par exemple). Parallèlement, cent respirateurs supplémentaires et trente-quatre appareils d'oxygénation extracorporelle sur membrane (Ecmo) ont été acquis pour permettre la prise en charge, en milieu hospitalier, des cas de détresses respiratoires aiguës, liées soit à une surinfection pulmonaire, soit à une atteinte directe des membranes pulmonaires par le virus. Le système hospitalier devrait donc pouvoir absorber quantitativement une vague épidémique calculée sur la base d'hypothèses pessimistes, au prix de redéploiements et de déprogrammations.
En revanche, les données qui proviennent d'Australie et de Nouvelle-Zélande montrent que cette adéquation quantitative peut masquer des difficultés d'ordre qualitatif, le traitement des formes graves nécessitant le recours fréquent à de l'épuration extrarénale et à une ventilation sophistiquée, avec oxygénation extracorporelle. Afin d'adapter de façon réactive le dispositif de prise en charge, un groupe d'experts scientifiques est consulté régulièrement par les décideurs.
C'est ainsi qu'a été mise en place la stratégie relative à la vaccination : les industriels ont été mobilisés pour que les vaccins soient rapidement mis au point et puissent être proposés à l'ensemble de la population. Les premiers vaccins ont été livrés début septembre, mais ils ne pourront être utilisés qu'après autorisations de mise sur le marché (AMM) dûment délivrées par les autorités sanitaires européennes, qui garantiront leur efficacité et leur sécurité. Si, à l'issue de la réunion de l'agence européenne du médicament (Emea) la semaine prochaine, les experts rendent un avis favorable, ces autorisations pourraient être délivrées dans les premiers jours d'octobre.
Afin de permettre la vaccination du plus grand nombre, le tiers payant sera intégral et les organismes complémentaires seront amenés à couvrir l'équivalent du ticket modérateur selon des modalités qui seront définies dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
La vaccination ne sera pas obligatoire mais Mme Roselyne Bachelot-Narquin a fait valoir que, au-delà de la protection individuelle qu'elle procure, elle constitue un acte altruiste, qui contribue à protéger l'entourage et notamment les personnes plus vulnérables ou qui ne peuvent être vaccinées du fait de contre-indications médicales.
Parce que les premières doses seront livrées progressivement, le Gouvernement a défini, sur la base de l'avis rendu à l'unanimité par le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) le 7 septembre dernier, l'ordre de priorité selon lequel les personnes qui le souhaitent seront vaccinées, avec l'objectif de permettre à tous d'y avoir accès à terme. Cet avis s'appuie sur des considérations exclusivement sanitaires à partir de deux critères définissant l'ordre de priorité : le degré de vulnérabilité des personnes et la protection des personnels de santé, médico-sociaux et de secours.
Conformément à l'avis du HCSP, la stratégie vaccinale du Gouvernement privilégie l'octroi d'une protection maximale et rapide aux populations figurant en tête de l'ordre fixé, plutôt qu'une protection partielle à un plus grand nombre, sauf si la donne devait changer sur le schéma de la double injection.
Le schéma vaccinal actuel prévoit en effet deux injections séparées de vingt et un jours. L'avis rendu le 25 septembre dernier par l'Emea ne permet pas pour l'instant d'envisager une vaccination par injection unique pour certaines catégories de la population. Ceci étant, des études complémentaires devraient être disponibles dans les deux prochains mois : si l'efficacité vaccinale après une seule dose était confirmée, cela permettrait de proposer plus rapidement la vaccination au plus grand nombre.
Le lancement de la campagne de vaccination reste tributaire des AMM et de l'analyse des dernières données épidémiologiques. Le HCSP se prononcera le 2 octobre sur ce point, ce qui devrait permettre de débuter la campagne de vaccination vers le 15 octobre. Quoi qu'il en soit, il apparaît que la vaccination n'est jamais trop tardive, les pandémies pouvant revenir sous la forme de vagues successives avant que l'ensemble de la population acquière une forme de protection contre le virus.
En ce qui concerne les adjuvants, l'avis du HCSP souligne « la pertinence du développement et de l'utilisation d'un vaccin pandémique avec adjuvant ». Cette substance fait l'objet d'une utilisation clinique et aucun signal ne laisse craindre la survenance d'effets secondaires graves. Toutefois, il est à ce stade préférable de disposer d'un vaccin sans adjuvant pour les sujets dont le système immunitaire est immature (comme les jeunes enfants) ou modifié (comme les femmes enceintes ou certains immunodéprimés). Les AMM devraient apporter des précisions sur ce point mais selon l'Emea, les vaccins expertisés peuvent être utilisés chez la femme enceinte.
a ensuite évoqué les programmes de prévention et de communication mis en oeuvre auprès du grand public, en particulier sur les gestes barrières qui permettent de limiter la transmission du virus. Un numéro dédié a été mis en place et le site Internet du Gouvernement, qui reçoit plusieurs dizaines de milliers de visites par jour, a été renforcé. L'information des professionnels de santé est également assurée par un site Internet dédié et la mise en place d'un mailing direct, ainsi que des rencontres régulières avec leurs représentants et l'envoi d'un courrier à l'ensemble des médecins généralistes, ORL, pédiatres et pneumologues.
Sur le plan matériel, les commandes de renouvellement de masques sont en cours de livraison et les stocks d'antiviraux sont prêts. Les vaccins vont commencer à être livrés et le seront régulièrement à partir de la mi-octobre. Les centres de vaccination s'organisent sous la responsabilité des préfets, sur l'ensemble du territoire avec la mobilisation des professionnels de santé et personnels administratifs. Enfin, les établissements de santé s'organisent pour déprogrammer certaines opérations non urgentes, si l'afflux de patients atteints de la grippe venait à le justifier.
Cette préparation nécessite un effort financier global important d'environ 1,5 milliard d'euros. L'Eprus supporte l'essentiel des dépenses d'acquisition et de gestion des moyens de protection de la population : ses dépenses non prévues dans la programmation budgétaire initiale pour 2009 sont évaluées à 876 millions d'euros, dont 808 millions pour les vaccins, pour un total de dépenses estimé à 1,136 milliard. Les marchés ont été négociés de façon collégiale par le directeur général de l'Eprus, le président du comité économique des produits de santé (Ceps), et le directeur général de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). Au 1er janvier 2009, l'Eprus disposait de 421,9 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 365,1 millions en crédits de paiement. L'avance consentie par l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), pour un montant maximum de 879 millions, a permis à l'établissement d'engager l'achat des vaccins et des consommables - seringues et containers de gestion des déchets - et de couvrir les coûts de gestion des stocks. En conséquence, et pour respecter l'obligation de financement paritaire de l'Eprus par l'Etat et l'assurance maladie, il sera nécessaire de réviser les dotations initiales de cet établissement.
Par ailleurs, la prise en charge du coût de l'indemnisation des professionnels de santé réquisitionnés dans le cadre de la campagne de vaccination entraînera des dépenses supplémentaires de soins de ville estimées, à ce stade, à 240 millions d'euros pour l'assurance maladie, montant susceptible de varier en fonction du rythme effectif de délivrance des vaccins et des catégories de personnels libéraux et salariés mobilisés pour vacciner.
Les dépenses liées à la mise en place du dispositif de suivi de la campagne de vaccination par la Cnam, pour la conception et la réalisation des bases informatiques et les frais d'acheminement des courriers aux personnes à vacciner, sont estimées à 53 millions d'euros. Ces coûts pourraient être pris en charge par l'assurance maladie à partir d'un redéploiement au sein du fonds national de prévention, d'éducation et d'information sanitaires (FNPEIS).
D'autres dépenses résulteront vraisemblablement de la préparation à la lutte contre la pandémie : organisation territoriale de la campagne de vaccination, mobilisation des personnels administratifs qui participeront au fonctionnement des centres, location des locaux lorsque ceux-ci ne seront pas mis à disposition par les collectivités territoriales. Ces coûts ne relevant pas du champ sanitaire, ils ne seront pas pris en charge par l'assurance maladie ou les crédits du ministère de la santé.
Pour conclure, Mme Roselyne Bachelot-Narquin a souligné le rôle majeur que devront jouer les élus pour informer et mobiliser le tissu social et associatif et a appelé à la solidarité et au sens civique de chacun. Les dernières données de l'InVS indiquent que l'épidémie a débuté. Face à ce risque sanitaire, social et économique, chacun doit se sentir concerné, dans les décisions les plus importantes comme dans les gestes les plus simples du quotidien.