Le co-rapporteur que je suis ne dressera pas un listing de chiffres. J'organiserai plutôt mon propos autour de trois interrogations sur le revenu des agriculteurs, l'installation des jeunes, dont le moins qu'on puisse dire est qu'ils ne profitent pas des 35 heures, et enfin la politique agricole commune.
Si ce budget peut donner un petit coup de pouce aux agriculteurs, l'essentiel est porté par l'Europe qui assure 60 % du financement (10 milliards d'euros). Au fil du temps, l'ambition régulatrice de l'Europe s'est évanouie ; une mutation est intervenue, la régulation a cédé la place à l'orientation vers le marché. Or, laisser ce dernier fixer les prix a des effets dévastateurs. Celui des céréales a explosé avant de retomber, celui du lait a connu l'évolution que vous savez. Devant la réalité de la volatilité des prix, ne peut-on s'interroger sur la réhabilitation de la régulation sans se contenter comme la Commission d'un filet de sécurité ?
L'Observatoire des prix et des marges, dont la LMA a élargi les compétences, pourrait permettre d'avancer vers plus de transparence, mais ses moyens sont limités à cinq agents ! Dans ces conditions, comment étudier convenablement les écarts entre les prix payés au producteur et ceux qu'acquittent les consommateurs, écarts devenus considérable pour le lait, la viande et les fruits et légumes ?
En ce qui concerne les conditions de travail, je me réjouis que l'Assemblée nationale ait prolongé le crédit d'impôt pour les remplacements : si nous voulons assurer le renouvellement des générations, il faut créer des conditions de travail adaptées à notre temps. Je déplore en revanche que les crédits affectés à la rénovation des bâtiments d'élevage soient en légère diminution, alors que les besoins s'accroissent.
Il faut aussi favoriser les regroupements d'exploitation, notamment en aval pour la commercialisation : face aux exigences des abattoirs privés et des grands distributeurs, les agriculteurs doivent faire front commun. En amont, sans doute faudrait-il encourager la création d'ateliers d'élevage communs, chaque éleveur conservant son exploitation : il en existe déjà. On réalise ainsi des économies d'échelle et l'on améliore les conditions de vie des agriculteurs. Il ne s'agit pas de remettre en cause la tradition française de l'exploitation familiale, mais notre rôle est de suggérer des innovations.
J'approuve les allégements de charges patronales sur l'emploi saisonnier, notamment dans le secteur des fruits et légumes. Mais prête-t-on assez d'attention aux conditions de travail des saisonniers ?
Le modèle agricole français se caractérise par la prédominance des exploitations à taille humaine, du propriétaire-exploitant polyvalent. Il faudra prendre garde à ce que la réforme de la PAC ne favorise pas les propriétaires fonciers au détriment des exploitants, en liant les aides à la propriété foncière.
Je salue la préservation dans ce budget des crédits consacrés à l'indemnité compensatrice des handicaps naturels, la prime à la vache allaitante et à la prime herbagère.
Le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » (Casdar) sert à financer la recherche, le développement et les transferts d'exploitation. Ses crédits baissent de 114 à 110 millions d'euros, et le périmètre du compte est élargi, puisqu'il comprend désormais les crédits alloués à la génétique animale et végétale : c'est très regrettable.
Tant que nous n'aurons pas réglé les problèmes du revenu agricole et des conditions de travail, qui se posent avec une acuité toute particulière en France, nous serons en position de faiblesse vis-à-vis de nos partenaires européens pour négocier la future PAC. A titre personnel, je ne voterai pas ce budget, mais conformément à la tradition, je vous proposerai de vous en remettre à la sagesse de nos collègues.