Puis la commission a entendu une communication de M. Alain Vasselle sur le rapport du Gouvernement sur les prélèvements obligatoires et leur évolution (article 52 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances).
a d'abord rappelé le cadre dans lequel se déroule ce débat puisqu'à l'initiative du Sénat, l'article 52 de la loi organique relative aux lois de finances a prévu le dépôt chaque année, par le Gouvernement, d'un rapport sur les prélèvements obligatoires, éventuellement accompagné d'un débat en séance publique. Ce débat a eu lieu tous les ans au Sénat depuis 2002. Il permet de mettre en perspective certaines caractéristiques de l'évolution actuelle des prélèvements sociaux et de débattre en direct et simultanément avec les ministres chargés du budget et de la sécurité sociale.
Globalement, le niveau des prélèvements obligatoires français est élevé. Il s'établit à 44 % du produit intérieur brut (PIB) en 2006 et devrait revenir à un taux légèrement inférieur en 2007, soit 43,7 %. Ce retrait recouvre des tendances divergentes selon les sous-secteurs. Ainsi, les prélèvements de l'Etat accusent une baisse sensible tandis que les prélèvements sociaux et les prélèvements au profit des collectivités locales continuent leur progression. En conséquence de cette évolution, les prélèvements sociaux devraient représenter, pour la première fois en 2006, plus de la moitié des prélèvements obligatoires, soit près de 400 milliards d'euros sur un total de 784 milliards. L'écart entre les prélèvements sociaux et les prélèvements de l'Etat est désormais supérieur à 127 milliards d'euros, équivalent à plus de deux fois le montant du produit de l'impôt sur le revenu.
Cette situation résulte d'une part, des mesures des dernières lois de financement et lois de finances ainsi que de la mise en oeuvre des réformes des retraites et de l'assurance maladie, d'autre part, de l'aboutissement d'un processus de long terme qui a entraîné un remodelage complet des prélèvements sociaux. En 2006, les prélèvements sociaux augmentent de 1,1 point de PIB sous l'effet de deux facteurs : des mesures nouvelles, dont 2 milliards de hausse de cotisations et 2,7 milliards au titre de la modification du régime des prélèvements sociaux sur les plans d'épargne logement (PEL), et le transfert d'un panier de neuf recettes fiscales à la sécurité sociale pour financer la compensation des allégements de cotisations patronales sur les bas salaires.
Ce transfert, par un effet miroir, a diminué les prélèvements de l'Etat de près de 20 milliards, ce qui, avec les baisses d'impôt votées dans la loi de finances pour 2006, a permis une réduction des prélèvements de l'Etat de 1,2 point de PIB en 2006. Pour l'année prochaine, les prélèvements de l'Etat poursuivront leur baisse grâce à l'entrée en vigueur de la nouvelle réforme fiscale, dont l'impact est de l'ordre de 6 milliards d'euros. Pour les prélèvements sociaux, l'année 2007 est une année de stabilisation avec un maintien du taux de prélèvement à 22,2 % du PIB.
En effet, l'année prochaine, les prélèvements sociaux seront affectés à la fois par des mesures nouvelles négatives et des mesures nouvelles positives. Parmi les pertes de recettes, il faut citer le passage en régime de croisière du dispositif de prélèvement sur les intérêts produits par les PEL, soit une perte de 2,1 milliards d'euros ; le retour à 1 % du taux de la taxe sur l'industrie pharmaceutique, porté exceptionnellement l'année dernière à 1,76 %, soit une perte de 170 millions d'euros ; un accroissement des allégements de cotisations sur les bas salaires dans les entreprises de moins de vingt salariés pour un coût de 320 millions d'euros ; l'extension du régime de l'aide aux chômeurs créateurs d'entreprises (Accre) avec un manque à gagner de 100 millions d'euros. Ces mesures ne seront que partiellement compensées par trois nouvelles recettes résultant d'un transfert de 480 millions de droits sur les tabacs, de l'impact de la réforme du barème de l'impôt sur le revenu, sur la CSG, sur les revenus du patrimoine, soit une recette supplémentaire de 500 millions d'euros, et de la modification du régime de versement des acomptes des prélèvements sociaux sur les placements qui se traduit par une anticipation de 430 millions de recettes en 2007.
a regretté la très grande fragilité des recettes liées à l'anticipation des prélèvements sociaux sur les produits de placement. Ce sont des mesures « à un coup » qui ont un effet trompeur dans la construction de l'équilibre des comptes. La mesure PEL de l'an dernier, par exemple, a permis de réduire le déficit de la sécurité sociale pour 2006 de 2 milliards d'euros mais sans reproduction possible en 2007. Ce type de mesure ne fait que reporter le problème du financement de la sécurité sociale sans en permettre la résolution de façon durable.
Puis M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, a évoqué les évolutions de long terme constatées sur les prélèvements sociaux. En vingt-cinq ans, ceux-ci sont passés de 16 % du PIB à plus de 22 %. En outre, leur structure s'est profondément modifiée, d'une part sous l'effet d'une tendance à la diversification des recettes et à l'élargissement de l'assiette du prélèvement social, d'autre part, en raison de la mise en place d'allégements de cotisations sur les bas salaires. A l'origine en effet, le financement de la sécurité sociale était exclusivement fondé sur des cotisations assises sur les salaires. En 1978, les cotisations représentaient 97 % du financement des organismes sociaux et un taux de 15,4 % du PIB. Aujourd'hui, ces chiffres s'élèvent à 72 % et 16 % du PIB, ce qui est plus conforme à la moyenne des pays de l'Union européenne. Les cotisations sociales constituent toujours la majorité des ressources de la protection sociale malgré la diversification intervenue au cours des dernières années : création en 1991 de la contribution sociale généralisée (CSG), assise aussi bien sur les revenus d'activité que les revenus de remplacement et les revenus du patrimoine et des produits de placements, affectation à la sécurité sociale de la contribution sociale de solidarité sur les sociétés (CSSS), des droits sur les tabacs et les alcools, et de certaines taxes spécifiques comme les contributions dues par l'industrie pharmaceutique.
La deuxième évolution majeure des prélèvements sociaux résulte de la politique d'exonérations de cotisations patronales, mise en place d'abord en direction de publics spécifiques puis de manière plus générale sur les bas salaires. Cette politique a poursuivi un objectif clair de réduction du coût relatif du travail des salariés les moins qualifiés. Son enjeu financier est lourd car les allégements généraux représentent une masse proche de 20 milliards d'euros. En étendant cette année le dispositif à l'ensemble des cotisations patronales au niveau du Smic pour les entreprises de moins de vingt salariés, le Gouvernement manifeste son intention de poursuivre cet axe majeur de la politique de l'emploi. De ce fait, le système dégressif initial de cotisations sociales plafonnées a été peu à peu transformé en un système partiellement progressif.
a ensuite développé plusieurs réflexions inspirées par ces évolutions. La première concerne les exonérations de charges qui doivent être compensées par l'Etat comme l'a imposé la loi Veil de 1994. En effet, la sécurité sociale ne peut pas financer la politique de l'emploi, ce qui rend d'autant plus regrettable l'insuffisante compensation des exonérations de charges ciblées par le Gouvernement. La progression très dynamique et difficilement maîtrisable de ces dépenses pose un réel problème comme l'a souligné le récent rapport de la Cour des comptes sur le bilan des allégements de charges sociales. Il en ressort que les mesures d'allégements généraux ont certainement permis un « enrichissement » de la croissance en emplois peu qualifiés bien que leur coût soit élevé. La Cour précise d'ailleurs que 1 % de hausse du Smic entraîne un coût supplémentaire pour les finances publiques de 600 millions d'euros. Pour les dispositifs d'exonérations ciblées sur des publics particuliers ou sur des territoires, la Cour est plus critique, les jugeant à la fois nombreux, instables et d'efficacité très inégale. Elle estime donc nécessaire de s'interroger sur la pérennité et l'ampleur du calibrage du dispositif. Ainsi, au regard de ces observations et de la baisse continue du chômage, il devient possible de revoir le dispositif des allégements de charges, ce qui permettrait d'envisager l'utilisation d'une partie du panier de recettes pour des dépenses de redistribution.
a indiqué que le principal défi des mois à venir est celui du financement de la protection sociale. Si les dernières réformes ont permis d'avancer dans la maîtrise des dépenses, en particulier dans la branche maladie, il est certain qu'au rythme auquel vont continuer de progresser les dépenses de santé et de vieillesse au cours des prochaines années, de nouvelles recettes devront être trouvées. Le président de la République a lancé, au début de 2006, la piste d'une modification de l'assiette des cotisations sociales en ne la limitant pas aux seuls salaires mais en l'élargissant à la valeur ajoutée de façon à ne pas pénaliser l'emploi. Plusieurs instances et groupes de travail ont approfondi la question et examiné diverses autres options. Le résultat de leurs travaux n'est pas probant. Il est en effet extrêmement difficile de concilier l'équilibre financier des régimes sociaux avec le maintien de la compétitivité de l'économie française à moyen et long termes.
Aussi, il est indispensable de poursuivre la réflexion en évoquant non seulement les recettes mais également les dépenses. Il faut aujourd'hui repenser l'ensemble du système de protection sociale en séparant bien ce qui relève de la solidarité nationale de ce qui relève d'un mécanisme assuranciel. Une fois ce travail effectué, il sera plus aisé de prévoir quel type de recettes affecter à chacun de ces ensembles. Ainsi, ce qui relève de l'assurance devra être financé par des cotisations ou des primes créatrices de droits tandis que ce qui relève de la solidarité nationale pourra être financé par des recettes à caractère essentiellement fiscal. Différentes pistes pourront alors être étudiées et comparées, comme celle d'un recours au moins partiel à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Plusieurs pays voisins de la France se sont engagés dans cette voie, notamment l'Allemagne qui, malgré des difficultés pour achever l'élaboration d'une réforme d'ensemble de la protection sociale, a décidé d'augmenter la TVA tout en baissant légèrement les cotisations. En conséquence, il serait utile que la Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) entreprenne au début de l'année 2007 un travail approfondi sur ces questions. Ce travail pourrait d'ailleurs inclure une analyse comparée des cotisations et des dépenses du régime général et du régime de l'Etat, pour tenir compte des arguments précédemment développés par le ministre chargé du budget pour justifier le fait que l'Etat employeur cotise à des taux moins élevés que les employeurs privés.