Puis la commission a examiné le rapport pour avis de Mme Monique Cerisier-ben Guiga, sur les crédits du programme « Rayonnement culturel et scientifique » de la Mission « Action extérieure de l'Etat » (programme 185).
En préambule, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteure pour avis, a indiqué que la lettre de mission adressée, le 27 août dernier, par le Président de la République au ministre des affaires étrangères et européennes souligne l'importance du réseau culturel français à l'étranger, qui se compose de :
- 154 ambassades dotées d'un service de coopération et d'action culturelle (SCAC) ;
- 149 instituts et centres culturels français et 1075 Alliances françaises enseignant la langue française à quelque 500.000 étrangers ;
- 26 centres de recherche et 176 missions archéologiques ;
- environ 160 000 élèves, dont plus de la moitié d'élèves étrangers, inscrits dans les 269 établissements scolaires français à l'étranger du réseau de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE).
La lettre de mission du Président de la République mentionne plus loin l'idée d'une réorganisation.
Rappelant que le réseau culturel à l'étranger avait déjà fait l'objet d'une profonde réorganisation ces dernières années, environ un tiers des centres et instituts culturels situés en Europe ayant été fermés entre 2000 et 2007, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteure pour avis, s'est interrogée sur les objectifs de cette nouvelle réforme.
S'agit-il réellement de redéployer les moyens de notre action culturelle vers les pays émergents ou de poursuivre le mouvement actuel de fermeture de centres et instituts culturels et de réduction des personnels ?
Compte tenu des enjeux pour la place de la culture française et de notre langue, l'Etat est-il disposé à augmenter la part actuellement modique consacrée à l'action culturelle extérieure ou bien demandera-t-il aux différents opérateurs de rechercher toujours davantage de sources de financement, notamment auprès du secteur privé ?
Evoquant tout d'abord l'évolution globale des crédits consacrés à l'action culturelle extérieure, Mme Monique Cerisier-ben Guiga a indiqué que le programme 185 « Rayonnement culturel et scientifique » de la mission « Action extérieure de l'Etat » connaissait une augmentation très modique de ses crédits de 2,3 %, et s'établissait à 490 millions d'euros en 2008, contre 481 millions d'euros en 2007.
Ce programme ne regroupe toutefois pas l'ensemble des crédits consacrés à l'action culturelle extérieure, a indiqué Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteure pour avis, car il ne concerne que les financements destinés à la coopération avec les Etats membres de l'Union européenne et les autres grands pays industriels du monde développé au sens de l'OCDE, ainsi que les financements destinés au service d'enseignement français à l'étranger.
Pour avoir une vue globale des financements consacrés à l'action culturelle extérieure, il faut également tenir compte des crédits consacrés à l'audiovisuel extérieur, qui figurent dans d'autres programmes de la mission interministérielle « Médias », et des crédits consacrés à la coopération culturelle dans les pays en voie de développement et les pays émergents, qui relèvent du programme 209 de la mission « Aide publique au développement », a-t-elle indiqué.
Or, la scission entre le programme 185 et le programme 209 a peu de sens, a estimé Mme Monique Cerisier-ben Guiga, puisque l'ambition d'une politique culturelle n'est pas vraiment différente selon qu'il s'agit d'un pays développé ou en développement.
Si l'on tient compte de l'inflation, on constate qu'en réalité la part des crédits consacrés à l'action culturelle extérieure au sein du budget de l'Etat, tous programmes confondus et hors dépenses de personnel, est en constante diminution ces dernières années et que l'année 2008 confirme cette tendance, illustrée par plusieurs exemples.
Ainsi, alors que l'usage du français au sein de l'Union européenne et dans le monde est en recul, les crédits destinés à promouvoir l'utilisation de notre langue représentent environ 15 millions d'euros pour 2008, et cela pour l'ensemble des Etats membres de l'Union européenne et des grands pays développés d'Europe (Russie), d'Amérique du nord (Etats-Unis, Canada), d'Asie (Japon, Corée du Sud) et d'Océanie (Australie et Nouvelle-Zélande) ;
Alors que la France attire deux fois moins d'étudiants européens que l'Allemagne et trois fois moins que le Royaume-Uni, l'enveloppe destinée au financement des bourses destinées aux étudiants étrangers au titre du programme 185 représente seulement 18 millions d'euros.
Le nombre total de bourses délivrées à des étudiants étrangers est d'ailleurs en forte diminution ces dernières années, puisqu'il était en 2006 de 18 500, contre 20 000 en 2005 et 22 500 en 2002.
A titre de comparaison, l'Office allemand d'échanges universitaires et culturels dispose d'un budget de près de 250 millions d'euros, dont 55 millions sont consacrés aux bourses pour les étudiants étrangers.
De même, le budget du British Council alloué à la coopération universitaire est de 220 millions d'euros, sans compter les bourses accordées par les fondations privées.
Même l'agence néerlandaise pour la coopération internationale dans le domaine de l'enseignement supérieur fait mieux que nous, puisqu'elle consacre 56 millions d'euros aux bourses pour les étudiants étrangers, a indiqué Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Enfin, la réduction des effectifs dans le domaine de l'action culturelle extérieure se poursuit avec la suppression de 60 emplois rattachés au programme 185 en 2008.
L'action culturelle extérieure repose de plus en plus, non pas sur les services du ministère des affaires étrangères et européennes, mais sur des opérateurs extérieurs, puisque plus de 60 % des crédits du programme 185 sont gérés par des opérateurs comme CulturesFrance ou CampusFrance. Parmi ceux-ci, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) occupe une place particulière, puisque la dotation dont elle dispose représente, à elle seule, plus de 70 % des crédits du programme 185, hors dépenses de personnel, et que contrairement aux autres opérateurs, elle est en progression en 2008, en raison de l'enveloppe supplémentaire de 20 millions d'euros pour la prise en charge des frais de scolarité des élèves français des lycées français à l'étranger souhaitée par le Président de la République et d'une dotation supplémentaire de 8,5 millions d'euros pour la politique immobilière.
Il existe donc un risque de « phagocytation » de ce programme par le financement du service d'enseignement français à l'étranger, qui devrait être pris en charge non par le ministère des affaires étrangères mais par celui de l'éducation nationale. Rappelant que les familles des élèves français et étrangers participent actuellement au financement des établissements du réseau de l'AEFE à hauteur de 60 %, et que les droits de scolarité avaient connu une forte augmentation, de l'ordre de 10 %, ces dernières années, Mme Monique Cerisier-ben Guiga a indiqué que le budget de l'agence pour 2008 devrait être abondé par l'Etat à hauteur de 358 millions d'euros, dont 291 millions d'euros au titre du programme 185 pour 2008, soit 40 % du budget de l'agence. Elle a rappelé que le nombre d'élèves scolarisés dans les établissements du réseau s'établissait, pour l'année scolaire 2006-2007, à 163.000, dont 75.000 élèves français.
La mesure la plus notable du PLF 2008 tient à l'augmentation de 20 millions d'euros de la dotation de l'AEFE au titre du programme 151 « Français de l'étranger et étrangers en France », destinée à la prise en charge des frais de scolarité des élèves français des lycées français à l'étranger, souhaitée par le Président de la République.
Le dispositif retenu par le ministère des affaires étrangères et européennes n'est pas celui d'une gratuité totale des frais de scolarité, mais celui d'un remboursement a posteriori de ces frais de scolarité via l'attribution de bourses aux familles françaises qui en feront la demande.
Le remboursement par l'Etat des frais de scolarité est ainsi soumis à certaines conditions, qui concernent notamment entre 25 et 30 % de familles expatriées bénéficiant déjà d'une prise en charge directe ou indirecte par leur employeur et qui ne devraient donc pas pouvoir bénéficier de cette mesure.
De plus, en raison de l'impact budgétaire de cette mesure, il a été décidé de l'appliquer de manière progressive sur trois années scolaires, avec pour l'année scolaire 2007-2008, le remboursement des frais de scolarité des seuls élèves de terminale, pour l'année scolaire 2008-2009, l'extension du dispositif aux élèves de première, et pour l'année scolaire 2009-2010, l'extension du dispositif aux élèves de seconde.
Enfin, en ce qui concerne le financement de cette mesure, 5 millions d'euros ont été prévus dès la rentrée scolaire de l'année 2007 et 20 millions d'euros sont inscrits dans le projet de loi de finances pour 2008 pour financer le remboursement des frais de scolarité des élèves français de terminale et le premier trimestre des élèves français de première.
La prise en charge des frais de scolarité pour les trois classes de lycée représenterait un coût de 47,9 millions d'euros en année pleine, d'après les estimations du ministère des affaires étrangères et européennes, réalisées sur la base du nombre d'élèves inscrits à la rentrée 2007, a indiqué Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Si on ajoute à ce montant les financements nécessaires à la reconduction des bourses existantes, soit 47 millions d'euros, cela représente un budget total de près de 100 millions d'euros pour les bourses accordées aux élèves français.
La mesure présidentielle constitue un véritable bouleversement du système d'accès des enfants français à la scolarité à l'étranger, tel qu'il était pratiqué jusqu'à présent, a estimé Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteure pour avis, puisque avec cette mesure, on passe d'une logique fondée sur l'attribution de bourses sur critères sociaux à une logique de prise en charge intégrale des droits de scolarité pour les élèves français.
De plus, on introduit une différence majeure entre, d'une part, les élèves français et les élèves étrangers, et, d'autre part, entre les classes de primaire et de collège et les classes de lycée.
En outre, il ne faut pas sous-estimer les éventuels effets pervers de cette mesure, a indiqué la rapporteure pour avis, puisqu'on peut s'attendre à un « effet d'aubaine » pour les entreprises qui prennent actuellement en charge les frais de scolarité des enfants de leurs salariés expatriés et qui pourraient être incitées à ne plus le faire, et à une augmentation du nombre d'inscription d'élèves de nationalité française, ce qui soulève des interrogations sur la capacité d'accueil de nos établissements, qui sont d'ores et déjà saturés, et sur la baisse constatée de la proportion d'élèves étrangers. A cet égard, Mme Monique Cerisier-ben Guiga a rappelé que seulement 30 % des 75.000 enfants français immatriculés dans les consulats étaient actuellement scolarisés dans des établissements français à l'étranger, ces enfants étant majoritairement issus de familles aux revenus élevés ou de familles aux revenus modiques, mais bénéficiant de bourses sur critères sociaux, le système actuel laissant à l'écart la majorité des familles de la classe moyenne.
Surtout, le remboursement des frais d'inscription va concerner l'ensemble des établissements français à l'étranger, puisqu'aucune distinction n'a été faite entre, d'une part, les établissements en gestion directe et, d'autre part, les établissements conventionnés et les établissements simplement « homologués » pour lesquels l'Etat n'exerce aucun droit de regard sur le montant des droits de scolarité.
A terme, confronté au coût croissant de cette mesure, dans un contexte budgétaire très contraint, l'Etat sera-t-il capable de remplir ses autres obligations à l'égard de l'agence, en matière de personnel ou de politique immobilière ?
Au regard de ces inconvénients, on peut se demander s'il n'aurait pas été préférable d'affecter la totalité des fonds nécessaires à la prise en charge des frais de scolarité des élèves français aux bourses gérées par l'AEFE, qui sont attribuées sur des critères sociaux aux familles françaises dont les enfants fréquentent les établissements français à l'étranger, du primaire au lycée, et s'il ne serait pas souhaitable de plafonner la prise en charge des frais de scolarité, en fonction d'un montant qui pourrait varier selon les zones géographiques et le type d'établissement.