Puis la commission a examiné le rapport pour avis de Mme Monique Cerisier-ben Guiga sur les crédits des programmes « Audiovisuel extérieur » et « Chaîne de télévision française d'information internationale » de la mission « Médias ».
En introduction, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteure pour avis, a indiqué que le lancement en décembre 2006 de la nouvelle chaîne française d'information internationale France 24, souhaitée par l'ancien Président de la République, avait modifié sensiblement l'équilibre du paysage audiovisuel extérieur français, qui se caractérisait, à la différence de nos partenaires européens, qui disposent souvent d'un opérateur unique, comme la BBC pour le Royaume-Uni ou la Deutsche Welle pour l'Allemagne, par la dispersion de ses opérateurs, avec deux chaînes de télévision - TV5 Monde et dorénavant France 24 - deux radios - Radio France International et RMC Moyen-Orient - et un organisme de coopération - Canal France International.
Le nouveau Président de la République ayant lancé, l'été dernier, une réflexion sur la réforme de l'audiovisuel extérieur français, un comité de pilotage, composé d'une vingtaine de fonctionnaires issus de différents ministères réunis sous la direction de M. Jean-David Levitte, conseiller diplomatique, et de M. Georges-Marc Benamou, conseiller pour l'audiovisuel à la Présidence de la République, a été chargé de rédiger des propositions sur la réforme de l'audiovisuel extérieur. Il devrait remettre ses recommandations avant la fin du mois de novembre.
Compte tenu des enjeux, Mme Monique Cerisier-ben Guiga s'est entretenue avec les principaux responsables de ce dossier au ministère des Affaires étrangères et européennes, avec les membres du comité de pilotage et les dirigeants des sociétés audiovisuelles concernées. Sans préjuger à ce stade des propositions qui pourraient être formulées par le comité de pilotage ou reprises par le gouvernement, elle a souhaité présenter les données de cette réforme à la commission.
a d'abord évoqué le système actuel de financement de financement de l'audiovisuel extérieur qui se caractérise par la dispersion des moyens, puisque, si les crédits consacrés aux opérateurs de l'audiovisuel extérieur, à l'exception de la partie de la redevance versée à Radio France Internationale, ont été regroupés au sein de la mission « Médias », ils restent scindés entre deux programmes.
S'agissant du programme 115 qui regroupe les crédits consacrés par le ministère des Affaires étrangères et européennes à la politique audiovisuelle extérieure, c'est-à-dire TV5 Monde, Radio France Internationale, CFI, RMC Moyen-Orient et la radio franco-marocaine Médi 1, le projet de loi de finances pour 2008 prévoit une dotation identique à celle de 2007, soit un montant total de 159 millions d'euros.
Il est toutefois prévu, grâce à une réduction de la trésorerie de Canal France International, d'abonder les subventions de TV5 Monde et de RFI d'1,5 million d'euros chacun, afin de mettre en oeuvre partiellement les priorités des deux opérateurs : l'augmentation du sous-titrage des programmes de TV5 Monde et la conclusion d'un contrat d'objectifs et de moyens entre RFI et l'Etat. Au total, il est prévu une dotation de 75,9 millions d'euros pour RFI, 65,7 millions d'euros pour TV5 Monde et 16,5 millions d'euros pour CFI.
Le programme 116, qui relève du Premier ministre, est entièrement consacré à France 24. Cette chaîne, parfois qualifiée de « CNN à la française » a pour objectif d'offrir un point de vue français sur l'actualité du monde à destination d'un public international. Elle diffuse, depuis le 6 décembre 2006, deux programmes principaux : un programme en français, diffusé prioritairement en Europe et dans les pays du Maghreb et en Afrique et un programme multilingue, diffusé prioritairement en Europe, en Afrique et au Proche et Moyen-Orient ; intégralement anglais au départ, ce programme a vocation à faire l'objet de décrochages dans diverses langues, en particulier l'arabe et l'espagnol.
France 24 est doté d'un financement de 70 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2008, soit une quasi-reconduction de la dotation de 2007, bien qu'une convention de subvention entre l'Etat et France 24, conclue en 2005, prévoie le versement d'une subvention de 88,5 millions d'euros à la chaîne, soit une différence de 18,5 millions d'euros.
Peu après la présentation du PLF pour 2008, le gouvernement a annoncé qu'il compléterait la subvention accordée à France 24 par une dotation supplémentaire de 18,5 millions d'euros.
Interrogé sur ce point, lors du débat à l'Assemblée nationale, le 24 octobre dernier, la ministre de la culture et de la communication, Mme Christine Albanel, a indiqué que ce financement supplémentaire de 18,5 millions d'euros proviendrait d'un redéploiement de crédits de gestion au cours de l'année 2008. Selon Mme Monique Cerisier-ben Guiga, les explications de la ministre ne paraissent guère convaincantes, estimant qu'il y avait un risque que le gouvernement prélève une part des financements prévus pour l'audiovisuel extérieur, notamment TV5 Monde, pour l'attribuer à France 24.
a estimé que la commission devrait s'élever fortement contre cette manière de procéder, qui vise à contourner l'autorisation budgétaire accordée par le Parlement et qui suscite d'importantes interrogations sur l'origine des fonds qui seraient ainsi dégagés.
Le paysage audiovisuel extérieur français est donc caractérisé par l'éclatement des moyens et l'absence de véritable coordination, a souligné Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteure pour avis, puisque si la France consacre à peu près le même montant, de l'ordre de 300 millions d'euros, à l'audiovisuel extérieur que ses principaux partenaires, la dispersion actuelle des opérateurs français génère d'importants doublons.
En outre, si la part des financements consacrée à l'audiovisuel extérieur a progressé ces dernières années, cette progression a été totalement consacrée à France 24 au détriment des autres opérateurs comme TV5 Monde et RFI, et on constate un écart croissant entre les financements accordés aux opérateurs de l'audiovisuel extérieur, par rapport à ceux de l'audiovisuel public national, qui s'élèvent à 2,8 milliards d'euros.
L'audiovisuel extérieur français se caractérise aussi par une absence de coordination, a indiqué Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteure pour avis.
Le ministère des Affaires étrangères et européennes devrait, en théorie, être chargé d'assurer la cohérence de l'audiovisuel extérieur français, mais son rôle est aujourd'hui limité, car il partage sa tutelle avec le ministère de la culture et de la communication, les grands groupes de télévision (comme TF1 ou France Télévisions) ou de radios (comme Radio France) et certains opérateurs, comme France 24, ne relevant pas de son ressort.
Certes, un organisme a été créé en 1989 : le conseil de l'audiovisuel extérieur, qui est chargé d'assurer la coordination de l'action audiovisuelle extérieure, mais il n'a plus été réuni depuis 1996.
Abordant ensuite la réforme de l'audiovisuel extérieur, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteure pour avis, a estimé que certaines propositions de réforme semblent devoir être écartées.
Il en va ainsi de l'idée de créer une holding pour l'audiovisuel extérieur en regroupant sous un chapeau unique l'ensemble de ses opérateurs.
Relevant que cette idée n'était pas nouvelle et que l'expérience de la Sofirad n'avait pas été concluante, Mme Monique Cerisier-ben Guiga a estimé, à l'image de la mission d'information sur l'audiovisuel extérieur de l'Assemblée nationale, que ce n'est pas en empilant les structures et en créant un poste supplémentaire de président que l'on parviendra à définir une stratégie cohérente.
La fusion autoritaire entre les opérateurs doit aussi être écartée, car cette idée se heurte à des obstacles importants, comme le fait que TV5 Monde soit une chaîne francophone, et qu'il faille aussi tenir compte de la position des autres partenaires francophones et de la diversité de statut des personnels.
Enfin, un rapprochement autoritaire risquerait d'appauvrir la variété de l'offre française qui fait aussi sa richesse, a estimé Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteure pour avis, qui s'est déclarée plutôt favorable à l'idée d'encourager les partenariats entre les opérateurs.
Elle a ensuite présenté trois voies possibles pour une réforme de l'audiovisuel extérieur
La première voie consisterait à favoriser les synergies entre les opérateurs. La multiplicité des opérateurs de l'audiovisuel extérieur ne se traduit pas seulement par une concurrence en termes d'audience ou de programmes, mais aussi par une concurrence en matière de distribution, c'est-à-dire dans le cadre des négociations avec les câblo-opérateurs, qui entraîne une augmentation du coût et se fait en définitive au détriment du contribuable français.
Ainsi, il semblerait, que France 24 ait conclu un contrat de 500.000 dollars avec un câblo-opérateur pour être diffusé en Israël, alors que pour le même contrat TV5 Monde avait payé 185.000 dollars. Une agence de mutualisation commune à TV5 Monde, France 24 et RFI pourrait donc être mise en place, a estimé Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
D'autres synergies entre les opérateurs pourraient être favorisées, comme la mise en commun de moyens techniques ou administratifs, la mutualisation de la production, la création d'une régie publicitaire commune, ou encore la mutualisation des correspondants à l'étranger, en s'appuyant sur le réseau des correspondants de l'Agence France Presse (AFP) à l'étranger.
La deuxième voie consisterait à garantir un financement équitable et transparent. Le regroupement de l'ensemble des crédits consacrés à l'audiovisuel extérieur, à l'exception de la redevance, au sein de la mission « Medias », a représenté un progrès en termes de lisibilité et de cohérence, mais le gouvernement n'est pas allé au bout de sa logique, puisqu'au sein de la mission Médias, les crédits consacrés à l'audiovisuel extérieur sont scindés entre deux programmes, a indiqué Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteure pour avis.
La création d'un programme budgétaire spécifique exclusivement consacré à France 24 s'explique par la volonté de soustraire France 24 à la tutelle du ministère des affaires étrangères et européennes et par le fait que certains considéraient que placer TV5 Monde et France 24 sous la même tutelle aurait inévitablement pour effet de privilégier financièrement l'une ou l'autre des deux chaînes.
Cet argument ne paraît pas convaincant et il serait plus cohérent de regrouper l'ensemble des crédits consacrés à l'audiovisuel extérieur dans un programme unique, a estimé Mme Monique Cerisier-ben Guiga, qui a souhaité présenter à la commission un amendement en ce sens.
En contrepartie, une loi de programmation pluriannuelle pourrait être adoptée pour garantir un financement durable et équitable des opérateurs, ce qui permettrait de corriger l'inégalité de traitement existant actuellement entre France 24 et les autres opérateurs. En effet, grâce à la convention pluriannuelle de subvention conclue avec l'Etat, France 24 bénéficie d'une visibilité budgétaire à long terme, dont ne profitent pas les autres opérateurs, comme TV5 Monde ou RFI.
Enfin, les opérateurs de l'audiovisuel extérieur ne devraient pas être soumis au système de la réserve légale, qui génère d'importants effets pervers.
La troisième voie reposerait sur la création d'un pôle multimédia.
La distinction entre radio, télévision et Internet va devenir de plus en plus artificielle dans les prochaines années, et d'ores et déjà les grands groupes comme la BBC ont mis en place des plateformes multimédias pour s'adapter à cette évolution, a indiqué Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Pourquoi ne pas s'en inspirer et créer un véritable pôle multimédia de l'audiovisuel extérieur français ?
En conclusion, Mme Monique Cerisier-ben Guiga a souhaité que le Parlement soit étroitement associé à la réforme de l'audiovisuel extérieur et a présenté un amendement visant à regrouper dans un programme unique le programme 115 et le programme 116, afin de renforcer la mise en cohérence des moyens consacrés à l'audiovisuel extérieur.