Intervention de Jean-René Lecerf

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 23 janvier 2008 : 1ère réunion
Rétention de sûreté et irresponsabilité pénale — Examen du rapport

Photo de Jean-René LecerfJean-René Lecerf, rapporteur :

a estimé qu'au-delà des clivages que pouvaient susciter l'institution d'une rétention de sûreté, il était possible de dégager un accord sur trois constats : l'évaluation de la dangerosité, aujourd'hui très insuffisante en France, devait intervenir au plus tôt et conduire à une prise en charge adaptée dès le début de la détention ; il existait également au sein des établissements pénitentiaires une proportion importante de personnes atteintes de troubles mentaux qui devaient par priorité bénéficier de soins ; enfin, les prisons comptaient aussi certaines personnes atteintes de troubles graves de la personnalité qui n'étaient pas, en l'état actuel des connaissances, selon une majorité de psychiatres, susceptibles de soins et pouvaient être très dangereux -le dispositif de la rétention de sûreté visant précisément cette dernière catégorie de personnes.

Le rapporteur a indiqué que les amendements qu'il soumettrait à la commission s'efforçaient de prendre en compte ces points de convergence.

Présentant alors les grandes lignes du volet consacré à la rétention de sûreté, M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a souligné que cette mesure, entièrement nouvelle dans notre droit, consistait dans le placement des criminels les plus dangereux, après l'exécution de leur peine d'emprisonnement, dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté, pour une durée d'un an renouvelable sans limitation dans le temps. Il a précisé que le projet de loi prévoyait que ce dispositif pourrait s'appliquer :

- soit immédiatement après la période d'incarcération, dès lors que la juridiction de jugement aura prévu le réexamen de la situation de la personne en vue d'une rétention de sûreté -cette condition étant cependant levée à la suite d'un amendement du gouvernement adopté par l'Assemblée nationale pour les criminels en série ou récidivistes (article 12, II) ;

- soit à la suite d'un manquement à une obligation à laquelle la personne, une fois libérée, peut être soumise.

Il a noté que la rétention de sûreté visait spécifiquement les auteurs de crimes présentant une très forte dangerosité qui s'appréciait au regard de trois critères cumulatifs :

- la gravité de la nature du crime commis par l'individu (meurtre ou assassinat, torture ou acte de barbarie, viol ou enlèvement ou séquestration) lorsque ce crime est commis sur mineur et, à la condition qu'il soit accompagné de circonstances aggravantes sur un majeur (l'élargissement du champ d'application aux victimes mineures de plus de 15 ans ainsi qu'aux victimes majeures résultant d'amendements de l'Assemblée nationale) ; la personne devant en outre avoir été condamnée à une peine de réclusion criminelle d'une durée au moins égale à 15 ans ;

- un trouble grave de la personnalité -cette précision introduite dans le projet de loi par les députés permettant de réserver le dispositif aux personnes présentant les formes de psychopathologie les plus sévères qui ne s'assimilent pas, selon l'opinion dominante des psychiatres, à une maladie mentale ;

- une dangerosité caractérisée par la probabilité très élevée de commettre à nouveau une des infractions pour lesquelles elle a été condamnée.

a précisé que lorsqu'elle s'appliquait à l'issue de l'incarcération, la rétention de sûreté était subordonnée à une évaluation un an avant la libération de la personne par la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté. La décision de rétention de sûreté était prise par une commission régionale de la rétention de sûreté composée de trois magistrats statuant après un débat contradictoire au cours duquel le condamné était assisté par un avocat choisi ou commis d'office. Cette décision pouvait faire l'objet d'un recours devant la commission nationale de la rétention de sûreté ainsi que d'un pourvoi en cassation.

Le rapporteur a également précisé que lorsque la personne répondait aux critères d'application de la rétention de sûreté, le projet de loi permettait de prolonger les obligations de la surveillance judiciaire au-delà de la durée correspondant aux réductions de peine, ainsi que les effets du suivi socio-judiciaire au-delà de la durée prévue par la juridiction de jugement. Il a indiqué qu'en cas de manquement grave aux obligations ainsi prolongées, la personne pourrait être placée en rétention de sûreté.

Evoquant ensuite le volet consacré à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a indiqué que les modifications proposées par le projet de loi consistaient, au stade de l'instruction, à prévoir le renvoi quasi systématique des dossiers susceptibles de conduire à une reconnaissance d'irresponsabilité pénale motivée par l'abolition du discernement à la chambre de l'instruction. Celle-ci, au terme d'une audience publique à laquelle participerait la personne mise en examen si son état le permet, rendrait un arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale comportant un double volet : une déclaration selon laquelle il « existe des charges suffisantes contre la personne mise en examen d'avoir commis les faits qui lui sont reprochés » et une déclaration selon laquelle la personne « est irresponsable pénalement en raison d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes au moment des faits ».

Le rapporteur a indiqué que la chambre de l'instruction ainsi que la juridiction de jugement pourraient, ainsi que l'a prévu par un amendement l'Assemblée nationale, prononcer une hospitalisation d'office ainsi que différentes mesures de sûreté. Il a également indiqué que le projet de loi comportait des mesures prévoyant, d'une part, le retrait des réductions de peine aux condamnés qui refusent les soins qui leur sont proposés pendant leur détention, d'autre part, des aménagements à la mise en oeuvre de l'injonction de soins et, enfin, en cas de risque pour la sécurité des personnes, l'obligation pour les personnels de santé intervenant au sein d'un établissement pénitentiaire d'informer le directeur de cet établissement dans les plus brefs délais.

a indiqué qu'il développerait ses propositions à l'occasion de la présentation des amendements à la commission.

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