Intervention de Thierry Breton

Commission des affaires économiques — Réunion du 1er mars 2006 : 2ème réunion
Economie finances et industrie — Audition de M. Thierry Breton ministre de l'économie des finances et de l'industrie

Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie :

En réponse, M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a apporté les précisions suivantes.

Prenant appui sur son expérience passée de chef d'entreprise, et en particulier de responsable de deux entreprises cotées appartenant au CAC 40, il a expliqué que les cessions, fusions et autres OPA étaient des instruments normaux de gestion des affaires. Plus précisément, il a indiqué que l'OPA, loin d'être un terme guerrier, constituait une garantie offerte aux actionnaires, que la plupart de ces offres étaient amicales et qu'en tout état de cause, pour être réussies, ces opérations devaient être favorables autant aux « stakeholders », c'est-à-dire les parties prenantes telles que les clients, les salariés, les collectivités territoriales, les Etats, qu'aux « shareholders », c'est-à-dire les actionnaires, y compris lorsqu'elles étaient hostiles. Rappelant quelques exemples récents d'OPA exclusivement financières, comme le rapprochement d'AOL et de Time Warner ou celui de Vivendi et de Seagram, il a estimé que la réussite d'une OPA s'appuyait sur l'existence d'un véritable projet industriel associé à un projet social, ainsi que l'attention portée au mariage des cultures d'entreprise et à la définition d'une nouvelle gouvernance.

Puis récusant toute idée de protectionnisme du gouvernement français face à l'OPA hostile menée par le groupe de droit hollandais Mittal Steel sur le groupe de droit luxembourgeois Arcelor, M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a déclaré que les réserves qu'il avait exprimées visaient à souligner l'absence apparente de projet industriel et à réhabiliter la parole de l'Etat français en tant que « stakeholder » dans une opération aussi lourde. Soulignant que les marchés financiers ne pouvaient pas avoir le monopole de la parole, il a manifesté le souhait que la distinction entre Etat actionnaire, Etat régulateur et Etat « partie prenante », qu'il souhaite voir reconnue, autorise l'examen attentif de la vie des affaires dans les secteurs importants et l'expression de la puissance publique, sachant que la décision de répondre favorablement ou non à une OPA appartenait naturellement in fine aux actionnaires. Observant que les Etats anglo-saxons avaient depuis longtemps adopté cette façon de procéder, il a conclu en indiquant qu'en agissant ainsi, il s'inscrivait dans une démarche moderne, qui n'était ni « ringarde », ni protectionniste.

S'agissant du rapprochement entre Suez et GDF, le ministre a rappelé qu'informé du projet commun sur lequel travaillaient depuis plusieurs mois les directions des deux entreprises, de leur propre initiative, pour assurer leur développement futur, l'Etat n'avait fait que le rendre public afin, précisément, que s'engagent les discussions avec les autres parties prenantes pour garantir la réussite de l'opération. Observant que M. Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre de l'industrie, avait publiquement reconnu l'intérêt industriel de ce projet, il a estimé qu'il appartiendrait au Parlement de l'approuver s'il le jugeait crédible et fondé. Quant à la fusion d'EDF et de GDF, il a indiqué que les nombreuses et diverses informations qu'il avait recueillies sur cette option en démontraient l'impossibilité, car le respect des règles communautaires de la concurrence aurait contraint les deux entreprises à se séparer chacune de pans entiers de leurs actifs, tels que des centrales nucléaires ou des terminaux gaziers, au risque de les affaiblir durablement. Relevant que l'ouverture totale du marché de l'énergie en juillet 2007 rendait nécessaire l'ouverture du capital tant d'EDF que de GDF pour être en position favorable à cette échéance et donner à ces entreprises une capacité d'action dans le respect de l'intérêt général, il s'est félicité du projet commun bâti par Suez et GDF et de la situation nouvelle qui en résulterait, deux des plus grands acteurs mondiaux de l'énergie étant Français et européen.

Après avoir rappelé qu'en tant que président de Thomson, puis de France Telecom, entreprise présente sur l'un des marchés les plus concurrentiels, il avait fait des participations croisées l'une de ses priorités, M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a indiqué que cette politique, aussi nécessaire qu'elle soit pour le développement, n'était pas suffisante, en tant que telle, pour s'opposer à une OPA. De même, relevant que la capitalisation des seules entreprises du CAC 40 s'élevait à plus de 800 milliards d'euros, il a estimé que la capacité d'investissement de la CDC était sans commune mesure. A l'inverse, se déclarant convaincu de la nécessité d'offrir aux entreprises un actionnariat susceptible de les accompagner dans le long terme et de résister aux OPA hostiles, il a justifié ses décisions d'exonérer de fiscalité la détention d'actions au-delà de six ans et d'exonérer d'impôt sur la fortune l'actionnariat salarié.

Abordant ensuite le thème de la fiscalité de l'environnement, M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a indiqué qu'avec sa collègue Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable, il venait de décider de réexaminer le dispositif des droits à polluer. Par ailleurs, il s'est félicité que le groupe Total ait accédé à sa demande de réinvestir en France une partie significative de ses profits, réalisés à plus de 95 % à l'étranger, soulignant que 3,5 milliards d'euros supplémentaires seraient consacrés à la modernisation des installations de raffinage et que 600 millions d'euros compléteraient la recherche-développement dans le domaine des énergies renouvelables. Il a en outre rappelé que des objectifs avaient récemment été fixés par la loi d'orientation sur l'énergie pour développer l'utilisation des biocarburants, tout en faisant part de l'intérêt qu'il y avait aussi à examiner d'autres pistes, telles que la reprise de l'équipement nucléaire et le renforcement des économies d'énergies.

Indiquant qu'une réunion se tenait au moment même à Matignon pour examiner notamment les moyens à mettre en oeuvre pour aider la filière avicole à surmonter la crise de la grippe aviaire, M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a relevé qu'à cet égard, le Gouvernement ne s'interdirait pas d'utiliser, le cas échéant, des crédits mis en réserve en début d'exercice budgétaire 2006.

S'agissant du commerce extérieur, il a annoncé que le Premier ministre venait de demander la mise en oeuvre d'un nouveau train de mesures destinées à faciliter les formalités des petites et moyennes entreprises, souligné la nécessité, pour les grands groupes, d'associer ces dernières à leur pénétration des marchés étrangers, et insisté sur l'importance qu'il y avait à susciter la venue d'étudiants étrangers dans les grandes écoles et les universités françaises. Il a par ailleurs rappelé que les pôles de compétitivité avaient pour finalité de construire une image, pleinement reconnue au plan international, favorable aux entreprises qui y participeraient.

Puis après avoir assuré à Mme Yolande Boyer que ses services suivent de près l'entreprise Père-Dodu appartenant au groupe Doux, dans la présente période critique, il a réaffirmé que le Gouvernement, conformément au principe de précaution, mettait en oeuvre tous les moyens nécessaires pour faire face à la crise ouverte par la grippe aviaire.

Revenant alors sur la situation budgétaire de la France, M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a estimé qu'un langage de vérité pouvait être tenu aux Français sans toutefois céder à l'affolement, l'une des clefs de la croissance économique résidant dans la confiance des acteurs. Estimant à cet égard que le plan quinquennal de réduction de la dette s'inscrivait dans cette perspective, puisqu'il fixait un objectif ambitieux tout en évitant de limiter les capacités d'investissement nationales, notamment dans le secteur essentiel de la recherche, il s'est fait le défenseur du pragmatisme et de l'adaptation permanente en récusant l'idéologie de l'appel à la réforme. Ainsi, il a indiqué que la réduction du nombre des fonctionnaires n'était possible qu'en l'accompagnant d'un renforcement de leur formation, d'un recours plus constant aux nouvelles technologies, voire d'une amélioration de leurs rémunérations. De même, il a estimé que les mesures de réduction de l'impôt sur le revenu, de réforme de la taxe professionnelle et du respect de la norme « zéro valeur », malgré les lois de programmation votées par le Parlement, répondaient aux objectifs de rationalisation de la dépense publique, de diminution des prélèvements obligatoires et de réduction du montant de la dette publique.

Enfin, il a conclu en rappelant que, sous sa présidence, France Télécom s'était adaptée aux contraintes d'un marché fortement concurrentiel tout en respectant scrupuleusement l'intérêt collectif, comme le démontrait son implication personnelle dans le développement du haut débit sur le territoire, dont le succès avait conduit la France, avec 9,5 millions d'abonnés à l'Internet haut débit, à la première place mondiale dans ce domaine.

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