a introduit son propos en soulignant que les accidents graves, et pour certains mortels, qui s'étaient succédé depuis l'été dernier mettaient en évidence que l'on ne disposait pas d'un cadre législatif adapté à la prévention des accidents causés par les chiens.
Le dispositif relatif aux chiens dangereux prévu par la loi du 6 janvier 1999, déjà modifié à deux reprises à la suite de drames semblables, s'est avéré efficace pour lutter contre le problème d'ordre public posé par les délinquants utilisant des chiens dressés à l'agression comme moyen d'intimidation ou arme par destination, mais il n'a pas de prise sur les accidents par morsures canines survenant dans la sphère privée, et le plus souvent dans le milieu familial, ce qui, a souligné le rapporteur pour avis, était prévisible car, comme il l'avait relevé en tant que rapporteur de la loi de 1999, ce texte « prenait le problème par le mauvais bout de la laisse » : il était, en effet, focalisé sur le contrôle de quelques races ou types de chiens présumés dangereux, négligeant le fait que tous les chiens peuvent être dangereux, et que c'est toujours le mauvais maître -qu'il soit délinquant, agressif, irresponsable ou simplement incompétent- qui fait le mauvais chien, et non le contraire.
Rappelant que le Sénat avait partagé cet avis -qui est aussi celui de tous les spécialistes-, mais non l'Assemblée nationale, M. Dominique Braye, rapporteur pour avis, tout en se félicitant que le Sénat soit aujourd'hui enfin saisi d'un texte qui se préoccupait du « bon bout de la laisse », a regretté que près de dix ans aient été perdus pour aborder le problème comme il convient, en mettant l'accent sur la prévention, c'est-à-dire sur l'appréciation de la dangerosité potentielle de chaque chien mais aussi de la compétence de celui qui en a la charge.
Estimant qu'il était indispensable que la commission ait été saisie pour avis du projet de loi, il s'est félicité de l'excellent climat dans lequel il avait travaillé avec M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois, saisie au fond, et a estimé que ce travail commun permettrait d'améliorer le texte.
a ensuite dressé le bilan, qu'il a jugé très inégal, de l'application de la loi du 6 janvier 1999. Rappelant que le Parlement n'avait, contrairement à ce que prévoyait la loi, été informé de ce bilan qu'avec plusieurs années de retard, il a souligné qu'un remarquable rapport de mission d'enquête administrative avait mis en évidence, dès 2001, les aspects positifs et négatifs de l'application de loi, et que certains drames auraient pu être évités si le Parlement en avait été saisi et avait pu réagir plus vite.
Parmi les aspects positifs, M. Dominique Braye, rapporteur pour avis, a cité la lutte contre le « phénomène pitbull », relevant que les contrôles des détenteurs de chiens autorisés par la loi avaient facilité la constatation d'infractions cumulables, comme l'avaient très bien compris les forces de l'ordre mais aussi les contrôlés, ce qui a contribué à faire passer la « mode » des pitbulls, au moins dans certains quartiers. S'interrogeant sur la fiabilité des statistiques, il a cependant noté que les élus avaient constaté, sur le terrain, la quasi-disparition de cette forme de délinquance et du sentiment d'insécurité qu'elle suscitait.
Le rapporteur pour avis a, en revanche, jugé le bilan du dispositif « chiens dangereux » de 1999 beaucoup moins positif en ce qui concerne la diminution du nombre des chiens « présumés dangereux » et la responsabilisation de leurs propriétaires, ce qu'il a mis au passif de l'erreur originelle de conception du dispositif, la « catégorisation » des chiens dangereux répartis de manière peu scientifique en deux catégories, dont l'une devait disparaître à terme -ce qui était impossible- et dont la détention était strictement limitée.
Les mesures imposées -déclaration, contrôle des conditions de détention et de circulation des animaux- étaient en elles-mêmes bonnes, mais elles n'ont pas dissuadé les gens de posséder de tels chiens, et n'ont, comme souvent, responsabilisé que les gens responsables, disposés à respecter les règles.
Mais a-t-on réduit le nombre des chiens dits dangereux ? Rien n'est moins sûr, car s'il y a eu des stérilisations, des saisies, des euthanasies et des abandons, on a vu en revanche augmenter la demande pour les chiens de « deuxième catégorie » et les chiens de race proche des chiens classés. M. Dominique Braye, rapporteur pour avis, a relevé, à cet égard, que certains de nos compatriotes trouvaient valorisant, et d'autres rassurant, de posséder un « chien méchant par détermination de la loi », tandis que ceux qui voulaient échapper aux contraintes, ou qui redoutaient les contrôles, ont acquis des chiens largement aussi « dangereux » mais qui n'étaient pas « classés », du moins en France. Le rapporteur pour avis a également noté que, jusqu'en octobre 2006, environ 17.000 chiens de première catégorie avaient été déclarés, et 117.000 chiens de deuxième catégorie mais que l'on ignorait totalement le nombre de ceux qui n'avaient pas été déclarés et que le ministère de l'agriculture estimerait à 600.000.
En conclusion de ce bilan, M. Dominique Braye, rapporteur pour avis, a jugé qu'il était grand temps de « changer de cap » et d'aborder autrement la problématique des accidents causés par les chiens.
Convenant qu'il n'était pas possible, bien qu'elle ait été une ineptie, de revenir sur la « catégorisation », ce qui ne serait pas compris ou pourrait être interprété par certains comme le signal d'un retour à des pratiques inacceptables, il a, en revanche, estimé qu'il fallait apprendre à chacun que tout chien peut être agressif et que cette agressivité peut dépendre de multiples facteurs qu'il faut savoir reconnaître pour la prévenir.
a également jugé nécessaire de disposer d'informations plus précises sur les accidents canins, pour lesquels il n'existe aucune statistique fiable, notant que l'on disposait, en revanche, de quelques éléments sur les victimes, qui sont le plus souvent des enfants, notamment de très jeunes enfants, et des personnes âgées, et sur les circonstances des accidents, qui surviennent le plus fréquemment au domicile ou dans l'environnement familier des victimes.
Abordant ensuite l'analyse des dispositions du projet de loi et des orientations qu'il proposerait à la commission, M. Dominique Braye, rapporteur pour avis, a relevé que le projet de loi avait l'immense mérite de mettre l'accent sur l'évaluation comportementale des chiens et sur la formation de leurs propriétaires.
Insistant particulièrement sur ce qui serait fait pour favoriser le « dépistage » des chiens à problèmes, il a approuvé qu'il soit prévu de recourir largement à l'évaluation comportementale, qui serait obligatoire pour tous les chiens de première et deuxième catégories et pour les chiens « mordeurs », ces évaluations systématiques s'ajoutant à la possibilité, déjà donnée au maire par la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, de demander l'évaluation comportementale de tout chien pouvant présenter un danger : le dispositif d'application correspondant est en cours de mise en place, ce qui permettra d'appliquer très rapidement les dispositions de la nouvelle loi.
En ce qui concerne la formation des détenteurs de chiens, un dispositif à trois étages est également prévu : tous les détenteurs de chiens de première et deuxième catégories devront suivre une formation sanctionnée par l'obtention d'une attestation d'aptitude ; tous les détenteurs de chiens « mordeurs » devront suivre la même formation, mais sans être tenus d'obtenir l'attestation d'aptitude ; le maire pourra également imposer au cas par cas le suivi de la formation.
Cette formation sera à la charge des propriétaires de chiens. M. Dominique Braye, rapporteur pour avis, a regretté que l'on ne dispose encore d'aucune information sur son coût, ni d'ailleurs sur le contenu de la formation, sa durée, les conditions d'obtention de l'attestation d'aptitude, les personnes qui dispenseront la formation et délivreront l'attestation.
a ensuite présenté une disposition du projet de loi qui lui semblait moins bien venue, et qui tendrait à interdire la détention de chiens de première catégorie nés après le 7 janvier 2000, date à laquelle la stérilisation de ces chiens est devenue obligatoire. Relevant que cette mesure était destinée à rendre effective l'éradication de ces chiens, souhaitée par le législateur de 1999, le rapporteur pour avis a relevé que cette éradication était -et reste- absolument impossible et que la mesure proposée, choquante dans son principe car elle vise des animaux dont certains sont nés dans des conditions parfaitement légales et sont très bien intégrés dans leur environnement, serait de toute façon inapplicable.
Expliquant que le législateur avait voulu interdire la reproduction de la population des chiens de première catégorie existante, mais qu'il n'avait pas interdit, et n'aurait d'ailleurs pas pu le faire, les multiples possibilités de production de ces chiens, par croisements ou sans croisement, par des chiens n'appartenant pas à la première catégorie, M. Dominique Braye, rapporteur pour avis, a indiqué qu'il proposerait à la commission de supprimer la mesure proposée, en espérant qu'une meilleure solution puisse être trouvée au cours du débat. Il a précisé que le rapporteur de la commission des lois ferait la même proposition, et qu'il partageait son souci d'éviter une mesure qui serait très mal comprise par tous ceux qui ont élevé, notamment pour la chasse, ces chiens qu'il n'y a aucune raison d'euthanasier.
a ensuite indiqué à la commission les orientations qu'il lui proposerait de retenir.
En ce qui concerne l'évaluation, elles porteraient notamment sur :
- la transmission des résultats des évaluations comportementales des chiens à l'autorité de police ;
- l'extension de l'évaluation comportementale à tous les chiens que leur poids rend potentiellement dangereux, le rapporteur pour avis notant à ce sujet que les accidents les plus nombreux étaient causés par des bergers allemands et non par des chiens « classés » ;
- l'imposition de l'obligation de formation en fonction des résultats de l'évaluation, et d'obtention de l'attestation d'aptitude si l'évaluation révèle que le chien peut présenter un danger justifiant que son maître dispose des compétences nécessaires pour le contrôler.
En ce qui concerne la formation, M. Dominique Braye, rapporteur pour avis, a indiqué qu'outre les amendements procédant du lien logique à établir entre celle-ci et l'évaluation, il proposerait à la commission un amendement rédigé en commun avec le rapporteur de la commission des lois pour imposer que tous les employés de sécurité ou de gardiennage utilisant des chiens soient au moins tenus d'être titulaires de l'attestation d'aptitude, cette obligation étant à la charge de leur employeur, qui pourront être pénalement sanctionnés s'il ne la respectent pas.
Un débat a suivi.