Intervention de Jean-Paul Herteman

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 16 avril 2008 : 1ère réunion
Industrie de défense — Audition de M. Jean-Paul Herteman président-directeur général de safran

Jean-Paul Herteman, président du directoire de Safran :

En réponse, M. Jean-Paul Herteman a indiqué que, dans la majorité des disciplines industrielles de Safran, il n'y avait pas, ou pas encore, de fossé technologique majeur entre la France et les Etats-Unis, même si la gamme des produits offerts par les industriels français était moins importante. Le moteur du Rafale est tout à fait compétitif en termes de performance et de coût de possession vis-à-vis de ses homologues américains, aux effets d'échelle près. C'est la même chose pour les moteurs des missiles de croisière de Microturbo ; les technologies de navigation inertielle sont maîtrisées ; celles de l'infrarouge aussi. En revanche, les industriels français souffrent d'un handicap concernant la faiblesse de leur marché intérieur, ce qui, a contrario, souligne l'importance d'un accès aux marchés extérieurs et à l'exportation. Les aides et contributions dont bénéficient les concurrents américains en matière de recherche-développement sont très supérieures à celles reçues par les industriels français. M. Jean-Paul Herteman a estimé que le crédit d'impôt recherche était une bonne chose dans le cas de son entreprise et qu'il leur apportait une aide significative, de l'ordre de 0,5 % du chiffre d'affaires. Il n'en reste pas moins que le différentiel d'aide dont bénéficient les compétiteurs américains, par exemple General Electric, a été évalué entre 3 et 4 % du chiffre d'affaires. Le grand levier de l'aide que peuvent apporter les pouvoirs publics aux industriels réside dans la définition de programmes mobilisant des technologies duales.

a déclaré que son groupe restait pour l'instant dans la course, mais que sous le double effet de la dépréciation du dollar et des aides massives dont bénéficient ses compétiteurs américains, la situation ne pouvait perdurer durablement sans risque. S'agissant des délocalisations, il a indiqué que le groupe qu'il préside n'avait pas délocalisé, mais que les dernières années, profitant d'une hausse du cycle industriel aéronautique, le développement industriel de son groupe s'était fait essentiellement dans les pays de la zone dollar, comme dans les pays émergents. Ainsi 15 % de la production de réacteurs CFM 56 sont actuellement exportés vers la Chine, ce qui nécessite impérativement une implantation locale. D'autant que cette implantation représente également un gain substantiel en termes de coûts de production par rapport aux coûts occidentaux. Trois usines viennent d'être ouvertes en Chine pour un investissement d'environ cent millions d'euros. Aujourd'hui le groupe est dans une situation où il aura presque autant de personnel d'atelier en France qu'à l'étranger. Le groupe investit environ 150 millions d'euros à l'étranger, mais simultanément, il investit près de 350 millions d'euros en France, parce que le projet industriel est de conserver sur le sol national des technologies dont nous souhaitons garder le contrôle. Il a encore indiqué que, bien maîtrisée, une politique industrielle d'implantation à l'étranger pouvait être bénéfique à tout le monde, y compris et surtout au pays d'accueil, comme tel est le cas, par exemple, au Maroc. M. Jean-Paul Herteman a encore indiqué que, pour l'instant, son groupe avait été puissamment aidé par le caractère porteur du cycle aéronautique, ce qui explique que, jusqu'à présent, les délocalisations ont été maîtrisées, mais il ne faudrait pas que le dollar reste durablement à un niveau très bas car si, en plus, se produisait un retournement du cycle, la situation deviendrait plus tendue.

Concernant le Royaume-Uni, M. Jean-Paul Herteman a rappelé que, pendant de longues années, son gouvernement avait considéré les systèmes d'arme comme des objets que l'on pouvait se procurer en les achetant « sur étagère ». Mais un retournement de doctrine est intervenu à l'occasion de l'élaboration de leur Livre blanc. Les autorités britanniques, qui se sont rendu compte du risque de perte de savoir-faire, sont revenues à une politique plus « colbertiste ». S'agissant de l'Allemagne, M. Jean-Paul Herteman a indiqué que son industrie de défense n'avait pas un niveau de « profondeur technologique » comparable au nôtre, même si, quand elles existent, leurs industries sont très bien organisées et compétitives. Néanmoins l'Allemagne n'est pas un acteur de même taille que l'industrie de défense britannique.

Enfin, sur les effets de taille, M. Jean-Paul Herteman a indiqué que la taille limitée de notre marché de défense pouvait être un vrai handicap s'il n'était adossé à des exportations. Il a indiqué que les trois grands premiers équipementiers mondiaux dans le domaine étaient américains : Général Electric (GE), United Technologies (UTC) et Honeywell. Le plus grand, GE, est beaucoup plus important que Safran, mais c'est un conglomérat beaucoup plus vaste. L'écart de chiffres d'affaires, dans le seul domaine militaire, n'est que d'un facteur de un à deux. S'agissant de UTC, ce rapport est légèrement inférieur à 2 ; quant à Honeywell, il s'agit d'un groupe de poids et de format comparables. En seconde ligne existent trois équipementiers européens qui sont de taille comparable : Rolls Royce, Safran et Thales. L'une des caractéristiques de Safran, importante à savoir par rapport à ses concurrents, est que sa percée dans le domaine aéronautique, est relativement récente à l'aune des durées de vie des programmes. Compte tenu du fait que l'économie des programmes aéronautiques civils est une activité dans laquelle l'essentiel des revenus vient des services et des pièces de rechange, les sociétés du groupe Safran spécialisées dans les services ont un gros potentiel de revenus dans les années à venir. Enfin, il a indiqué qu'il n'était pas inquiet sur la capacité de son groupe à autofinancer, le moment venu, les successeurs de la gamme de moteur CFM. En revanche, il a constaté que le segment défense était dans une position plus difficile.

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