Intervention de Pierre Assouline

Commission des affaires culturelles, familiales et sociales — Réunion du 18 juillet 2007 : 1ère réunion
Secteur de l'édition — Audition de M. Pierre Assouline

Pierre Assouline, journaliste, blogueur :

En réponse aux différents intervenants, M. Pierre Assouline a apporté les précisions suivantes :

- les livres jouent actuellement un rôle irremplaçable dans la naissance du goût de la lecture chez les enfants ; mais c'est ce goût qui est important, et peu importe, dans la pratique, si de nouveaux supports se substituent par la suite aux anciens ;

- les nouvelles générations se tournent spontanément vers la lecture sur internet et vers les journaux gratuits ; même s'il convient de leur expliquer que cette gratuité est apparente ou illusoire, c'est un élément qu'il convient désormais de prendre en compte dans l'économie du livre ;

- l'absence d'émissions littéraires à la télévision n'est pas si regrettable que cela, dans la mesure où ce média n'est sans doute pas le mieux adapté à la présentation d'un livre ; une émission comme « Apostrophes » a été en quelque sorte un « accident génétique » sans lendemain ;

- un phénomène de marque se reconnaît à ce qu'un produit principal peut se décliner en de nombreux produits dérivés ; une maison d'édition ou un grand journal peuvent à la rigueur en bénéficier, mais un auteur ne se « décline » pas, même s'il est vrai qu'aujourd'hui, 50 % du produit d'un livre est issu de ce qu'on appelle les droits annexes : l'édition en poche ou les droits d'adaptation télévisée ou cinématographique ;

- les achats de livre en ligne sont essentiels pour les Français qui vivent à l'étranger et les « blogs » sur internet leur permettent de rester au contact de la vie littéraire immédiate ; pour autant, il est indispensable de multiplier les points de vente des livres français à l'étranger ; les autorités françaises, si elles souhaitent effectivement encourager la diffusion du livre français à l'étranger, doivent réduire ou supprimer les taxes à l'exportation qui en grèvent le prix ; il est également indispensable d'encourager davantage les librairies françaises à l'étranger ;

- un label de qualité « librairie indépendante de référence » (LIR) sera prochainement attribué en France à un certain nombre de librairies qui tirent de la vente des livres l'essentiel de leur chiffre d'affaires et leur permettra de bénéficier d'exemptions fiscales significatives ;

- les grands sites de vente en ligne, même s'ils font des opérations de promotion sur les meilleures ventes, proposent aussi un choix de livres extrêmement vaste, incluant d'ailleurs des livres qui ne sont plus réédités ;

- la généralisation de l'ADSL et la diminution du prix des ordinateurs a commencé de réduire la fracture numérique ; les ordinateurs seront bientôt à la disposition de tous les élèves dans les écoles et la mairie de Paris a récemment ouvert plusieurs sites proposant un accès Wifi gratuit ;

- la création est un acte solitaire qui, particulièrement en littérature, ne demande pas d'investissement financier particulier, mais du talent et de l'inspiration ; il n'est pas souhaitable que l'Etat l'assiste davantage ;

- le livre papier restera apparemment longtemps sans concurrent pour la lecture de romans ;

- un pays comme les Etats-Unis est très fermé aux fictions étrangères estimant que la production nationale suffit à ses besoins ;

- l'Etat français n'attache pas à la diffusion à l'étranger de la culture des moyens suffisants, ni au titre du ministère de la culture, ni au titre de celui des affaires étrangères ; les crédits consacrés aux manifestations culturelles itinérantes sont insuffisants et celles-ci dépendent de plus en plus du mécénat privé ; cette indifférence est d'autant plus regrettable que la présence culturelle et linguistique s'accompagne toujours de retombées économiques positives ;

- le public français est privilégié en matière d'accès aux littératures étrangères, car la plupart des titres intéressants sont rapidement disponibles en français, et en format de poche ; si leur écho dans l'opinion est encore trop réduit il faut en imputer la responsabilité à la critique qui ne les fait pas assez connaître.

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