Suivant la proposition de son président, M. Jacques Valade, la commission s'est saisie pour avis du projet de loi de règlement du budget de l'année 2006 n° 389 (2006-2007), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, de façon à pouvoir se prononcer sur l'exécution du budget du ministère chargé de la culture, et plus particulièrement sur la gestion des crédits consacrés au patrimoine architectural auxquels elle a consacré, l'année dernière, une importante mission d'information.
La commission a désigné, ensuite, comme rapporteur pour avis M. Philippe Richert.
Puis M. Philippe Richert, rapporteur pour avis, a indiqué que son intervention se situerait dans le prolongement des travaux et des recommandations de la mission d'information qu'il avait eu l'honneur de présider. Il a annoncé qu'il s'attacherait à présenter un bilan de la façon dont avaient été gérés en 2006 les crédits du patrimoine et des perturbations provoquées par l'insuffisance des crédits, avec notamment l'arrêt de 300 chantiers, partiellement compensée par l'annonce, en fin d'année, par le Gouvernement, d'une enveloppe supplémentaire de 20 millions d'euros. Il a ajouté qu'il interrogerait la ministre chargée de la culture sur le contrecoup de cette crise financière, puisque les 140 millions d'euros de recettes affectées inscrites en loi de finances initiale pour 2007 ne peuvent bénéficier qu'aux monuments appartenant à l'Etat, et qu'il reste dans les régions une dette d'environ 280 millions d'euros pour les monuments n'appartenant pas à l'Etat. Il demandera à la ministre de la culture et de la communication comment elle pense remédier à ces difficultés et de lui préciser le chemin restant à parcourir pour atteindre l'objectif tendant à consacrer 10 % des crédits du patrimoine architectural à la restauration des monuments privés.
a rappelé que la ministre chargée de la culture n'était pas encore en charge de ce portefeuille ministériel en 2006, ce qui rendait sa tâche délicate.
a estimé que du fait des ses anciennes fonctions, la ministre chargée de la culture était certainement bien au fait de la problématique du patrimoine architectural, à laquelle il s'est réjoui que le Gouvernement attache une grande importance, comme en témoignent les propos tenus par le Premier ministre au cours de son discours de politique générale.
a regretté de ne pouvoir être présent lors du débat du 23 juillet prochain, mais a exprimé toute sa confiance dans le rapporteur pour avis pour défendre le point de vue de la commission.
a rappelé que de très nombreux départements ainsi que certaines communes se sont engagés avec l'Etat dans des programmations pluriannuelles de restauration du patrimoine architectural, qui ont été paralysées par les défaillances de ce dernier. Il a souhaité qu'à l'avenir, l'Etat dégage les moyens financiers nécessaires au respect de ces engagements pluriannuels, faute de quoi, a-t-il estimé, la LOLF n'aurait plus de sens.
Rappelant que les dispositions fiscales favorables aux secteurs sauvegardés avaient déjà fait l'objet, il y a deux ans, d'une tentative de plafonnement, M. Yves Dauge s'est alarmé des conséquences que pourrait avoir en ce domaine la volonté du ministère des finances de s'en prendre à nouveau à l'ensemble des « niches » fiscales.
En réponse à M. Ivan Renar, M. Jacques Valade, président, a précisé que le débat de la séance du 23 juillet porterait bien sur l'ensemble des politiques conduites par le ministère chargé de la culture, mais que la commission des affaires culturelles avait choisi de centrer son intervention sur la politique du patrimoine, dans le prolongement de la mission d'information qu'elle a conduite sur ce sujet en 2006.
a indiqué que le patrimoine serait également le thème de son intervention personnelle au cours de cette séance.
est convenu, avec M. Louis de Broissia, que les difficultés financières du ministère de la culture avaient placé les collectivités territoriales, et notamment les départements, dans des situations difficiles, dans la mesure où leurs contributions aux fonds de concours sont restées souvent immobilisées du fait de la défaillance de l'Etat.
La commission a autorisé M. Philippe Richert, rapporteur pour avis, à intervenir en séance publique sous la forme d'un rapport oral.
La commission a procédé ensuite à l'audition de M. Pierre Assouline, écrivain, journaliste, blogueur.
a rappelé que la commission des affaires culturelles avait souhaité profiter de la suspension des travaux législatifs en séance publique pour approfondir un certain nombre de thèmes auxquels elle réfléchit depuis plusieurs années : c'est dans le cadre de la réflexion qu'elle a ainsi engagée sur l'avenir du livre et de l'édition qu'elle a souhaité l'auditionner en ses qualités d'écrivain, de journaliste chroniqueur au journal « Le Monde », d'enseignant maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Paris et dans une école de journalisme et enfin, d'auteur d'un blog particulièrement reconnu.
a constaté que la crise de l'édition était un problème récurrent, qui avait toujours été considéré comme actuel depuis près d'un siècle. Il a observé, toutefois, que le débat actuel se nourrissait d'une forte dose d'incertitude, les éditeurs étant aujourd'hui confrontés à des interrogations auxquelles on ne peut apporter de réponse. Evoquant les changements radicaux que commençait d'entraîner l'internet, il a estimé qu'ils affectaient dans des proportions différentes le monde de la presse et celui de l'édition : la presse évolue déjà vers un nouveau modèle dans lequel les supports papier sont condamnés à ne plus exister que comme des produits de luxe, les journaux en ligne tendant à devenir le mode de diffusion ordinaire ; il convient d'en prendre acte et d'orienter dès maintenant les jeunes vers ces nouvelles formes de diffusion numérique ; le monde du livre reste, en revanche, davantage préservé, du fait à la fois, de l'attachement du lecteur français à l'objet-livre, et de l'attitude assez conservatrice d'un milieu français de l'édition, géographiquement concentré et fidèle à ses habitudes, pour ne pas dire à ses rituels.
Il a noté, cependant, que le segment des dictionnaires et des encyclopédies était en passe d'être absorbé par internet, du fait des avantages inhérents à ce nouveau support qui permet de remédier à la fois à l'encombrement, au coût, et à l'obsolescence qui pénalisaient inévitablement les supports papier. Il a jugé significatif que le « Quid », qui s'était vendu à près de 500.000 exemplaires par an pendant un bon quart de siècle, soit brutalement tombé à 200.000 exemplaires, il y a deux ans, annonçant un déclin inéluctable. Il a estimé que dans ce segment, les éditeurs devraient en outre trouver les réponses au défi de la gratuité, et, par exemple, proposer gratuitement des références en ligne tout en préservant un accès payant à des archives et des services supplémentaires, au prix d'un changement radical de leurs habitudes. Il a observé, en effet, qu'une encyclopédie en ligne comme « Wikipédia » avait radicalement modifié le contexte concurrentiel où s'inscrivent les encyclopédies, tout en soulignant les lacunes et les erreurs qui affectent ce type de base de données. Illustrant son propos par des exemples concrets, il a déploré que la notice consacrée à Philippe Pétain se limite à une succession de dates et de faits qui ne permettent pas de comprendre les controverses auxquelles a donné lieu ce personnage historique ; il a relevé également que la notice consacrée à Albert Londres le présente, à tort, comme un « journaliste juif » se faisant, en quelque sorte, l'écho de ses détracteurs antisémites des années 20 ; enfin, il a constaté que des erreurs pouvaient rester en ligne pendant plus de deux mois avant d'être corrigées.
Il a jugé, en revanche, qu'en littérature - qu'il s'agisse des romans ou des essais - le livre avait encore un bel avenir devant lui, tout en considérant que l'internet pourrait apporter une réponse au marasme où s'enfoncent, aujourd'hui, les sciences humaines : en effet, la publication de thèses savantes, commercialement invendables et condamnées au pilon, devant davantage relever d'une mise en ligne permettant au public restreint des chercheurs et étudiants de ne consulter que les parties susceptibles de les intéresser.
Abordant ensuite les conséquences de l'internet sur le secteur de la librairie, M. Pierre Assouline a constaté que les quatre grands sites de vente de livres en ligne avaient déjà obligé les libraires traditionnels à se mettre à la vente par internet pour toucher des clients au-delà de leurs zones de chalandise habituelle. Il a estimé que cette évolution devait également obliger les éditeurs à repenser leur politique éditoriale pour remédier à l'engorgement que provoque la publication régulière d'un trop grand nombre de titres, dont beaucoup ne méritent pas d'être publiés. Il a reconnu, cependant, que le métier d'éditeur reposait sur des paris et que les plus grands succès, même quand ils paraissent évidents après coup, sont en réalité imprévisibles, à l'image des « Bienveillantes », qui sont passées inaperçues pendant les deux premiers mois de leur publication, avant de se vendre à 700.000 exemplaires.
Il a estimé que, dans ce nouveau contexte, les « blogs », comme celui qu'il a lancé et qui ne traite que de littérature, avaient vocation à prendre le relais d'une émission télévisée comme « Apostrophe » qui est restée sans descendance, et à jouer un rôle de prescripteur, conférant une ampleur nouvelle à un phénomène vieux comme le monde : le bouche à oreilles. Il a estimé, qu'au contraire des critiques littéraires publiées dans un journal et qui s'adressent de ce fait à un public bien déterminé, les essais publiés sur un « blog » avaient vocation à toucher le monde entier et à susciter des réactions dans les villes d'Amérique latine ou du Canada et à intéresser des gens qui lisent, mais ne parlent pas le français, comme tel est le cas en Corée du Sud. Il a estimé que ces outils apportaient une contribution très précieuse à un combat dans lequel notre engagement n'est malheureusement pas à la hauteur de celui de nos partenaires francophones : le combat pour la langue française.
Un débat a suivi l'exposé de M. Pierre Assouline.
a demandé si le fait que les jeunes générations perdent le contact avec le journal papier ne constituait pas malgré tout une menace pour l'avenir de la presse. Il s'est demandé si le phénomène des « marques » ne pourrait pas constituer pour les éditeurs et pour certains auteurs un levier pour surnager dans le monde du numérique.
citant un article publié dans un grand quotidien du soir, et intitulé « Commerce de la culture et commerce culturel », s'est demandé si les ventes de livres en ligne ne risquaient pas de favoriser trop exclusivement les livres à succès. Relevant que tous les pays ne disposaient pas actuellement d'un accès facile à internet, il a estimé qu'on ne pouvait, en conséquence, compter sur ce seul média pour assurer la vente de livres français à l'étranger face à la concurrence redoutable que constitue le livre anglo-saxon à bon marché.
Tout en jugeant vivifiantes les perspectives présentées par M. Pierre Assouline, M. Ivan Renar a jugé préoccupant le déclin de la presse papier, estimant que l'effort que fait chacun pour acheter un journal était en quelque sorte le prix à payer pour la liberté et la démocratie, et s'est alarmé des risques qu'entraîne la fracture numérique en termes d'égalité d'accès à l'information. Il a souhaité également connaître la voie qui pourrait être explorée pour encourager la création littéraire.
s'est demandé dans quelle mesure le passage du support papier à l'écran numérique ne modifiait pas la perception qu'un lecteur a d'un texte et, par voie de conséquence, l'accès à la culture.
a regretté que, de tous les francophones, les Français soient les moins convaincus du bien-fondé de la bataille pour la langue française. Il a déploré que les réseaux culturels français à l'étranger ne s'attachent pas suffisamment à faire connaître les publications françaises les plus récentes, faute d'être convenablement informés. Il a déploré également qu'ils ne reçoivent qu'un appui très insuffisant des administrations concernées, qu'il s'agisse de celles de la culture, des affaires étrangères ou de l'éducation nationale, et que ce réseau unique au monde soit ainsi trop souvent abandonné à lui-même. Enfin, il a déploré que la France, qui a joué un rôle-pilote dans l'adoption de la convention de l'Unesco sur la diversité culturelle, semble se désintéresser de sa mise en oeuvre, alors que l'Inde et la Chine ont perçu tout l'intérêt qu'elles pouvaient en tirer.
a relevé que les centres culturels et les alliances françaises tentaient souvent de s'adapter au mieux aux réalités locales, citant le cas des alliances françaises en Chine qui, s'adressant à une clientèle fournie et solvable, n'ont pas hésité à adopter un mode de fonctionnement proche de celui des entreprises en faisant payer les cours de français qu'elles dispensent.
a déploré que la commission des finances ait réduit de 800.000 euros la subvention destinée à « Cultures-France » à l'occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 2007.
a regretté que le public français ne soit pas mieux informé des publications nouvelles en matière de littérature étrangère.
En réponse aux différents intervenants, M. Pierre Assouline a apporté les précisions suivantes :
- les livres jouent actuellement un rôle irremplaçable dans la naissance du goût de la lecture chez les enfants ; mais c'est ce goût qui est important, et peu importe, dans la pratique, si de nouveaux supports se substituent par la suite aux anciens ;
- les nouvelles générations se tournent spontanément vers la lecture sur internet et vers les journaux gratuits ; même s'il convient de leur expliquer que cette gratuité est apparente ou illusoire, c'est un élément qu'il convient désormais de prendre en compte dans l'économie du livre ;
- l'absence d'émissions littéraires à la télévision n'est pas si regrettable que cela, dans la mesure où ce média n'est sans doute pas le mieux adapté à la présentation d'un livre ; une émission comme « Apostrophes » a été en quelque sorte un « accident génétique » sans lendemain ;
- un phénomène de marque se reconnaît à ce qu'un produit principal peut se décliner en de nombreux produits dérivés ; une maison d'édition ou un grand journal peuvent à la rigueur en bénéficier, mais un auteur ne se « décline » pas, même s'il est vrai qu'aujourd'hui, 50 % du produit d'un livre est issu de ce qu'on appelle les droits annexes : l'édition en poche ou les droits d'adaptation télévisée ou cinématographique ;
- les achats de livre en ligne sont essentiels pour les Français qui vivent à l'étranger et les « blogs » sur internet leur permettent de rester au contact de la vie littéraire immédiate ; pour autant, il est indispensable de multiplier les points de vente des livres français à l'étranger ; les autorités françaises, si elles souhaitent effectivement encourager la diffusion du livre français à l'étranger, doivent réduire ou supprimer les taxes à l'exportation qui en grèvent le prix ; il est également indispensable d'encourager davantage les librairies françaises à l'étranger ;
- un label de qualité « librairie indépendante de référence » (LIR) sera prochainement attribué en France à un certain nombre de librairies qui tirent de la vente des livres l'essentiel de leur chiffre d'affaires et leur permettra de bénéficier d'exemptions fiscales significatives ;
- les grands sites de vente en ligne, même s'ils font des opérations de promotion sur les meilleures ventes, proposent aussi un choix de livres extrêmement vaste, incluant d'ailleurs des livres qui ne sont plus réédités ;
- la généralisation de l'ADSL et la diminution du prix des ordinateurs a commencé de réduire la fracture numérique ; les ordinateurs seront bientôt à la disposition de tous les élèves dans les écoles et la mairie de Paris a récemment ouvert plusieurs sites proposant un accès Wifi gratuit ;
- la création est un acte solitaire qui, particulièrement en littérature, ne demande pas d'investissement financier particulier, mais du talent et de l'inspiration ; il n'est pas souhaitable que l'Etat l'assiste davantage ;
- le livre papier restera apparemment longtemps sans concurrent pour la lecture de romans ;
- un pays comme les Etats-Unis est très fermé aux fictions étrangères estimant que la production nationale suffit à ses besoins ;
- l'Etat français n'attache pas à la diffusion à l'étranger de la culture des moyens suffisants, ni au titre du ministère de la culture, ni au titre de celui des affaires étrangères ; les crédits consacrés aux manifestations culturelles itinérantes sont insuffisants et celles-ci dépendent de plus en plus du mécénat privé ; cette indifférence est d'autant plus regrettable que la présence culturelle et linguistique s'accompagne toujours de retombées économiques positives ;
- le public français est privilégié en matière d'accès aux littératures étrangères, car la plupart des titres intéressants sont rapidement disponibles en français, et en format de poche ; si leur écho dans l'opinion est encore trop réduit il faut en imputer la responsabilité à la critique qui ne les fait pas assez connaître.
a remercié M. Pierre Assouline pour ses analyses stimulantes.
Il a enfin rendu hommage à Mme Sophie Barluet, auditionnée par la commission dans le cadre de sa mission « Livre 2010 » et décédée récemment des suites d'une longue maladie.
La commission a enfin procédé à la présentation du rapport d'information de la mission effectuée au Japon et en Corée du Sud du 25 mars au 1er avril 2007.
M. Jacques Valade, président, a rappelé que la commission avait envoyé en Corée du Sud et au Japon, en mars 2007, une délégation présidée par lui-même et constituée de Mmes Annie David et Monique Papon et de MM. Louis de Broissia, Jean-Léonce Dupont, Jean-François Humbert, Serge Lagauche, et Jean-Marc Todeschini.
Alors que l'année 2006 a été marquée par la célébration du 120e anniversaire des relations diplomatiques franco-coréennes et que 2008 sera l'occasion de fêter le 150e anniversaire des relations franco-japonaises, cette mission a permis à la délégation de mesurer l'intensité et la qualité des liens privilégiés unissant la France à ces deux pays.
Il a souligné que ce déplacement avait apporté aux membres de la délégation un éclairage nouveau et des informations bienvenues concernant deux secteurs récemment réformés ou en voie de l'être dans notre pays.
En effet, moins d'un mois après la promulgation de la loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, qui renforce le cadre juridique de la télévision numérique terrestre (TNT) et fixe les règles nécessaires à la démocratisation de la haute définition (HD) et des services de télévision mobile personnelle, cette mission a permis de découvrir le fonctionnement de ce type de services dans deux pays à l'avant-garde en matière de diffusion numérique.
Après avoir affirmé que les réseaux câblés et les plates-formes satellitaires offraient des caractéristiques technologiques et économiques assez similaires à leurs homologues européens, M. Jacques Valade, président, a noté que la situation des services numériques était, quant à elle, plus contrastée. Il a souligné que pour l'observateur français, le Japon et la Corée du Sud présentaient en ce domaine un paradoxe : à la pointe du progrès en matière de déploiement des services de télévision numérique terrestre et de télévision mobile personnelle, ces deux pays font face à un certain nombre d'incertitudes et comptent même un certain retard en matière de diffusion de services de télévision sur internet.
Il a rappelé qu'en matière de TNT, le Japon et la Corée du Sud faisaient office de précurseurs et que ce mode de diffusion couvrait d'ores et déjà plus de 85 % de la population de chaque pays. La France n'atteindra quant à elle le taux de 70 % qu'à la fin du mois de juillet.
En dépit du lancement précoce de la TNT dans les deux pays, il a constaté, néanmoins, que l'arrêt définitif de la diffusion analogique devait intervenir à des dates sensiblement identiques à celles fixées par la loi du 5 mars 2007 précitée.
Il a expliqué que la Corée du Sud et le Japon, dont le parc compte respectivement 20 et 100 millions de téléviseurs, se heurtaient au problème du taux d'équipement des ménages en récepteurs numériques.
Initialement prévue en 2010 en Corée du Sud, cette « bascule » vers le tout numérique a d'ores et déjà été repoussée de deux ans par la Korean Broadcasting Commission (KBC), le régulateur local, afin d'atteindre le seuil de 95 % des foyers coréens équipés d'un téléviseur susceptible de recevoir les nouveaux signaux.
a souligné que le Japon se trouvait de fait dans la même situation : si la date d'arrêt de la diffusion analogique demeure fixée au 24 juillet 2011, le nombre de téléviseurs en circulation capables de recevoir la TNT est loin d'être suffisant.
Il a rappelé que si la France avait donné la priorité à l'arrivée de nouveaux entrants et à l'augmentation de l'offre offerte aux téléspectateurs, la Corée du Sud avait choisi de réserver la totalité de la ressource numérique aux chaînes déjà diffusées en analogique.
Il a affirmé que ce choix visait à permettre la diffusion de l'ensemble des chaînes hertziennes en haute définition. La KBC a fixé d'ailleurs des objectifs en ce sens à l'ensemble des services affectataires de fréquences hertziennes, ceux-ci étant tenus de proposer chaque semaine aux téléspectateurs 35 % de leur programmation en HD dès cette année et 100 % d'ici à 2010.
Il a observé, toutefois, que l'aspect audiovisuel le plus intéressant était celui relatif aux services de télévision mobile personnelle, dont le lancement en France devrait intervenir au premier trimestre 2008. En ce domaine, il a constaté qu'aucune offre n'avait réussi à trouver son équilibre économique.
Il a rappelé que la Corée du Sud pouvait se prévaloir d'avoir lancé en 2005 les premiers services de télévision mobile au monde. Leur succès ne se dément pas puisque trois millions de Coréens regardent aujourd'hui la télévision sur leur téléphone, leur ordinateur portable ou en voiture, près de deux heures par jour en moyenne.
Il a noté que deux offres étaient disponibles : la première, lancée le 1er mai 2005, utilise un mode de transmission par satellite (S-DMB) tandis que la seconde, lancée le 1er décembre de la même année, emprunte des relais terrestres (T-DMB).
Il a précisé que l'offre satellitaire avait atteint le cap du million d'abonnés fin 2006 et que son concurrent terrestre avait vendu plus de 2 millions de récepteurs, ses 7 chaînes de télévision et ses 13 stations de radio ayant l'avantage d'être proposées gratuitement, les opérateurs ayant choisi de se rémunérer sur la publicité.
Il a affirmé que le choix de la gratuité demeurait toutefois risqué d'un point de vue économique : compte tenu de l'audience limitée du service et de l'impossibilité légale d'interrompre un programme par une publicité, les recettes des consortiums ne couvrent à l'heure actuelle que 5 % des charges d'exploitation.
Il a rappelé qu'au Japon, la télévision mobile personnelle avait été lancée fin 2006. Elle permet de regarder gratuitement les programmes de la TNT sur la partie supérieure de son mobile et de bénéficier d'informations télétexte fournies par la chaîne sur le tiers inférieur de ce dernier.
Il a précisé qu'au 31 décembre 2006, 3,4 millions de clients bénéficiaient de ce service sur leur téléphone et 260 000 dans leur voiture. Il a estimé que ce résultat était flatteur compte tenu des limites actuelles du service : si la qualité est bonne lorsque la réception se fait près d'une fenêtre ou dans la rue, le nombre réduit de réémetteurs provoque de fréquentes coupures de signal et empêche l'accès aux services dans le métro, les tunnels et certains bâtiments.
Il a indiqué que les difficultés rencontrées par les différents systèmes institués au Japon et en Corée du Sud permettaient de tirer deux leçons :
- il convient, d'une part, d'éviter la concurrence entre deux technologies présentes sur ce marché, la Corée du Sud étant d'ailleurs en train de mettre en place la convergence entre les deux services en proposant des téléphones compatibles S-DMB et T-DMB ;
- il est impératif de privilégier la qualité des programmes, la pauvreté des contenus étant la première cause d'abandon du service. Ceci passe par le libre accès aux programmes à forte audience des chaînes hertziennes, par leur diffusion dans leur format habituel ainsi que par le développement de contenus spécifiques, adaptés au support et aux spectateurs.
Il a estimé qu'en France comme ailleurs, le monde du téléphone mobile et celui de la télévision devraient en tout état de cause mettre rapidement au point une chaîne de valeur suscitant des revenus pour chacun.
a rappelé que le secteur des médias en Corée du Sud et au Japon ne se limitait pas à l'audiovisuel et s'est attardé sur le secteur de la presse.
Il a indiqué que l'écart séparant la situation des quotidiens français de celle des quotidiens japonais et coréens tenait en quelques chiffres. Il a souligné ainsi qu'en 2006, la Corée du Sud comptait 106 quotidiens pour un tirage total d'environ 16 millions d'exemplaires et qu'au Japon, la centaine de quotidiens existants diffusait 70,3 millions d'exemplaires . A titre de comparaison, la presse quotidienne française, tous titres confondus, tire à moins de 5 millions d'exemplaires par jour.
Après avoir déclaré que, pris individuellement, les trois principaux quotidiens coréens dominaient 70 % du marché de la presse pour un tirage de plus de 2 millions d'exemplaires, il a indiqué que le Yomiuri shimbun japonais était considéré comme le quotidien le plus diffusé au monde avec 14 millions d'exemplaires. Il a rappelé que le premier quotidien français, Ouest France, avait une diffusion de 800 000 exemplaires et que Le Monde était tiré chaque jour à 350 000 exemplaires.
Soulignant que ces résultats étaient le fruit de nombreux facteurs relevant tant de la stratégie des éditeurs que des principales caractéristiques des sociétés japonaises et coréennes, il a souhaité citer les principaux d'entre eux.
Il a insisté, d'abord, sur l'importance des abonnements. Bien qu'en diminution dans les deux pays, ceux-ci représentent plus de 50 % de la diffusion des quotidiens. Ce mode de diffusion permet de fidéliser le lecteur et d'éviter l'incertitude liée à l'achat « pulsion ».
Il a souligné, également, l'importance des facteurs économiques, les principaux groupes médiatiques japonais étant construits et organisés autour des grands quotidiens. Ces journaux ont su développer d'autres activités que la presse quotidienne et s'assurer du contrôle des médias audiovisuels. Ce développement s'est fait avec l'aide de l'Etat, favorable à l'idée d'une « rationalisation » du secteur médiatique où presse, radio et télévision pourraient coexister harmonieusement.
Il a mis l'accent, enfin, sur le dynamisme des éditeurs en matière de nouvelles technologies, le Chosun coréen ayant ainsi lancé son site internet dès 1995 et tous les journaux coréens et japonais étant consultables gratuitement sur la toile.
En dépit de ces avantages, il a précisé que la presse des deux pays partageait certaines inquiétudes avec son homologue française. Il a rappelé que tous les interlocuteurs avaient ainsi souligné la diminution de la diffusion des quotidiens et des taux d'abonnement du fait de la concurrence de nouveaux médias.
Les membres de la mission ont pu en effet constater que les journaux gratuits proposaient désormais une alternative crédible aux titres traditionnels japonais ou coréens. Dans l'agglomération de Séoul, les quatre titres les plus importants distribuent déjà près d'1,75 million d'exemplaires par jour.
Il a souligné que « le journalisme citoyen » faisait également des émules, le site coréen Ohmynews faisant figure de véritable référence mondiale. Il a souligné que l'originalité de ce site résidait dans son concept : offrir aux internautes la possibilité de proposer des articles dont les meilleurs sont publiés en ligne après vérification, validation et réécriture réalisées par une équipe de 65 journalistes professionnels. Actuellement, le site compterait plus de 50 000 contributeurs occasionnels.
Relevant que cette « nouvelle » forme de presse avait suscité de nombreux débats au sein de la mission, il a affirmé qu'elle avait, en tous cas, permis à chacun des membres de prendre conscience, si besoin était, de l'influence désormais exercée par les internautes sur la sphère publique et politique dans un pays démocratique.
Abordant enfin la réforme du système universitaire japonais, M. Jacques Valade, président, a rappelé que les membres de la mission avaient eu accès aux laboratoires de recherche de l'université de Tokyo et pu rencontrer le président de celle-ci et le directeur de l'enseignement supérieur au ministère de l'Education nationale.
Il a souligné qu'à l'issue des entretiens, les membres de la mission avaient constaté une grande similitude des problématiques entre nos deux pays, le Japon ayant lui aussi décidé de mettre en oeuvre une politique privilégiant l'éducation et la recherche incluant une réforme de l'enseignement supérieur destinée à favoriser la compétitivité des établissements.
Il a rappelé que cette réforme reposait sur trois axes principaux :
- une autonomie allant de pair avec une évaluation renforcée ;
- une meilleure insertion des universités dans le tissu économique et social ;
- un statut de droit privé pour les personnels destiné à favoriser souplesse et mobilité.
Il a souligné que cette réforme avait déjà produit des effets, notamment en termes de coopération recherche-industrie en permettant de faire tomber un certain nombre de barrières et, bien qu'il faille beaucoup de temps pour changer les vieilles habitudes, de favoriser les collaborations.
Il a noté, toutefois, que cette réforme suscitait des interrogations sur ses effets en termes de disparités d'accès à l'enseignement supérieur et de déséquilibre entre recherche appliquée et recherche fondamentale.
A l'issue de cet exposé, la commission a autorisé la publication de ces conclusions sous la forme d'un rapport d'information.