Après avoir affirmé que les réseaux câblés et les plates-formes satellitaires offraient des caractéristiques technologiques et économiques assez similaires à leurs homologues européens, M. Jacques Valade, président, a noté que la situation des services numériques était, quant à elle, plus contrastée. Il a souligné que pour l'observateur français, le Japon et la Corée du Sud présentaient en ce domaine un paradoxe : à la pointe du progrès en matière de déploiement des services de télévision numérique terrestre et de télévision mobile personnelle, ces deux pays font face à un certain nombre d'incertitudes et comptent même un certain retard en matière de diffusion de services de télévision sur internet.
Il a rappelé qu'en matière de TNT, le Japon et la Corée du Sud faisaient office de précurseurs et que ce mode de diffusion couvrait d'ores et déjà plus de 85 % de la population de chaque pays. La France n'atteindra quant à elle le taux de 70 % qu'à la fin du mois de juillet.
En dépit du lancement précoce de la TNT dans les deux pays, il a constaté, néanmoins, que l'arrêt définitif de la diffusion analogique devait intervenir à des dates sensiblement identiques à celles fixées par la loi du 5 mars 2007 précitée.
Il a expliqué que la Corée du Sud et le Japon, dont le parc compte respectivement 20 et 100 millions de téléviseurs, se heurtaient au problème du taux d'équipement des ménages en récepteurs numériques.
Initialement prévue en 2010 en Corée du Sud, cette « bascule » vers le tout numérique a d'ores et déjà été repoussée de deux ans par la Korean Broadcasting Commission (KBC), le régulateur local, afin d'atteindre le seuil de 95 % des foyers coréens équipés d'un téléviseur susceptible de recevoir les nouveaux signaux.
a souligné que le Japon se trouvait de fait dans la même situation : si la date d'arrêt de la diffusion analogique demeure fixée au 24 juillet 2011, le nombre de téléviseurs en circulation capables de recevoir la TNT est loin d'être suffisant.
Il a rappelé que si la France avait donné la priorité à l'arrivée de nouveaux entrants et à l'augmentation de l'offre offerte aux téléspectateurs, la Corée du Sud avait choisi de réserver la totalité de la ressource numérique aux chaînes déjà diffusées en analogique.
Il a affirmé que ce choix visait à permettre la diffusion de l'ensemble des chaînes hertziennes en haute définition. La KBC a fixé d'ailleurs des objectifs en ce sens à l'ensemble des services affectataires de fréquences hertziennes, ceux-ci étant tenus de proposer chaque semaine aux téléspectateurs 35 % de leur programmation en HD dès cette année et 100 % d'ici à 2010.
Il a observé, toutefois, que l'aspect audiovisuel le plus intéressant était celui relatif aux services de télévision mobile personnelle, dont le lancement en France devrait intervenir au premier trimestre 2008. En ce domaine, il a constaté qu'aucune offre n'avait réussi à trouver son équilibre économique.
Il a rappelé que la Corée du Sud pouvait se prévaloir d'avoir lancé en 2005 les premiers services de télévision mobile au monde. Leur succès ne se dément pas puisque trois millions de Coréens regardent aujourd'hui la télévision sur leur téléphone, leur ordinateur portable ou en voiture, près de deux heures par jour en moyenne.
Il a noté que deux offres étaient disponibles : la première, lancée le 1er mai 2005, utilise un mode de transmission par satellite (S-DMB) tandis que la seconde, lancée le 1er décembre de la même année, emprunte des relais terrestres (T-DMB).
Il a précisé que l'offre satellitaire avait atteint le cap du million d'abonnés fin 2006 et que son concurrent terrestre avait vendu plus de 2 millions de récepteurs, ses 7 chaînes de télévision et ses 13 stations de radio ayant l'avantage d'être proposées gratuitement, les opérateurs ayant choisi de se rémunérer sur la publicité.
Il a affirmé que le choix de la gratuité demeurait toutefois risqué d'un point de vue économique : compte tenu de l'audience limitée du service et de l'impossibilité légale d'interrompre un programme par une publicité, les recettes des consortiums ne couvrent à l'heure actuelle que 5 % des charges d'exploitation.
Il a rappelé qu'au Japon, la télévision mobile personnelle avait été lancée fin 2006. Elle permet de regarder gratuitement les programmes de la TNT sur la partie supérieure de son mobile et de bénéficier d'informations télétexte fournies par la chaîne sur le tiers inférieur de ce dernier.
Il a précisé qu'au 31 décembre 2006, 3,4 millions de clients bénéficiaient de ce service sur leur téléphone et 260 000 dans leur voiture. Il a estimé que ce résultat était flatteur compte tenu des limites actuelles du service : si la qualité est bonne lorsque la réception se fait près d'une fenêtre ou dans la rue, le nombre réduit de réémetteurs provoque de fréquentes coupures de signal et empêche l'accès aux services dans le métro, les tunnels et certains bâtiments.
Il a indiqué que les difficultés rencontrées par les différents systèmes institués au Japon et en Corée du Sud permettaient de tirer deux leçons :
- il convient, d'une part, d'éviter la concurrence entre deux technologies présentes sur ce marché, la Corée du Sud étant d'ailleurs en train de mettre en place la convergence entre les deux services en proposant des téléphones compatibles S-DMB et T-DMB ;
- il est impératif de privilégier la qualité des programmes, la pauvreté des contenus étant la première cause d'abandon du service. Ceci passe par le libre accès aux programmes à forte audience des chaînes hertziennes, par leur diffusion dans leur format habituel ainsi que par le développement de contenus spécifiques, adaptés au support et aux spectateurs.
Il a estimé qu'en France comme ailleurs, le monde du téléphone mobile et celui de la télévision devraient en tout état de cause mettre rapidement au point une chaîne de valeur suscitant des revenus pour chacun.
a rappelé que le secteur des médias en Corée du Sud et au Japon ne se limitait pas à l'audiovisuel et s'est attardé sur le secteur de la presse.
Il a indiqué que l'écart séparant la situation des quotidiens français de celle des quotidiens japonais et coréens tenait en quelques chiffres. Il a souligné ainsi qu'en 2006, la Corée du Sud comptait 106 quotidiens pour un tirage total d'environ 16 millions d'exemplaires et qu'au Japon, la centaine de quotidiens existants diffusait 70,3 millions d'exemplaires . A titre de comparaison, la presse quotidienne française, tous titres confondus, tire à moins de 5 millions d'exemplaires par jour.
Après avoir déclaré que, pris individuellement, les trois principaux quotidiens coréens dominaient 70 % du marché de la presse pour un tirage de plus de 2 millions d'exemplaires, il a indiqué que le Yomiuri shimbun japonais était considéré comme le quotidien le plus diffusé au monde avec 14 millions d'exemplaires. Il a rappelé que le premier quotidien français, Ouest France, avait une diffusion de 800 000 exemplaires et que Le Monde était tiré chaque jour à 350 000 exemplaires.
Soulignant que ces résultats étaient le fruit de nombreux facteurs relevant tant de la stratégie des éditeurs que des principales caractéristiques des sociétés japonaises et coréennes, il a souhaité citer les principaux d'entre eux.
Il a insisté, d'abord, sur l'importance des abonnements. Bien qu'en diminution dans les deux pays, ceux-ci représentent plus de 50 % de la diffusion des quotidiens. Ce mode de diffusion permet de fidéliser le lecteur et d'éviter l'incertitude liée à l'achat « pulsion ».
Il a souligné, également, l'importance des facteurs économiques, les principaux groupes médiatiques japonais étant construits et organisés autour des grands quotidiens. Ces journaux ont su développer d'autres activités que la presse quotidienne et s'assurer du contrôle des médias audiovisuels. Ce développement s'est fait avec l'aide de l'Etat, favorable à l'idée d'une « rationalisation » du secteur médiatique où presse, radio et télévision pourraient coexister harmonieusement.
Il a mis l'accent, enfin, sur le dynamisme des éditeurs en matière de nouvelles technologies, le Chosun coréen ayant ainsi lancé son site internet dès 1995 et tous les journaux coréens et japonais étant consultables gratuitement sur la toile.
En dépit de ces avantages, il a précisé que la presse des deux pays partageait certaines inquiétudes avec son homologue française. Il a rappelé que tous les interlocuteurs avaient ainsi souligné la diminution de la diffusion des quotidiens et des taux d'abonnement du fait de la concurrence de nouveaux médias.
Les membres de la mission ont pu en effet constater que les journaux gratuits proposaient désormais une alternative crédible aux titres traditionnels japonais ou coréens. Dans l'agglomération de Séoul, les quatre titres les plus importants distribuent déjà près d'1,75 million d'exemplaires par jour.
Il a souligné que « le journalisme citoyen » faisait également des émules, le site coréen Ohmynews faisant figure de véritable référence mondiale. Il a souligné que l'originalité de ce site résidait dans son concept : offrir aux internautes la possibilité de proposer des articles dont les meilleurs sont publiés en ligne après vérification, validation et réécriture réalisées par une équipe de 65 journalistes professionnels. Actuellement, le site compterait plus de 50 000 contributeurs occasionnels.
Relevant que cette « nouvelle » forme de presse avait suscité de nombreux débats au sein de la mission, il a affirmé qu'elle avait, en tous cas, permis à chacun des membres de prendre conscience, si besoin était, de l'influence désormais exercée par les internautes sur la sphère publique et politique dans un pays démocratique.
Abordant enfin la réforme du système universitaire japonais, M. Jacques Valade, président, a rappelé que les membres de la mission avaient eu accès aux laboratoires de recherche de l'université de Tokyo et pu rencontrer le président de celle-ci et le directeur de l'enseignement supérieur au ministère de l'Education nationale.
Il a souligné qu'à l'issue des entretiens, les membres de la mission avaient constaté une grande similitude des problématiques entre nos deux pays, le Japon ayant lui aussi décidé de mettre en oeuvre une politique privilégiant l'éducation et la recherche incluant une réforme de l'enseignement supérieur destinée à favoriser la compétitivité des établissements.
Il a rappelé que cette réforme reposait sur trois axes principaux :
- une autonomie allant de pair avec une évaluation renforcée ;
- une meilleure insertion des universités dans le tissu économique et social ;
- un statut de droit privé pour les personnels destiné à favoriser souplesse et mobilité.
Il a souligné que cette réforme avait déjà produit des effets, notamment en termes de coopération recherche-industrie en permettant de faire tomber un certain nombre de barrières et, bien qu'il faille beaucoup de temps pour changer les vieilles habitudes, de favoriser les collaborations.
Il a noté, toutefois, que cette réforme suscitait des interrogations sur ses effets en termes de disparités d'accès à l'enseignement supérieur et de déséquilibre entre recherche appliquée et recherche fondamentale.
A l'issue de cet exposé, la commission a autorisé la publication de ces conclusions sous la forme d'un rapport d'information.