Intervention de Peter Medgyessy

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 21 février 2007 : 1ère réunion
Audition de son exc. M. Peter Medgyessy ancien premier ministre de hongrie ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire

Peter Medgyessy, ancien Premier ministre de Hongrie, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire :

a commencé par saluer l'occasion offerte à un homme politique d'Europe centrale de s'exprimer devant des parlementaires français.

Il a marqué son intérêt pour la situation politique française et la perspective de l'élection d'un président de la République né après la seconde guerre mondiale, ce qu'il a considéré comme un signe de changement, non seulement de génération, mais encore de mentalité, important pour la France, mais aussi pour l'Europe. Il a exprimé le souhait que la France retrouve un rôle moteur en Europe. La France est attendue dans un rôle d'animateur de la « nouvelle Europe », expression qui ne doit pas être mal interprétée et qui signifie une Europe capable de répondre aux nouveaux défis qui se posent à elle.

Evoquant le rôle et la mission de l'Europe dans le monde, M. Peter Medgyessy a considéré que le besoin d'une Europe forte dans l'équilibre mondial était une évidence, dans l'intérêt des Européens, mais aussi dans l'intérêt du monde. Or, l'Europe est affaiblie face aux autres pôles. Alors que les Etats-Unis font montre de flexibilité, de mobilité et de dynamisme, notamment dans les secteurs de la recherche, de la technologie et de la formation et que l'Asie allie une forte croissance à de faibles coûts salariaux, l'Europe souffre d'une insuffisance de compétitivité, de performance et de dynamisme pour conserver sa position dans le monde. M. Peter Medgyessy a noté que les Européens étaient fiers de leurs valeurs, mais que les valeurs européennes étaient à la fois une force d'intégration et une source de repli sur soi. L'art de la politique est d'équilibrer ces deux tendances.

Evoquant ensuite l'élargissement de l'Union européenne, M. Peter Medgyessy a souligné que si l'Europe s'était montrée volontariste dans le processus d'élargissement, elle avait fait montre d'une certaine timidité dans l'approfondissement et qu'elle avait besoin d'un nouvel élan. Il a considéré que l'élargissement était une réussite et que si l'Europe avait perdu le charme d'être « un club restreint et élégant », elle s'était dotée en contrepartie d'une plus grande volonté de réussite, d'un dynamisme économique accru et d'une capacité renforcée à accepter des changements profonds. La croissance économique des nouveaux entrants, plus de deux fois et demie supérieure à celle des Etats membres de l'Union européenne à quinze, a également ouvert des potentialités aux Etats membres. Les nouveaux entrants ont présenté des opportunités d'investissement sûres et rentables dans un contexte d'augmentation de la concurrence.

a observé que la libre circulation des travailleurs, bien qu'elle ne soit pas encore effective, était très discutée. Il a souligné que si elle représentait un risque pour les pays récepteurs de main d'oeuvre, elle était également un danger pour les nouveaux pays membres qui assistent au départ de leurs salariés les mieux formés, alors que l'éducation est un investissement important. Relevant que les délocalisations nourrissaient également les craintes des adversaires de l'élargissement, il a rappelé que ce phénomène, observé dès le début des années 1990, n'était pas directement lié à l'élargissement et qu'il devait susciter non pas la peur, mais le courage de favoriser une politique d'investissement, de recherche et d'augmentation de la valeur ajoutée. Il a indiqué que la Hongrie rencontrait également cette difficulté, dans la mesure où l'augmentation des salaires a conduit les investisseurs à rechercher des opportunités en Chine, en Inde ou en Roumanie. La réaction hongroise a été de stimuler la valeur ajoutée et d'augmenter les investissements dans la recherche et le développement. Le phénomène des délocalisations est inévitable, il appelle une réaction intelligente. Evoquant la crainte de flux massifs d'immigrants, il a souligné que leur nombre avait été relativement limité et que l'Europe s'enrichissait par la diversité des cultures. Il a considéré que toutes les potentialités de l'élargissement n'avaient pas encore été exploitées.

Abordant la question de l'avenir de l'Europe, M. Peter Medgyessy a indiqué qu'il privilégiait une double approche, pragmatique, à court terme, et visionnaire à long terme, l'urgence commandant de séparer ces deux approches. Il a estimé que l'Europe souffrait d'un manque de vision politique et qu'à cet égard le traité constitutionnel n'avait pas été porteur d'une véritable vision à long terme. Les élites politiques étaient tenues d'analyser les causes profondes du rejet du traité et d'en tirer les leçons. Il a souhaité que, dans un premier temps, l'Europe puisse se doter d'un cadre de fonctionnement pour 27 pays. Evoquant le projet de déclaration de Berlin, à l'occasion du cinquantenaire des traités de Rome, il a souhaité qu'elle ne se limite pas à une déclaration solennelle reprenant les succès de l'Union européenne, mais qu'elle évoque également les questions à résoudre et ne donne pas le sentiment que des changements profonds ne sont pas nécessaires. Il a considéré que l'opinion publique n'était pas hostile à l'Europe et qu'elle percevait tout son intérêt face aux défis de la mondialisation.

Affirmant sa préférence pour une Union européenne de type confédéral et, éventuellement, à terme plus lointain, fédéral, il a indiqué qu'il était favorable à la responsabilité du président de la commission devant le Parlement européen, à sa nomination par le Parlement européen, et au droit pour le président de choisir les membres de la commission. Il a par ailleurs souhaité la limitation du nombre de commissaires, qui doit conduire à accepter que des pays n'aient pas de représentant à la Commission. Une commission restreinte permettrait également de réduire la bureaucratie européenne, qui manque de flexibilité et dont la taille ralentit le processus de décision. Il a insisté sur la nécessité d'un processus de décision à la majorité. Il a estimé qu'il fallait conserver les politiques tout en améliorant la capacité de décision pour la réforme des mécanismes institutionnels qui étaient d'égale importance et difficilement dissociables. Il a plaidé pour la mise en oeuvre d'une politique étrangère commune, d'une force militaire sous direction européenne qui soit plus forte et plus importante et pour l'augmentation de la compétitivité économique.

Evoquant l'importance des coopérations renforcées, il a insisté sur le fait qu'elles devaient être fondées sur des critères clairs, à l'exemple de l'euro, et rester ouvertes et flexibles. Ces coopérations permettent d'accélérer l'intégration des pays membres qui y participent et sont un stimulant pour les Etats restés en dehors.

S'agissant des Etats d'Europe de l'Est, M. Peter Medgyessy a souligné qu'ils avaient atteint une nouvelle étape de leur développement et que leurs objectifs d'instauration d'une démocratie parlementaire, d'une économie de marché et de l'intégration euro-atlantique étaient désormais réalisés. Les sacrifices consentis en contrepartie ont été considérables. Les différences entre anciens et nouveaux Etats membres étaient plus importantes que lors des élargissements précédents, mais la générosité de l'Union européenne, dans une conjoncture très défavorable, a été moindre et elle a fait preuve d'une solidarité « modérée ». Une certaine lassitude s'est manifestée après l'adhésion chez les nouveaux Etats membres et s'est traduite par une montée du nationalisme, du populisme et de l'euro-scepticisme. La déception est venue d'un trop grand décalage entre les attentes des populations et les réalités, alors que les élites politiques n'ont pas été suffisamment claires sur l'après-élargissement. La déception a également été causée par le comportement des anciens Etats membres et le rejet du traité constitutionnel, considéré comme choquant. Les Etats d'Europe centrale sont placés devant de grands défis, le plus difficile étant celui de la modernisation, qui nourrit une tentation de repli nationaliste. La Hongrie a clairement fait le choix de la modernisation et a réalisé des réformes redistributrices importantes dans les domaines de la santé, des retraites, de l'administration publique ou encore de l'éducation. Ces changements touchent l'ensemble des groupes sociaux dans leurs conditions de vie et rencontrent une forte opposition. Trois éléments ont interféré en Hongrie : les réformes, les restrictions budgétaires et un discours inadapté de la part de l'actuel Premier ministre. Exprimant ses réserves sur la forme, M. Peter Medgyessy a marqué son accord avec le contenu de ce discours, dont la sincérité a choqué, mais qui marquait la nécessité d'introduire des réformes. Tout en comprenant que l'opposition ait exploité cette occasion, il a regretté qu'elle n'ait pas privilégié le débat au sein du Parlement au lieu d'inviter à manifester dans la rue et de donner l'occasion à des groupes extrémistes de scander des slogans nationalistes. Il a indiqué que la situation actuelle était calme et que des réformes substantielles avaient été adoptées par le Parlement pour réduire les dépenses budgétaires et augmenter les impôts. Tant la commission européenne que les analystes des banques internationales ont noté des premiers résultats encourageants. La Hongrie a beaucoup appris de cet épisode qui n'était pas une crise du système, mais témoignait d'un besoin d'adaptation de toute l'Europe. Les investissements étrangers n'ont pas fait défaut dans les années récentes en dépit des difficultés et la Hongrie accueille chaque année 4 à 5 milliards d'euros d'investissements directs étrangers.

a souligné en conclusion la fierté des Hongrois de vivre dans une démocratie, tout en constatant que la mise en place d'institutions démocratiques capables de résoudre efficacement des conflits demanderait du temps.

Un débat s'est instauré au terme de cet exposé.

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