a rappelé que l'expression « famille monoparentale », qui désigne un ménage constitué d'une personne vivant seule et ayant un ou plusieurs enfants à charge, avait été importée, au milieu des années 1970, des pays anglo-saxons, où existaient déjà de nombreux travaux sur les conséquences économiques et psychologiques du divorce, par des sociologues féministes qui souhaitaient, à l'époque, éviter la stigmatisation des foyers dont le chef est une femme et qui avaient pour objectif de faire passer les situations monoparentales du registre de la « déviance » à celui de la simple « variance » et de souligner l'appauvrissement relatif que connaissaient les foyers monoparentaux féminins, ce dont les pouvoirs publics commençaient à prendre conscience. Il a précisé, qu'au même moment, était apparue, dans la législation sociale et familiale, la catégorie de « parent isolé », qui traduit la prise en compte par l'Etat du risque de pauvreté encouru par ces familles : si hier l'on devenait parent seul à la suite du décès du conjoint, c'est désormais, aujourd'hui, principalement en raison de la séparation conjugale.
Il a fait observer que les trois-quarts des familles monoparentales se constituaient en effet à la suite d'une séparation après un mariage ou une union libre, celles fondées suite à une naissance par des femmes qui ne vivaient pas en couple, ou consécutives à un veuvage ne représentant respectivement que 15 % et 11 % de l'ensemble de ces familles. Il a précisé qu'entre les recensements de 1990 et de 1999, l'augmentation des familles monoparentales comprenant au moins un enfant de moins de 25 ans, en France métropolitaine, s'était poursuivie à un rythme relativement élevé, passant de 1,175 million de familles à 1,495 million. Alors que ces familles représentaient 10,2 % de l'ensemble des familles ayant au moins un enfant en 1982 et 13,2 % en 1990, cette proportion, a-t-il ajouté, s'établit désormais à 16,7 %. Il a ainsi noté que la monoparentalité concernait aujourd'hui plus d'une famille avec enfants sur six et qu'un enfant sur sept était élevé dans une famille monoparentale, le plus souvent par sa mère, les foyers monoparentaux masculins ne représentant que 14 % des foyers monoparentaux.
a indiqué que, la séparation constituant désormais très majoritairement le fait générateur de l'entrée en situation monoparentale, les parents seuls étaient aujourd'hui un peu plus jeunes et, plus souvent encore que par le passé, des femmes. Il a précisé que ces foyers monoparentaux féminins résultant d'une séparation ou d'un divorce étaient susceptibles de connaître une certaine vulnérabilité économique, en particulier quand les mères n'avaient aucune qualification professionnelle ou qu'elles se retrouvaient déqualifiées pour s'être trop longtemps tenues à l'écart du marché de l'emploi, du fait notamment de leur implication dans le mariage. Il a fait état de comparaisons effectuées entre foyers monoparentaux et foyers biparentaux ayant au moins un enfant à charge qui avaient effectivement montré que le niveau et les conditions de vie des premiers étaient, dans l'ensemble, moins élevés, et que l'entrée en situation monoparentale se traduisait presque toujours par une baisse, parfois brutale, du niveau de vie. Il a constaté que, dans une société entièrement structurée sur le modèle biparental, l'entrée en situation monoparentale engendrait inéluctablement des difficultés, tout particulièrement quand le parent seul est une femme.
a souligné le facteur de modification du tissu relationnel que constitue la dissolution conjugale, près de la moitié des enfants ne voyant plus ou très peu leur père par la suite. Il a fait observer que l'autorité parentale conjointe était pourtant entrée dans la loi en 1987, puis devenue la norme en 1993, faisant ainsi disparaître la notion de garde qui pouvait laisser entendre que l'appropriation exclusive par l'un des parents était possible. Il s'est interrogé sur le caractère réaliste du principe de coparentalité systématisé par la loi de mars 2002, en dépit de l'intention louable consistant à protéger les relations entre parents et enfants par delà la dissociation conjugale. Il a estimé que, si la coparentalité relevait d'une représentation moderne de la famille et venait satisfaire les militants de la cause paternelle, elle reposait sur l'idée que le couple parental pouvait survivre au couple conjugal et imposait aux parents de négocier, alors qu'ils se sont séparés. Il s'est interrogé sur la promotion d'un modèle unique d'exercice de la parentalité dans un contexte où l'on prend acte de la diversité des familles et de leur culture et a évoqué le risque de faire violence aux parents et de se détourner un peu plus de ce que l'on souhaite pourtant préserver, l'intérêt de l'enfant.
a également expliqué que, en même temps que le conjoint et sa famille, les relations amicales du parent seul s'estompaient aussi parfois, voire disparaissaient, et que le degré d'insertion sociale au sein d'un réseau d'entraide s'affaiblissait et n'était plus, de ce fait, toujours en mesure de compenser la vulnérabilité économique. Or, il a fait observer que le soutien relationnel dont bénéficient les parents gardiens au moment de la rupture, ou par la suite, variait en fonction du milieu social, les mieux positionnés socialement étant aussi ceux qui ont le plus de chances de maintenir leur réseau relationnel et d'obtenir de l'aide de leur entourage.
Il a estimé que, si la dissociation familiale ne précipitait pas tous les parents seuls dans la vulnérabilité économique et relationnelle, la désunion apparaissait néanmoins, notamment pour les moins bien dotés, comme un des nouveaux risques familiaux, d'autant plus qu'il n'était pas certain que, même dans les milieux les mieux pourvus, la séparation parentale n'ait aucune incidence. Il a ainsi cité des travaux qui montrent que, quel que soit le milieu social, la rupture du couple parental est associée à une réussite scolaire plus faible chez l'enfant.
Abordant la question des familles recomposées, M. Didier Le Gall a rappelé les problèmes juridiques, psychologiques ou encore pratiques que connaissent ces familles issues d'une ou de deux unions fécondes défaites, au niveau de leur fonctionnement quotidien. Il a indiqué qu'entre 1990 et 1999, le nombre des familles recomposées s'était accru de près de 10 %, passant de 646 000 en 1990 à 708 000 en 1999, soit 8 % des familles ayant au moins un enfant de moins de 25 ans. Il a ainsi précisé qu'aujourd'hui 1,1 million d'enfants de moins de 25 ans vivaient avec l'un de leurs parents et un beau-parent - 63 % avec leur mère et son nouveau compagnon, et 37 % avec leur père et sa nouvelle compagne - alors que 513 000 vivaient avec leurs deux parents et des demi-frères ou soeurs et que 1,6 million d'enfants de moins de 25 ans étaient ainsi concernés par la recomposition familiale.
Il a rappelé que, si vivre avec un beau-parent n'était pas nouveau, dans le passé ces situations étaient issues du veuvage, alors qu'elles résultaient aujourd'hui de la séparation conjugale : or, à la différence du veuvage où le beau-parent vient, d'une certaine manière, occuper une place « vacante », la désunion fait de celui-ci un acteur supplémentaire du contexte familial. Il a ainsi expliqué que le rôle du beau-parent ne pouvait, dès lors, se jouer exclusivement sur le mode de la substitution. Il a fait observer que la recomposition de la famille à la suite d'une désunion, avec enfant(s) de la précédente union, nécessitait de revoir l'organisation familiale selon des modèles inédits de comportement, notamment en ce qui concerne les devoirs et obligations des acteurs, et que, dans une société où le modèle nucléaire reste la référence, ces familles ne disposaient pas de modèles de conduite préétablis pour gérer leur spécificité, y compris dans le cadre du remariage.
Il a mis en évidence le relatif silence du code civil au sujet des familles recomposées, tout particulièrement pour ce qui concerne la prise en compte des liens entre beau-parent et beaux-enfants. Il a également constaté qu'au niveau du langage courant, ces acteurs ne disposaient pas de vocables adéquats pour s'interpeller, les termes « parâtre » et « marâtre », étymologiquement appropriés pour le nouveau conjoint du parent gardien, étant tombés en désuétude en raison des représentations négatives liées aux remariages après veuvage. Reprenant à son compte les analyses d'Irène Théry, il a noté que la marâtre était représentée comme ne pouvant posséder l'instinct maternel, mais que le parâtre était, en revanche, un peu moins stigmatisé car sa venue contribuait souvent à re-stabiliser économiquement le foyer de la mère seule.
Par ailleurs, M. Didier Le Gall a fait observer que, à la suite du divorce, c'étaient majoritairement les femmes qui vivaient avec des enfants, mais que celles-ci reformaient moins fréquemment un couple, un homme ayant 23 % de chances de plus qu'une femme de revivre en couple, selon l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). Il en a déduit que l'enfant du divorce avait, de ce fait, plus de chances d'être confronté à une recomposition familiale du côté de son père que de sa mère et a indiqué que les enfants de « premier lit » ont plus fréquemment une « belle-mère par intermittence » qu'un « beau-père au quotidien ». Or, il a constaté que ces foyers comprenant une « belle-mère par intermittence », bien que statistiquement plus nombreux, étaient moins « visibles » que les autres familles recomposées.
Il a indiqué que s'était posée avec acuité la question de savoir s'il fallait ou non offrir aux familles recomposées un cadre juridique adapté à leur situation, le principal point portant, à partir du début des années 1990, sur la reconnaissance éventuelle d'un « statut de beau-parent ». Il a considéré que le problème du partage de l'autorité parentale entre parents et beaux-parents paraissait délicat à trancher, les parents séparés assumant conjointement l'exercice de l'autorité parentale, d'autant plus que l'hétérogénéité des secondes unions rendait vaine toute recherche a priori d'un cadre juridique adapté, la majorité des recompositions familiales après divorce ayant d'ailleurs pour cadre une cohabitation, et non un remariage.
a fait observer que, du fait de l'augmentation du nombre des familles recomposées, le rôle de beau-parent avait gagné en visibilité et que, en dehors de tout encadrement juridique, il tendait aujourd'hui à s'instituer sous la forme d'un lien électif pouvant s'apparenter à un « amical parrainage », c'est-à-dire un lien social, certes inédit, mais qui semble s'ériger comme référence dès lors que le beau-parent a un rôle éducatif qui ne concurrence pas les fonctions dévolues à la parenté en ce domaine. Il a néanmoins constaté que ce rôle « quasi parental » n'advenait et ne s'imposait en tant que tel qu'au terme d'une co-résidence prolongée.
Il a estimé qu'aujourd'hui, la question de la reconnaissance du beau-parent s'inscrivait dans un cadre plus large, celui de la pluriparentalité, car les familles recomposées n'étaient pas les seules à ajouter des « parents sociaux » aux « parents par le sang », et a constaté que des relations parentales avec des enfants dont les parents ne sont pas les géniteurs étaient à l'oeuvre dans un nombre croissant de familles.
a fait observer que, si l'élection affective avait de plus en plus droit de cité dans la parenté aujourd'hui, notre système de filiation n'était guère enclin à reconnaître ces coparentalités, en raison de la prégnance de la norme de l'exclusivité de la filiation. Il s'est dès lors interrogé sur le rôle des parents « en plus », surtout lorsque ceux-ci jouent à l'évidence un rôle actif auprès des enfants. Il a cité le récent rapport de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur la famille et les droits de l'enfant qui suggère que les parents aient « la possibilité de donner à un tiers (dont le beau-parent) une « délégation de responsabilité parentale » pour les actes usuels de la vie de l'enfant, soit par acte authentique devant notaire et directement exécutoire, soit par acte sous seing privé homologué par le juge ». Il a estimé que cette proposition permettrait certes de faciliter au quotidien la vie de ces familles et constituerait une petite ouverture allant dans le sens d'une reconnaissance du rôle de beau-parent et, au-delà, de la pluriparentalité, mais a fait observer que l'accord des deux parents serait requis et a craint que ceux qui pourraient en avoir le plus besoin ne puissent s'entendre pour en bénéficier et que ceux qui auto-régulent déjà leurs rapports n'en voient pas l'intérêt.