Intervention de François Zocchetto

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 24 février 2010 : 1ère réunion
Saisie et confiscation en matière pénale — Examen du rapport et du texte proposé par la commission

Photo de François ZocchettoFrançois Zocchetto, rapporteur :

a indiqué que la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale le 4 juin 2009, constituait l'aboutissement d'un travail de réflexion engagé depuis plusieurs années avec l'ensemble des acteurs de la chaîne pénale. Il a relevé que ce texte s'inscrivait également dans un ensemble de réformes globales initiées par l'Union européenne et tendant à améliorer la lutte contre le blanchiment de capitaux et la coopération internationale en matière de lutte contre le crime organisé. Après avoir constaté que le droit français des saisies pénales garantissait mal l'exécution des procédures de confiscation, il a précisé que la proposition de loi tendait à élargir le champ des biens susceptibles d'être saisis et confisqués, à créer une procédure de saisie pénale aux fins de confiscation et à instituer une agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués. Il a souligné que ce texte, qui fait l'objet d'un large consensus parmi l'ensemble des acteurs de la chaîne pénale, avait été adopté par les députés à l'unanimité.

a rappelé que, en France, la peine de confiscation ne pouvait être prononcée que dans le cadre d'une procédure pénale et qu'elle ne pouvait être exécutée qu'une fois la décision de condamnation devenue définitive. Dès lors, plusieurs années séparant l'ouverture de la procédure judiciaire de la décision définitive de confiscation, la personne mise en cause dispose du temps nécessaire pour organiser son insolvabilité ou faire disparaître les éléments de son patrimoine acquis grâce à des activités illicites.

a indiqué que le régime juridique de la peine complémentaire de confiscation avait été réformé en 2007. Son champ d'application a été élargi : sont en effet susceptibles d'être confisqués tous les biens meubles ou immeubles, quelle qu'en soit la nature, divis ou indivis, ayant servi à commettre l'infraction ou qui étaient destinés à la commettre, tous les biens qui sont l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction, à l'exception des biens susceptibles de restitution à la victime, et enfin, tout bien meuble ou immeuble défini par la loi ou le règlement qui réprime l'infraction (il a cité en exemple les dispositions relatives au proxénétisme qui permettent de confisquer le fonds de commerce en cas de condamnation). Enfin, il a indiqué que, dans certaines hypothèses, tout ou partie du patrimoine du condamné pouvait être confisqué.

a estimé que le régime juridique de la peine complémentaire de confiscation, en permettant de priver les condamnés de la jouissance des biens acquis grâce à des activités illicites, apparaissait très dissuasif. Néanmoins, il a noté que son application était largement privée d'effectivité dès lors que les biens n'avaient pu faire l'objet d'une saisie ou d'une mesure conservatoire, dès le stade de l'enquête, pour empêcher la personne mise en cause de les dissiper. Sur ce point, notre législation présente des lacunes incontestables.

a en effet indiqué que, à l'heure actuelle, seul l'article 706-103 du code de procédure pénale permettait au juge des libertés et de la détention d'ordonner des mesures conservatoires sur l'ensemble des biens d'une personne mise en examen, afin de garantir le paiement des amendes encourues, l'indemnisation des victimes et l'exécution de la confiscation. Néanmoins, ces dispositions ne peuvent être mises en oeuvre qu'en cas d'information ouverte pour l'une des infractions relevant de la criminalité organisée. En outre, le juge des libertés et de la détention ne dispose d'aucune prérogative de puissance publique pour ces mesures conservatoires qui sont ordonnées selon les modalités prévues par les procédures civiles d'exécution, lesquelles peuvent s'avérer complexes à mettre en oeuvre, particulièrement en matière immobilière. De ce fait, une intervention du législateur est souhaitée par les acteurs de la chaîne pénale et elle est rendue d'autant plus nécessaire par les réformes engagées depuis quelques années, tant par les pouvoirs publics que par l'Union européenne, pour tenter de mieux appréhender les profits générés par les activités illicites.

a fait valoir que, depuis 2002, les pouvoirs publics avaient mis en place des structures permettant, par une approche pluridisciplinaire et un décloisonnement des services, de mieux identifier, en amont des procédures, les profits générés par les activités illicites. Ainsi, des groupements d'intervention régionaux (GIR), créés en 2002, regroupent au sein d'unités opérationnelles des agents de la police nationale, de la gendarmerie, des services fiscaux, des douanes et de l'inspection du travail. Depuis septembre 2005, la plate-forme d'identification des avoirs criminels (PIAC) permet d'améliorer l'identification des patrimoines des délinquants, d'accroître leur saisie et confiscation et de systématiser l'approche financière des investigations contre les organisations criminelles et les délinquants. Enfin, la loi du 9 mars 2004 a créé les juridictions inter-régionales spécialisées (JIRS), afin de regrouper des magistrats du parquet et de l'instruction disposant d'une expérience en matière de lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière. Ces efforts ont porté leurs fruits, dans la mesure où le montant total des saisies et mesures conservatoires réalisées par les juridictions est passé de 51 millions d'euros en 2005 à 93 millions d'euros en 2008. Ces évolutions ont été encouragées par l'Union européenne qui, depuis 2001, s'est dotée de plusieurs décisions-cadre tendant à améliorer l'efficacité des dispositifs nationaux de lutte contre le blanchiment de capitaux et la coopération internationale en matière de lutte contre le crime organisé.

Il a toutefois estimé que l'ensemble de ces efforts n'avaient permis d'appréhender jusqu'à présent qu'une faible part de l'ensemble des profits générés par la délinquance et le crime organisé et a de ce fait salué l'initiative prise par les auteurs de la proposition de loi, estimant qu'elle permettrait de doter les enquêteurs et les magistrats des moyens nécessaires pour mieux lutter contre de telles formes de délinquance.

a indiqué que la proposition de loi tendait tout d'abord à élargir le champ des biens susceptibles d'être saisis puis confisqués. Elle comprend des dispositions permettant d'élargir la peine de confiscation aux biens et droits incorporels. L'article 3 de la proposition de loi tend à créer une procédure spéciale de saisie pénale aux fins de confiscation. Celle-ci tend à doter le juge pénal de prérogatives de puissance publique lui permettant de déroger largement aux règles du droit commun afin de permettre d'assurer rapidement l'indisponibilité des biens susceptibles d'être ultérieurement confisqués, des voies de recours à l'encontre des décisions prises et des dispositions permettant de préserver les droits des tiers étant prévues à chaque étape de la procédure.

L'article 3 bis de la proposition de loi crée une agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, qui sera un établissement public administratif présidé par un magistrat de l'ordre judiciaire et aura vocation à assurer, sur mandat de justice, la gestion des biens saisis et confisqués.

Cette gestion était déficiente et constituait une charge pour les juridictions et pour France Domaine. Enfin, la proposition de loi inclut un certain nombre de dispositions tendant à faciliter l'entraide judiciaire internationale en matière de saisies et de confiscations.

En conclusion, M. François Zocchetto, rapporteur, a fait valoir que la proposition de loi semblait constituer un texte consensuel, très attendu par les acteurs de la chaîne pénale. En conséquence, il a proposé à la commission de l'adopter tout en lui apportant quelques modifications tendant principalement à renforcer son efficacité.

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