A titre liminaire, M. Alain Milon, rapporteur pour avis, a souligné la modestie du montant des crédits de la mission « Santé » pour 2010 - 1,2 milliard d'euros, auxquels s'ajoutent quelque 4,8 milliards de dépenses fiscales - au regard de celui de l'objectif de dépenses de la branche maladie, maternité et décès, fixé à près de 180 milliards d'euros par le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Trois programmes composent la mission :
- le programme 171 « Offre de soins et qualité du système de soins », relatif à l'hôpital, est celui dont les crédits sont les moins importants : 125 millions d'euros, à rapprocher des 75 milliards de dépenses d'assurance maladie dans le secteur de l'hôpital l'an prochain. Les crédits de ce programme financent, pour l'essentiel, les stages extrahospitaliers dans le cadre de la formation des futurs médecins ;
- le programme 183 « Protection maladie » est, en revanche, le mieux doté, avec 585 millions d'euros. Il recouvre principalement les dépenses de l'aide médicale d'Etat (AME) dont bénéficient les personnes qui ne peuvent être affiliées à l'assurance maladie, c'est-à-dire essentiellement les immigrés clandestins. Les dépenses de l'AME connaissent la plus forte progression qui explique, pour une bonne part, l'augmentation de 4,4 % des crédits totaux de la mission « Santé » pour 2010.
Cette hausse répond en fait à un effort de sincérité budgétaire : la commission des affaires sociales, comme celle des finances, ont en effet dénoncé, depuis de nombreuses années, l'insuffisance permanente de la dotation de l'AME prévue par le budget de l'Etat dont a résulté, depuis 2007, une dette de près de 230 millions d'euros auprès de l'assurance maladie. L'augmentation des crédits de 45 millions prévue en 2010 vise donc à prévenir la formation de nouvelles dettes, sans qu'il soit certain qu'elle suffise car elle est fondée sur une dynamique assez faible des dépenses attendues d'AME, avec le risque que les bénéficiaires de cette aide aient un comportement de renonciation aux soins ;
- enfin, le programme 204 « Prévention et sécurité sanitaire », qui est le seul à être centré sur la santé publique, connaît une progression modeste de l'ordre de 1 %, l'augmentation de 13 millions de l'action « Prévention des risques infectieux et des risques liés aux soins » venant plus que compenser la baisse de la plupart des autres postes. Cette augmentation est la conséquence de la recentralisation des compétences en matière de dépistage des cancers, de vaccination, de lutte contre la tuberculose, la lèpre, le Sida et les infections sexuellement transmissibles, auxquelles plusieurs départements ont choisi de renoncer.
A l'issue de cette présentation budgétaire, M. Alain Milon, rapporteur pour avis, a souhaité approfondir trois points : la rationalisation du système des agences sanitaires, la mise en oeuvre du plan cancer II et la nécessité de préparer une loi de santé mentale.
Le système des agences sanitaires appartient, depuis l'année dernière, au périmètre de la mission « Santé ». Ce système englobe des organismes de nature diverse : la Haute Autorité de santé (HAS) est une autorité publique indépendante, l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) dispose d'un pouvoir de décision dans le domaine du médicament, l'agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) et l'agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset) sont des agences d'expertise.
La première difficulté à laquelle ces agences risquent d'être confrontées est leur positionnement par rapport aux ARS, les agences régionales de santé récemment créées par la loi HPST. En effet, de nombreuses agences sanitaires disposent à la fois d'une compétence nationale et de réseaux territoriaux, et il convient de s'assurer qu'elles parviendront à travailler avec les ARS.
Un second sujet concerne la fusion de l'Afssa et l'Afsset, prévue par l'article 115 de la loi HPST sur amendement du Gouvernement proposant, de façon d'ailleurs regrettable, d'y procéder par ordonnance. L'intérêt de cette fusion est évident du point de vue de la rationalisation des structures : l'Afssa et l'Afsset traitent de sujets très proches et, surtout, la future organisation aura la taille critique suffisante pour compter au niveau européen, et donc espérer peser sur la détermination des normes sanitaires communautaires.
Pour autant, le rapprochement des deux agences ne doit pas se faire à n'importe quel prix. L'Afsset est une structure légère, de cent cinquante agents ; elle est tournée vers la société et les ressources scientifiques externes, et elle s'attache à faire émerger des points de consensus entre experts. L'Afssa est une entité beaucoup plus importante : mille deux cents agents, dont huit cents scientifiques, travaillent dans ses laboratoires. Elle est donc par nature plus tournée vers son expertise interne.
Il existe donc un double risque : d'une part, celui de voir les moyens consacrés par l'Afsset à sa mission propre sur la santé au travail absorbés par les besoins de financement des laboratoires qui se consacrent principalement aux questions de qualité des produits agricoles ; d'autre part, et surtout sachant que l'Afssa comporte, en son sein, une agence du médicament vétérinaire, celui de mélanger compétences de gestion et compétences d'expertise, ce qui présenterait un risque en matière d'éthique et même de crédibilité. Il faudrait donc que la future entité fusionnée se consacre à l'expertise, puis rattacher à l'Afssaps l'agence du médicament vétérinaire et intégrer les laboratoires de l'Afssa à l'institut national de la recherche agronomique (Inra) : le mandat d'expertise de la future agence serait ainsi clair et incontestable.
A propos du plan cancer II, présenté à Marseille le 2 novembre dernier par le Président de la République, M. Alain Milon, rapporteur pour avis, a soutenu l'effort qu'il engage en faveur de la prise en charge spécifique des jeunes atteints d'un cancer : 1 700 enfants de moins de quinze ans sont diagnostiqués chaque année.
Le dépistage progresse aussi : plus de 50 % des femmes participent au dépistage annuel du cancer du sein, ce qui signifie aussi que l'objectif de parvenir à un taux de 100 % en 2013 n'est qu'à moitié atteint.
Se pose, alors, la question de l'évaluation car on se contente trop souvent d'attendre l'échéance d'un plan pour y procéder avant d'élaborer un nouveau plan qui ne sera à son tour évalué qu'à son terme. Il peut en résulter un manque de continuité dans l'action publique et il serait préférable de disposer d'indicateurs qualitatifs pérennes qui permettent d'avoir une vision sur la durée. Cette démarche pourrait utilement constituer un chantier de l'action gouvernementale, au moment où l'on parle de mettre en place des indicateurs de qualité de vie.
En ce qui concerne l'institut national du cancer (INCa), créé en 2004, il faut reconnaître que cet organisme a fait ses preuves en permettant une articulation dynamique entre recherche et qualité des soins. Peut-être aurait-il fallu procéder de manière analogue pour le plan Alzheimer, dont le pilotage a été confié à un comité interministériel pour ne pas ajouter à la complexité du système sanitaire.
Enfin, abordant la question de la santé mentale, M. Alain Milon, rapporteur pour avis, a rappelé que l'office parlementaire d'évaluation des politiques de santé (Opeps) a consacré son dernier rapport, l'an dernier, à un état des lieux de la psychiatrie en France, lequel a conclu à la nécessité d'un véritable engagement de l'Etat dans ce domaine. Lors de l'examen de la loi HPST, le Sénat avait également conclu à la nécessité d'élaborer une loi de santé mentale. On peut donc regretter que la ministre de la santé paraisse réticente sur cette question : on en reste à une « politique des petits pas » et à une focalisation excessive sur la question des malades dangereux, les seules lois où il est question de santé mentale relevant du garde des sceaux et non du ministre de la santé. Le programme de mise en place des unités hospitalières spécialement aménagées, destinées à fournir des soins aux prisonniers atteints de troubles mentaux, pose également de nombreuses questions.
Il est, à son avis, nécessaire d'aborder la question de la santé mentale de manière large. La prise en charge des troubles mentaux dans notre pays est encore trop faible et impose de réfléchir à l'adaptation des structures existantes aux besoins.
Pour conclure, M. Alain Milon, rapporteur pour avis, a présenté les trois articles rattachés à la mission « Santé ». Les deux premiers ne posent pas de difficultés :
- l'article 59 propose de proroger d'un an la taxe assurant le financement du centre national de gestion des essais des produits de santé ;
- l'article 59 bis prévoit le doublement de l'aide au paiement d'une assurance complémentaire de santé pour les jeunes âgés de seize à vingt-quatre ans.
En revanche, l'article 59 ter, qui prévoit une contribution exceptionnelle des assurances complémentaires de santé à l'établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus), contredit la position du Parlement sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale en matière de prise en charge de la pandémie grippale et devrait donc être supprimé par voie d'amendement.
Enfin, un amendement sera proposé à la commission tendant à compléter les ressources de l'Afssaps grâce à l'instauration d'une taxe sur les produits cosmétiques, soumis depuis 2007 à son contrôle.