Intervention de Janine Rozier

Commission des affaires sociales — Réunion du 25 novembre 2009 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2010 — Mission « anciens combattants mémoire et liens avec la nation » - examen du rapport pour avis

Photo de Janine RozierJanine Rozier, rapporteur pour avis :

Puis la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de Mme Janine Rozier sur le projet de loi de finances pour 2010 (mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » et l'article 51 rattaché).

a rappelé que la mission comporte trois programmes d'importance budgétaire égale : le premier, qui absorbe près de 93 % des crédits, marque la reconnaissance de la Nation aux anciens combattants au travers notamment des pensions et secours qui leur sont servis et intègre à ce titre les subventions versées aux deux opérateurs - office national des anciens combattants (Onac) et institution nationale des invalides (Ini) ; le deuxième vise à promouvoir l'esprit de défense au sein de la population et retrace les crédits dévolus à l'organisation de la journée d'appel de préparation à la défense (JAPD) ainsi qu'à la politique de mémoire (4,4 % des crédits) ; le dernier, placé sous la responsabilité du Premier ministre mais rattaché à la mission, recouvre les dispositifs d'indemnisation des victimes de spoliations, de persécutions ou d'actes de barbarie commis pendant la Seconde Guerre mondiale (2,8 %).

Cette année encore, la comparaison des sommes mobilisées entre 2009 et 2010 pourrait laisser penser, en première analyse, que l'effort de la Nation en faveur de ses anciens combattants se relâche : les crédits de la mission sont en baisse de 1,15 %, moins que l'an dernier mais en ligne avec les exigences de la programmation triennale 2009-2011.

Toutefois, les chiffres ne doivent se lire qu'à l'aune de la baisse inexorable du nombre de bénéficiaires : 16 000 extinctions attendues en 2010 au titre des pensions d'invalidité et 55 000 pour la retraite du combattant. Or, le budget global, qui s'élève à plus de 3,85 milliards d'euros si l'on inclut les dépenses fiscales, ne diminue pas en proportion de cette réalité démographique. Il mobilise les marges de manoeuvre rendues disponibles au service de mesures nouvelles : revalorisation de la retraite du combattant, relèvement du montant de l'allocation différentielle pour les conjoints survivants ou des majorations spéciales des veuves des plus grands invalides de guerre ou mise en place d'une indemnisation en faveur des victimes des essais nucléaires.

Pour ce qui relève du programme 169 « Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant », la baisse mesurée des dépenses affectées aux pensions militaires d'invalidité (52 millions d'euros, soit moins de 1 % d'une enveloppe de 1,79 milliard) n'intègre qu'une partie de l'économie liée à la baisse des effectifs (97 millions) et préserve ainsi les droits de ceux qui ont été touchés dans leur chair : 19 millions supplémentaires sont provisionnés pour financer les revalorisations du point d'indice qui interviendront en 2009 et 2010 en application du rapport constant établi entre les pensions et les rémunérations publiques ; 8 millions abondent l'enveloppe consacrée à la retraite du combattant en vertu du même mécanisme.

Les droits liés aux pensions d'invalidité affichent une baisse de 4,2 % due exclusivement à la réduction du nombre de bénéficiaires mais corrigée pour tenir compte de la hausse générale des dépenses de santé. L'enveloppe « appareillages » est stabilisée afin d'assurer des prestations rendues plus chères du fait du vieillissement de la population, de l'amélioration des techniques et de la hausse des coûts de fabrication, celle consacrée aux réductions de transport s'aligne sur la hausse des coûts de transport et les crédits « soins médicaux » sont abondés de 7,45 millions pour permettre le transfert de leur gestion à la caisse nationale militaire de la sécurité sociale (CNMSS) dans le cadre de la réforme du ministère.

Les crédits affectés à la retraite du combattant progressent de 35 millions d'euros, la dynamique démographique étant plus que compensée par l'impact des revalorisations successives du montant de la retraite intervenues depuis 2006. Alors qu'il était resté inchangé depuis 1978, l'indice est passé progressivement de 33 à 41 points, l'effort budgétaire correspondant atteignant près de 159,2 millions sur la période 2006-2009.

Annoncée comme « la première priorité budgétaire pour 2010 », la revalorisation se poursuit avec une majoration supplémentaire de deux points à compter du 1er juillet 2010. La mesure est inscrite, pour la première fois, dans le projet de loi initial sans qu'il ait fallu attendre l'adoption d'un amendement en cours de discussion budgétaire comme cela avait été le cas jusqu'à présent.

Outre les 28 millions inscrits pour assurer l'extension en année pleine des 41 points obtenus au 1er juillet dernier, 9,5 millions sont provisionnés dès cette année pour le passage aux 43 points. Au total, si l'on intègre les effets du rapport constant sur la valeur du point, la retraite du combattant aura progressé de 36,9 % entre 2005 et 2010. Au-delà, l'objectif du secrétaire d'Etat est d'obtenir l'inversion des niveaux d'augmentation prévus, soit trois points au lieu de deux en 2011 et deux points au lieu de trois en 2012, le coût cumulé de ces deux revalorisations étant évalué à 50 millions d'euros. L'engagement du Président de la République de porter l'indice à 48 points, soit l'équivalent d'une pension indemnisant une invalidité au taux de 10 %, est donc en passe d'être tenu.

Puis Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis, est revenue sur la décristallisation des « prestations du feu » versées aux anciens combattants d'outre-mer, dont le montant avait été « cristallisé » lors de l'accession à la souveraineté de leur pays. Cette mesure d'équité, mise en oeuvre en 2002 et complétée en 2007 sur la base d'une parité en euros avec les retraites servies aux ressortissants français, fait l'objet depuis l'an dernier d'une reconduction automatique d'un budget sur l'autre : ainsi, 104 millions d'euros auront été versés en 2008 à plus de 77 000 pensionnés d'outre-mer, le surcoût directement lié à la décristallisation avoisinant les 87 millions.

Certaines différences de traitement subsistent cependant : sont notamment exclues les pensions civiles et militaires de retraite des anciens fonctionnaires et militaires et leur réversion. Or, deux jugements du tribunal administratif de Bordeaux du 8 octobre 2008 ont imposé la revalorisation complète de la pension militaire de retraite d'un ressortissant marocain résidant en France au motif que l'accord euro-méditerranéen interdit « toute discrimination fondée sur la nationalité » en la matière. Si le ministre du budget a donné des directives à ses services en faveur de mesures de décristallisation partielle ou totale pour les demandeurs résidant en France ou dans un autre Etat de l'Union européenne, aucune garantie n'a été apportée quant à la généralisation de cette jurisprudence aux ressortissants des pays du Maghreb, ni aucune estimation du surcoût potentiel.

Les dépenses fiscales en faveur des anciens combattants recouvrent pour l'essentiel l'exonération d'impôt sur le revenu des retraites, pour 200 millions d'euros, la demi-part supplémentaire pour les contribuables de plus de soixante-quinze ans titulaires de la carte du combattant et leurs veuves, pour 190 millions, et les déductions d'impôt des versements effectués pour la retraite mutualiste, pour 30 millions supplémentaires. Ces chiffres, que les associations oublient souvent d'inclure dans leur présentation du budget, participent de la cohérence des politiques publiques à destination du monde combattant.

Les crédits de solidarité augmentent pour leur part de 7,8 %. Ils concernent principalement les majorations des rentes mutualistes et les subventions versées à l'Onac et l'Ini.

Versées à plus de 421 000 pensionnés, les majorations constituent une dépense dynamique (+ 3,3 % pour 2010 après 6,86 % en 2009). La souscription d'une rente mutualiste s'accompagne, en plus de la majoration légale attachée à toute rente viagère, d'une majoration spécifique versée par l'État au titre du droit à réparation qui varie de 12,5 % à 60 % selon le titre détenu et sa date d'obtention. Elle bénéficie en outre d'un régime fiscal particulièrement favorable puisque les versements effectués en vue de sa constitution sont déductibles du revenu imposable et que la rente, une fois constituée, est exonérée d'impôt sur le revenu pour sa part inférieure au plafond légal. En conséquence, Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis, a fait part de son scepticisme face à la demande des associations de voir le plafond majorable relevé à 130 points d'indice, surtout lorsque l'on sait que seuls 20 % des bénéficiaires atteignent aujourd'hui ce plafond, établi à 1 693,75 euros au 1er janvier 2009. La baisse des effectifs concernés sera mesurée en 2010, l'arrivée progressive de ressortissants issus de la quatrième génération du feu (Opex) compensant en grande partie les sorties attendues.

Consacré dans son rôle de guichet unique de proximité au service des anciens combattants, l'Onac voit sa dotation pour charges de service public progresser de plus de 13 millions d'euros pour atteindre près de 53 millions, afin d'assurer la reprise, dans les meilleures conditions, des missions précédemment exercées par la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale (DSPRS) qui a vocation à disparaître à l'horizon 2011. Ainsi 280 emplois lui seront transférés avec les moyens de fonctionnement correspondants, ce qui lui permettra, entre autres, de poursuivre le développement de ses capacités informatiques. La commission aura l'occasion de dresser un premier bilan de la réforme au cours du contrôle budgétaire qu'elle mènera conjointement avec la commission des finances sur ce sujet l'an prochain. Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis, a assuré de sa vigilance sur la préservation de la qualité du service rendu à l'usager et, plus généralement, de son attachement pour cette « maison du combattant ».

La subvention d'action sociale de l'office augmente de 500 000 euros pour répondre aux besoins croissants en matière d'aide ménagère et de maintien à domicile. Les crédits destinés à financer l'allocation différentielle versée aux conjoints survivants sont par ailleurs reconduits et devraient même être sanctuarisés, à l'avenir, dans le budget social de l'Onac ; conformément aux souhaits de la commission, le revenu mensuel minimum garanti, d'abord fixé à 550 euros, a été relevé successivement à 681 euros en 2007 puis à 750 euros en 2008 alors que, dans le même temps, l'aide personnalisée au logement était exclue des ressources prises en compte pour son calcul. L'allocation sera portée à 800 euros au 1er janvier 2010 puis à 817 euros en cours de gestion, l'ambition consistant à la porter, à terme, au niveau du seuil de pauvreté (887 euros).

La subvention versée à l'Ini, en hausse de plus de 3 millions d'euros, doit lui permettre de poursuivre sa modernisation tout en se voyant rattaché le centre d'études et de recherches sur l'appareillage des handicapés (Cerah).

Enfin, le programme 169 intègre désormais une nouvelle action, provisionnée à hauteur de 10 millions d'euros, correspondant à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires. Cette mesure de réparation, attendue par les associations et qui sera versée sous forme de capital, est particulièrement bienvenue. Ayant reçu du ministre l'assurance que ces sommes ne seraient pas prélevées sur d'autres actions de la mission, Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis, a proposé que la nomenclature budgétaire prenne acte de la modification du titre du projet de loi en passe d'être adopté définitivement, en visant la « reconnaissance et l'indemnisation des victimes » plutôt que la « réparation des conséquences sanitaires » des essais nucléaires.

Les crédits de la politique de mémoire figurant au programme 167 « Liens entre la Nation et son armée » progressent de 6,1 %, la période 2009-2018 s'annonçant particulièrement riche sur le plan des commémorations. Pour 2010, les célébrations s'articuleront principalement autour de l'appel du 18 juin et des premiers temps de la France libre.

Malgré la polémique née l'an dernier à l'issue des travaux de la commission Kaspi qui proposait de ne conserver que trois dates au titre des célébrations nationales, la plupart des conclusions du rapport restent valables : il importe de trouver des formes nouvelles de commémoration, attrayantes à l'égard des jeunes générations et élaborées en lien avec les établissements scolaires, et d'associer davantage encore les collectivités à la politique mémorielle.

De même, la création, désormais imminente, de la fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc est une bonne nouvelle. Son budget est bouclé et le nom de son futur président, Claude Bébéar, est connu.

L'enveloppe consacrée à l'entretien des sépultures de guerre et des hauts lieux de mémoire, qui relève du programme 169, est par ailleurs reconduite, la baisse apparente de 66 % s'expliquant uniquement par des transferts de crédits vers l'Onac.

Pour ce qui concerne le programme 158 relatif à l'indemnisation des orphelins et des victimes de spoliation de la Seconde Guerre mondiale, la baisse des crédits s'explique essentiellement par la décrue du nombre de nouvelles demandes ainsi que par la réduction du stock de dossiers à traiter. Jusqu'à présent, ces mesures auront concerné plus de 72 600 personnes et mobilisé plus de 1,4 milliard d'euros.

Au vu des préconisations du rapport du préfet Audouin, une commission de concertation a été mise en place afin d'étudier l'opportunité d'étendre le droit à réparation à tous les orphelins de guerre. Les parlementaires devront être pleinement associés à cette réflexion sachant que, selon le périmètre et les modalités de réparation retenus, les implications financières peuvent être considérables.

Enfin, revenant à la situation des veuves, Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis, a jugé bienvenue la hausse de 50 points, décidée à l'Assemblée nationale, des majorations accordées aux veuves des grands invalides qui ont renoncé à travailler pour s'occuper de leur conjoint. Il serait cependant nécessaire de faire le point sur l'ensemble des dispositifs, qu'il s'agisse de l'allocation différentielle, des pensions attribuées aux veuves de guerre ou de la réversion des pensions d'invalidité et de leurs majorations, afin de mieux prendre en considération les veuves en situation précaire sans le faire au détriment des anciens combattants aux revenus les plus modestes.

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