Intervention de François Pillet

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 4 novembre 2009 : 1ère réunion
Violences de groupes — Examen du rapport et du texte proposé par la commission

Photo de François PilletFrançois Pillet, rapporteur :

Ensuite, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. François Pillet et a établi le texte qu'elle propose pour la proposition de loi n° 506 rectifié (2008-2009), adoptée par l'Assemblée nationale, renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d'une mission de service public.

a fait valoir que la proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d'une mission de service public avait pour but d'apporter aux forces de l'ordre et aux magistrats un certain nombre de solutions adaptées à la spécificité des violences commises en bandes. Tout en souscrivant à cet objectif, il a souhaité que ce texte puisse être modifié dans le respect des principes fondamentaux du droit pénal français et de la cohérence de l'échelle des peines.

a remarqué que, depuis plusieurs décennies, les grandes agglomérations françaises étaient périodiquement traversées par des flambées de violences émanant le plus souvent de jeunes gens issus de quartiers défavorisés. Il a observé que, pourtant, pendant de longues années, les pouvoirs publics n'avaient pas semblé prendre la mesure du caractère spécifique du phénomène des bandes violentes. D'après les personnalités qu'il a auditionnées, la notion de « bande » ne fait réellement l'objet d'une attention particulière que depuis cinq à six ans. De ce fait, il a regretté que peu de données objectives soient disponibles pour tenter de cerner précisément ce phénomène.

a indiqué qu'une étude réalisée par la direction centrale de la sécurité publique en mars 2009 avait néanmoins établi qu'il existait 222 bandes violentes en France, regroupant environ 2 500 membres réguliers et autant de membres occasionnels. D'après cette étude, les quatre cinquièmes de ces bandes sont localisées en région parisienne et un peu moins de la moitié de leurs membres sont âgés de moins de dix-huit ans. A la différence des gangs américains, qui comptent parfois plusieurs milliers de membres, d'après cette étude, les bandes françaises les plus structurées ne comporteraient guère plus de cinquante personnes. Il lui a semblé essentiel de distinguer les « bandes » des groupes politiques extrémistes, tels que ceux qui se sont manifestés lors du sommet de l'OTAN à Strasbourg, en avril 2009, ou à Poitiers récemment. A la différence de ces groupes d'extrémistes, qui agrègent au gré des manifestations des individus ne partageant pas de vie en commun, il a souligné que les bandes constituaient de véritables formes de sociabilité alternative, que la notion de territoire revêtait pour elles une valeur quasi-sacrée et qu'elles ne fonctionnaient que collectivement, les actes de violences étant toujours accomplis en commun, le plus souvent dans des territoires « neutres » tels que les espaces scolaires ou les transports en commun.

a fait valoir que l'action engagée par les pouvoirs publics pour lutter contre la délinquance urbaine avait permis à cette dernière de diminuer de 33 % entre le 1er janvier 2002 et le 31 décembre 2008. Néanmoins, ces données globales masquent une certaine radicalisation des phénomènes de violences, concentrés sur un nombre restreint de quartiers en difficulté et d'individus au passé judiciaire lourd, comme l'a notamment indiqué le Conseil national des villes dans un avis rendu en janvier 2008. En outre, il a fait valoir que ce phénomène de radicalisation s'accompagnait, d'une part, d'un accroissement des agressions perpétrées contre les forces de l'ordre, et, d'autre part, d'une banalisation du recours aux armes.

a indiqué que le droit pénal n'était pas totalement démuni face aux violences commises en groupes. En premier lieu, il a rappelé que le complice de l'infraction est puni des mêmes peines que l'auteur des faits. En second lieu, il a souligné que, dans un grand nombre d'hypothèses, le fait que l'infraction ait été commise par plusieurs individus agissant en groupe est considéré par le code pénal comme une circonstance aggravante, à travers la notion de commission en réunion ou de celle, plus grave, de commission en bande organisée. En troisième lieu, il a relevé que, depuis l'adoption du code Napoléon de 1810, le délit d'appartenance à une association de malfaiteurs permet d'incriminer les groupements formés en vue de la préparation d'un ou plusieurs crimes ou d'un ou plusieurs délits, le champ de cette infraction ayant été étendu en 2001 aux crimes et délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement. Au surplus, il a indiqué que les groupements spontanés peuvent être poursuivis sur le fondement du délit d'attroupement.

Par ailleurs, le rapporteur a observé que les tribunaux n'hésitent pas à retenir la responsabilité de tous les membres d'un groupement informel qui s'est rendu coupable d'un crime ou d'un délit, dès lors qu'une faute peut être imputée à chacun d'entre eux. Enfin, il a noté que ce dispositif pénal a été renforcé au cours des dernières années par l'adoption de mesures plus spécifiques visant les violences de groupes. Il a notamment cité les dispositions adoptées dans le cadre de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure ainsi que dans le cadre de la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.

Néanmoins, M. François Pillet, rapporteur, a fait valoir que l'ensemble de ces mesures n'apparaissait pas suffisant pour lutter efficacement, de façon préventive, contre les violences commises en groupes. En effet, il a relevé que, si les dispositions relatives aux attroupements permettaient de réprimer les violences commises par des groupes politiques extrémistes et si celles relatives à la criminalité organisée et à l'association de malfaiteurs concernaient les bandes criminelles présentant un certain degré d'organisation et une activité inscrite dans la durée, en revanche, le droit ne parvenait pas à prévenir de façon suffisamment efficace les violences commises par des bandes informelles, peu structurées, constituées sur une base territoriale et se livrant de façon régulière à des formes de délinquance allant de simples actes d'incivilités à des délits graves. Il a souligné que la proposition de loi visait précisément ce type de groupes informels.

a remarqué que, au cours des derniers mois, un certain nombre de dispositions avaient été adoptées ou renforcées afin de mieux lutter contre les phénomènes de bandes violentes. Ainsi, en ce qui concerne l'adaptation de l'organisation des forces de l'ordre à cette forme particulière de délinquance, il a mentionné la création de vingt-trois unités territoriales de quartiers (UTEQ), composées d'effectifs spécialement affectés à un territoire délimité ayant pour mission d'améliorer la connaissance des quartiers et de leur population et d'assurer une présence quotidienne, dissuasive et visible afin de mieux identifier les auteurs de délinquance et de mieux procéder à leur interpellation. Il a indiqué que ces UTEQ étaient désormais appuyées au niveau départemental par des compagnies de sécurisation d'une centaine d'hommes chacune, formés aux violences urbaines et aux investigations dans des environnements difficiles. Il a rappelé que, lors de son discours de Gagny du 18 mars 2009, le chef de l'Etat avait annoncé que cent UTEQ et vingt-trois compagnies de sécurisation seraient constituées avant la fin de l'année 2010. Par ailleurs, il a fait valoir que l'organisation des forces de l'ordre en réponse à la délinquance de bandes, qui se caractérise par une forte mobilité, passait également par la création de polices d'agglomération, et a annoncé qu'il proposerait un amendement tendant à faciliter leur création. Enfin, il a indiqué que des efforts avaient été engagés au cours des derniers mois pour renforcer le recours à la vidéosurveillance, pour restructurer le dispositif de renseignement intérieur et pour mieux protéger les établissements scolaires et leurs abords, citant notamment la circulaire signée conjointement par les ministres de l'intérieur et de l'éducation nationale le 23 septembre 2009.

a constaté que la proposition de loi s'inscrivait dans le contexte de ces mesures. Il a indiqué que, à l'issue de son examen par l'Assemblée nationale, ce texte comportait seize articles et visait trois objectifs principaux :

1°) agir préventivement contre les phénomènes de violences de groupes, au moyen d'infractions-obstacles permettant d'incriminer, avant le passage à l'acte, les comportements dangereux susceptibles de déboucher sur des violences ou des dégradations ;

2°) punir plus sévèrement les auteurs de violences qui profitent de l' « effet masse » créé par le groupe pour commettre des infractions, à travers la création d'un certain nombre de circonstances aggravantes nouvelles ;

3°) enfin, sanctuariser les établissements scolaires, en élevant notamment au rang de délit l'intrusion ou le maintien non autorisé dans un établissement d'enseignement.

a indiqué que, après avoir entendu un certain nombre de personnes, notamment le préfet de police de Paris, le directeur central de la sécurité publique ainsi que des membres du Parquet, il estimait nécessaire de donner aux pouvoirs publics des outils juridiques nécessaires pour prévenir et lutter efficacement contre les violences commises par les bandes. Néanmoins, il a indiqué que son attention avait été appelée sur un certain nombre de difficultés que pourrait susciter l'application de ce texte par les forces de l'ordre ou les juridictions. Pour cette raison, il a souhaité proposer quinze amendements tendant à modifier la proposition de loi en fonction de trois orientations :

- tout d'abord, il a souhaité que soient modifiées ou supprimées les dispositions susceptibles d'ouvrir la voie à une forme de responsabilité collective, qui serait incompatible avec les principes fondamentaux du droit pénal ;

- en outre, il lui a semblé indispensable de restaurer une certaine cohérence dans l'échelle des peines retenue par le texte ;

- enfin, il a proposé de supprimer un certain nombre de dispositions déjà satisfaites par le droit en vigueur.

En conclusion, M. François Pillet, rapporteur, a fait valoir que la question des violences commises par les bandes requérait toute l'attention des pouvoirs publics et que la prévention devait demeurer au coeur des préoccupations. Il a indiqué que le droit comparé offrait un certain nombre de solutions qu'il a estimé intéressant d'étudier et a souhaité que les travaux à venir de la commission permettent de poursuivre cette réflexion.

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