Intervention de Claudy Lebreton

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 4 novembre 2009 : 2ème réunion
Réforme des collectivités territoriales — Table ronde

Claudy Lebreton, président de l'assemblée des départements de France :

après avoir souligné le pluralisme de son association, a indiqué qu'un large consensus s'y était dégagé contre la réforme de la taxe professionnelle, mais que la réforme territoriale y provoquait des clivages entre les deux grandes familles politiques et de petites divergences au sein des partisans de la majorité parlementaire.

Il a noté l'importance pour la France de la décentralisation, même imparfaite dans ses résultats : il a souligné qu'elle avait décuplé l'innovation sociale et produit des services publics efficaces et de qualité. Il a considéré que, par leur gestion, les collectivités locales avaient prouvé leur capacité à répondre aux attentes quotidiennes des administrés. Le président de l'ADF a souligné que le mouvement décentralisateur s'était développé au fil des alternances, en mentionnant notamment la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, présentée par le Gouvernement alors dirigé par M. Jean-Pierre Raffarin.

Citant une étude réalisée par l'ADF sur l'organisation territoriale dans chacun des Etats-membres de l'Union européenne, il a précisé que la quasi-totalité des pays connaissait un système territorial à trois niveaux : un premier bloc local compétent pour les services publics de proximité, puis des régions entretenant des relations privilégiées avec les Etats pour les grands sujets d'avenir (économie de la connaissance, ...) et les grandes infrastructures, et enfin un troisième niveau intermédiaire correspondant aux départements français, compétent en matière d'action sociale et de solidarités. Il a relevé une grande hétérogénéité de la situation des régions européennes, notant la faiblesse des collectivités françaises. Il a conclu ce point sur la nécessité d'intégrer l'Europe dans le débat en cours et de ne pas créer, pour le système français, de trop grandes disparités avec ses voisins européens. Sur la question financière, il a précisé que le budget des collectivités locales, rapporté aux prélèvements publics, constituait en Europe une part oscillant entre 50 et 30 %, la France se situant, elle, au niveau de 20 %.

Rappelant la demande réitérée de suppression des départements (rapport Attali de février 2008, discours du Président de la République, le 25 septembre 2008, à Toulon, rapport de la commission des lois de l'Assemblée nationale, rapport du comité présidé par l'ancien Premier ministre Edouard Balladur), il s'est félicité du travail approfondi de la mission temporaire sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales, mise en place au Sénat à l'automne 2008 et présidée par le sénateur Claude Belot.

Il a estimé que le projet de loi sur la réforme des collectivités territoriales s'inspirait du rapport Balladur mais non du rapport Belot. A cet égard, il a regretté que les cent premières pages du rapport Balladur fassent le procès de la décentralisation. M. Edouard Balladur lui-même, a-t-il rappelé, a évoqué, après la remise de son rapport, « l'évaporation » des départements et des communes.

Il a indiqué que les conseils généraux avaient adopté à l'unanimité, le 17 décembre 2008, vingt-deux propositions, dont un nombre insuffisant avait été repris dans les textes proposés par le Gouvernement.

Concernant le rapport Balladur, il a également estimé que l'idée de deux couples commune/intercommunalité et département/région n'était pas pertinente. Le département a notamment une vocation de proximité tandis que la région a une vocation de mission. Ainsi, le transfert des TOS aux régions a donné à celles-ci des responsabilités de gestion qui n'étaient pas dans leur nature. Le Président de la République a évoqué, à Saint Dizier, le pôle département/région et le conseiller territorial, mais les alliances pertinentes sont, pour la proximité, l'alliance entre la commune, l'intercommunalité et le département et, pour la stratégie, l'alliance entre la région, l'Etat et l'Europe.

En outre, la charge de conseiller général représente, selon lui, au moins un mi-temps, comme celle de conseiller régional. Le conseiller territorial risque ainsi d'être un professionnel de la politique, ce qui rendra probablement nécessaire un régime indemnitaire, puis un secrétariat, de telle sorte qu'aucune économie ne sera finalement obtenue.

Par ailleurs, M. Claudy Lebreton a exprimé son désaccord avec le terme de « cantonalisation » utilisé par M. Jean-Paul Huchon à propos du conseiller territorial, soulignant que les conseillers généraux élus aujourd'hui dans le cadre cantonal étaient capables de suffisamment de hauteur de vue pour oeuvrer, par exemple, au développement économique ou à la politique de l'emploi.

Il a également indiqué que l'ADF reconnaissait la nécessité d'un renouvellement global de l'assemblée départementale tous les six ans, d'un redécoupage des cantons pour mieux tenir compte de la démographie, ainsi que d'une modification du scrutin pour obtenir davantage de parité. Sur ce dernier point, comparant le mode d'élection des députés avec celui des conseillers généraux, il a estimé que l'introduction d'amendes pour non-respect de la parité était susceptible d'améliorer la situation.

En revanche, un scrutin à un tour dans le cadre de cantons de 25 000 habitants pour l'élection des conseillers territoriaux, inspiré du modèle anglais, et qui risquerait d'être étendu aux députés, eu égard au caractère similaire de leur mode d'élection actuel avec celui des conseillers généraux, lui est apparu peu souhaitable. A cet égard, des simulations effectuées à partir des dernières élections cantonales partielles lui ont démontré que cette introduction du scrutin à un tour favoriserait nettement un bord politique au détriment de l'autre. Il a cependant concédé qu'une partie des membres de l'ADF ne rejetait pas l'idée des conseillers territoriaux.

Enfin, l'ADF a demandé à la société KPMG d'évaluer les économies qui résulteraient de la fusion des départements et des régions. L'étude, réalisée en Bretagne et en Basse-Normandie, a montré que, dans un délai de dix ans, cette réforme augmenterait les dépenses globales. Or, la réforme proposée conduit bien, selon lui, à cette fusion. Les nouvelles collectivités auraient alors de 30 000 à 50 000 fonctionnaires, ce qui est beaucoup trop élevé.

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